Arrivée à son paroxysme, la tension entre avocats et magistrats ne semble pas avoir une issue claire dans l'intérêt du secteur de la Justice dont ils sont les principaux partenaires. Raoudha Karafi présidente de l'Association des magistrats tunisiens, a notamment déclaré, lors d'une assemblée générale extraordinaire tenue dernièrement à Sfax, que « le Conseil supérieur de la magistrature doit être ouvert à tous les membres de la composante sociale afin de mieux servir la société ». Or, par rapport à l'incident survenu à Sfax, au cours duquel une avocate est entrée en conflit avec des agents de l'ordre, Raoudha Karafi a déploré qu'il soit pris comme prétexte à des fins politiques. En tout état de cause, l'indépendance de la magistrature ne peut être consolidée que par une large représentativité au sein du Conseil supérieur de la magistrature. « Aucune des parties prenantes ne doit avoir de monopole sur cet organe, et ce pour mieux consolider l'indépendance de la magistrature, a-t-elle encore affirmé ». Pour sa part le Conseil national des avocats, à l'issue de l'assemblée générale extraordinaire, tenue vendredi dernier, a rejeté en bloc la dernière mouture du projet de loi sur le Conseil supérieur de la magistrature, pour sa non- conformité aux critères nécessaires d'un procès équitable tout en rejetant la thèse défendue par certains magistrats, qui favorisent un Conseil de magistrats et non de la magistrature. Or le Conseil en question, n'est pas un organe spécialisé, étant au service de tous les justiciables, a précisé Fadhel Mahfoudh le bâtonnier du Conseil de l'Ordre. Il a également appelé à la constitution d'une commission nationale en vue de mettre en œuvre les modalités juridiques destinées à la lutte contre la corruption et les malversations de toutes sortes, de manière viscérale, conformément aux normes internationales, et ce , en vue d'une réforme efficace et systématique du secteur de la magistrature. Enfin le conseil de l'Ordre a fait appel à toutes les organisations nationales et les composantes de la société civile, afin de soutenir tous les avocats dans leur combat quotidien et incessant pour la consolidation des droits et des libertés auxquels aspire le peuple tunisien. Si chacune des deux parties prenantes dans ce litige, appelle à la consolidation des droits et des libertés, on ne peut pas dire pour autant que le conflit entre eux est dissipé. Toutefois, et étant donné que le projet de loi est encore à l'étude devant la commission législative de l'ARP, il serait peut-être plus sage selon certains observateurs que toutes les composantes de la société civile se rapprochent afin d'œuvrer à l'unisson à l'instauration des bases d'une justice équitable, en vertu de laquelle tous les citoyens sont égaux devant la loi. Ahmed Rahmouni, président de l'Observatoire a exposé hier au cours d'un point de presse, les causes profondes qui ont dégénéré au conflit entre les avocats et les magistrats, les deux partenaires de justice dont dépend essentiellement le sort du justiciable, et l'essor de la Justice. Devant ce conflit, « il faut que les deux parties reconnaissent les droits qui reviennent à chacune d'elles », a-t-il précisé ajoutant que « l'indépendance du magistrat ainsi que l'immunité de l'avocat dans l'exercice de sa profession doivent être reconnues mutuellement et consolidées conjointement par les deux partenaires de Justice ». Il ajouta que « la relation entre avocats et magistrats doit être basée sur un respect mutuel entre eux, conformément aux règles imposées par la déontologie dans chacune des professions ». Enfin, il a fait appel à la constitution d'une commission de médiation, qui sera composée par des avocats et des magistrats, afin de procéder à un rapprochement des points de vue entre les deux parties au litige. Une conciliation est nécessaire pour mettre fin à un litige qui n'a pas sa raison d'être en pareille conjoncture, où toutes les composantes de la société œuvrent à l'unisson pour la consolidation des droits et des libertés publiques.