Pour célébrer les dix ans du festival, une édition spéciale s'impose. Les organisateurs ont vu grand cette fois. Pour la première fois en dix ans, l'intégralité des spectacles est précédée par des Befores et se prolonge avec des soirées afters. De grosses pointures du jazz à l'échelle mondiale sont programmées. Si dans ses débuts le festival s'étalait à peine sur 5 jours, pour cette année, les férus se régaleront durant 11 jours pour apprécier ce style musical ensorcelant. Toujours à l'affût des voix et des musiciens qui font le jazz à l'échelle internationale, les organisateurs sont déterminés à relever le défi cette année pour gâter le public tunisien du meilleur qui puisse exister de la musique jazz dans le monde. Entretien avec l'organisateur de Jazz à Carthage, Mourad Mathari Le Temps : Quelles sont les grandes lignes de la 10ème édition de Jazz à Carthage qui souffle cette année sa 10ème bougie ? Mourad Mathari :Nous la voulons exceptionnelle et inédite spécialement pour le 10ème anniversaire du festival. D'ailleurs, une première depuis le démarrage de Jazz à Carthage, la programmation qu'on a préparée n'a pas été critiquée par les connaisseurs. Ils nous ont même tiré leur chapeau. A vrai dire, le choix et les goûts du public nous ont exhortés à varier un peu plus le contenu et les spectacles. Nous avons pris le risque pour cette année de prendre les plus grosses pointures du jazz à l'échelle mondiale et qui jouent à guichets fermés à l'étranger dans les festivals les plus connus. Notre seul souhait, aujourd'hui, c'est qu'ils maintiennent leur engagement compte tenu de la situation actuelle dans le pays. Sinon, il y a 24 artistes dans la programmation avec des spectacles qui sont répartis sur deux types : des spectacles grand public et d'autres pour un public ciblé. Des Before et des Afters sont prévus les 3 et 4 avril à l'espace Agora. L'essentiel du festival aura lieu au Palais des Congrès que nous avons aménagé spécialement pour l'esprit et l'ambiance jazzy afin que le public soit confortablement installé. Nous ferons en sorte, pour cette fois-ci, de répondre à la quasi-totalité des demandes et des critiques des éditions précédentes. La scène est beaucoup plus spacieuse et nettement mieux adaptée. Pour cette édition exceptionnelle, y a-t-il eu un soutien financier ou logistique de la part du ministère de la Culture et de la Sauvegarde du Patrimoine ? Les deux dernières années, le dit ministère nous a privés de la petite subvention qu'il nous accordait auparavant. Il s'agissait d'une enveloppe de 15 mille dinars. Vu les dépenses et les frais du festival, cette aide est dérisoire. Pour un festival respectable et à la hauteur, il faut ramener les grosses pointures de la musique jazz dans le monde. Ces derniers demandent des cachets très chers. Si l'Etat continue à refuser de subventionner le festival, cela aura une répercussion directe sur Jazz à Carthage. Ce qui revient à dire que sans le soutien du gouvernement, on ne pourra pas assurer un festival respectable et de bonne qualité. On ne peut pas bricoler ! Le public est habitué à une certaine qualité. On ne peut pas retourner en arrière. Jazz à Carthage s'est étoffé, sa notoriété aussi. Mais les ressources manquent de plus en plus. A partir de 2016, il faudra revoir le modèle économique. Au pire des cas, si les autorités de tutelle ne subventionnent pas ce genre d'activités culturelles, la moindre des choses serait d'alléger les charges. Sans subvention de l'Etat, on ne pourra pas assurer une qualité assez élevée et des prix de billets à la portée. Vous parliez tout à l'heure de grosses pointures de jazz célèbres dans le monde. Sont-elles toutes confirmées ou y a-t-il des réticences depuis l'attentat du musée de Bardo ? Si les contrats sont tous signés, par contre, certaines d'entre-elles commencent à montrer des signes d'appréhension. De notre côté, on a tout fait dans les règles de l'art. Maintenant, le risque d'annulation n'est pas à écarter. Les deux premières soirées risquent d'être chamboulées. Depuis 4 jours maintenant j'essaye de régler ce problème. J'ai fait appel aux ministères de tutelle, celui de la Culture, du Tourisme et même le ministère de l'Intérieur pour adresser des lettres aux artistes. Ils ont promis de le faire. On attend. L'ambassadeur de France a écrit aux artistes français un courrier très encourageant. J'en ai envoyé d'autres aux artistes manifestent des réticences. Certainement, on a un plan B. Au pire des cas, nous aurons 24 artistes, si deux ou trois déclinent l'invitation, on en aura d'autres. Avez-vous arrêté une stratégie sécuritaire en coordination avec les forces de l'ordre ? Absolument. Nous nous sommes entretenus avec les sécuritaires. Juste après l'attaque du Bardo, nous avons demandé une autre réunion pour en discuter. Nous avons déjà informé le représentant de la Commission des Artistes Etrangers notre souhait d'organiser une réunion pour leur exprimer notre désir de renforcer la sécurité. Nous avons saisi le ministère de la Culture pour le solliciter à nous aider à demander au ministère de l'Intérieur quant au renforcement du dispositif sécuritaire. Nous-mêmes avons renforcé notre équipe. Tout sera mis en œuvre pour que le festival Jazz à Carthage cartonne pour son 10ème anniversaire.