Le photographe Mohamed Ali Essaadi revient au devant de la scène avec la réouverture de la galerie qu'il anime à Carthage, depuis 1986. Regards sur un espace culturel ouvert à tous les arts et gros plan sur une exposition de reprise qui réunit douze plasticiens contemporains tunisiens et étrangers... La galerie Essaadi, depuis sa fondation en 1986, a été un véritable laboratoire pour les arts plastiques en Tunisie. Creuset d'initiatives originales, forum pour les jeunes artistes, cette galerie qui fait face aux Thermes d'Antonin, à Carthage, est inséparable des évolutions de l'art contemporain dans notre pays. On y a vu de nombreuses expositions qui ont ouvert la voie aux jeunes générations et aussi fait découvrir installations iconoclastes et expérimentations inattendues. On se souvient ainsi des cycles sur le cheval ou bien des expositions conjointes d'artistes et d'artisanes qui donnaient au mois d'août les mille lueurs d'œuvres métissées et plurielles. Deux décennies de découvertes Photographe, Essaadi a cultivé une tradition d'accueil pour tous ceux qui, comme lui, ont su écrire avec la lumière. Ainsi, en 1987, l'une des premières expositions abritées par la galerie n'était autre qu'un hommage aux photographes Lehnert et Landrock et à leurs œuvres tunisiennes. Essaadi continuera d'ailleurs à creuser ce sillon en ouvrant les portes de la galerie aussi bien aux valeurs montantes, à l'image de Slim Gomri ou aux acteurs historiques de la photo en Tunisie. En vingt ans d'expositions, cette galerie - qui soit dit en passant est le premier espace privé de ce type à avoir ouvert à Carthage - a multiplié les initiatives, participant pleinement à la vie des arts. Pour des raisons médicales, Essaadi a interrompu en 2007 son travail à la tête de cet espace. Auparavant, il avait accueilli bien des événements allant du cycle "Pieds dans l'eau" aux expositions de travaux sur marbre des étudiants des Beaux-arts. Deux décennies bien remplies dont le rappel de la diversité des expositions souligne bien le caractère d'aiguillon pour les plasticiens et de socle pour les projets alternatifs qu'a pu jouer cette galerie à la confluence du marché de l'art et de la nécessaire innovation. Tout en retraçant, sommairement il est vrai, les travaux et les jours de la galerie Essaadi, ce regard rétrospectif sur la vie de cet espace entre 1986 et 2007 remonte aux sources d'une action et induit que bien du nouveau sera à découvrir prochainement sur ces cimaises. En effet, après une absence de huit ans, la galerie Essaadi va retrouver ses artistes et son public. L'exposition de reprise sera inaugurée le 1er mai prochain et se poursuivra jusqu'au 25 mai, avec la participation de douze artistes tunisiens et étrangers. Douze artistes pour une "absence" Ces douze artistes ont été choisis parmi ceux qui ont présenté des expositions personnelles dans l'espace cher à Mohamed Ali Essaadi. Venant de toutes les expressions et tendances, ces "Douze de Carthage" comptent en leur sein l'Irakienne Nina El Ezzi, l'Allemand Gunther Stastsick et l'Américaine Jenny Leanut. Tous les autres exposants sont Tunisiens et proviennent de diverses disciplines à l'image du céramiste Mohamed Hachicha, du photographe Slim Gomri ou de la tisserande Fatma Samet. Notons également la participation de Sami Nébil, un plasticien tunisien résident en France et dont les œuvres s'étaient taillées un beau succès, il y a quelques années. Deux artistes qui se font plutôt rares figurent parmi les participants à cette rétrospective qui permet de remonter le temps et découvrir en un seul regard combien la galerie Essaadi a brassé de différences. Ces artistes sont Raouf Gara et Sylvain Monteléone qui, tous deux, comptent parmi les passeurs d'imaginaire les plus constants dans leurs parcours et les plus cohérents dans leurs choix. A leurs côtés, le public pourra également découvrir les œuvres de Amel Kebaili, Adnan Chennaoui ou Mohamed Zouari qui continuent à compter parmi les animateurs de la galerie. Comme toujours, et fort symboliquement, Mohamed Ali Essaadi exposera avec ses invités et proposera de retrouver les ferments singuliers de sa démarche photographique qui mêle, superpose et fusionne des éléments divers parfois antagonistes mais toujours créateurs d'harmonie. Il sera le treizième élément de cette exposition fertile en univers artistiques et ouverte sur une nouvelle page de la vie de la galerie. Simplement intitulée "Absence", cette exposition semble justement tenter de conjurer plusieurs absences: celle de la galerie qui vient de renaitre, celle des introuvables projets artistiques novateurs, celle aussi du temps métaphorique qui s'écoule subrepticement, celle enfin des présences en creux qui atténuent toute absence. Bienvenue de nouveau à la galerie Essaadi. Gageons qu'elle saura rapidement retrouver sa place dans le concert des initiatives qui font aujourd'hui des banlieues nord de Tunis l'épicentre de la vie des arts.