Qu'un artiste contemporain pense à soulever dans son œuvre le problème de l'immigration clandestine, lequel problème ne cesse de tenir la une des journaux tout en provoquant une vive controverse aussi bien à l'échelle nationale qu'internationale, n'est qu'une autre forme d'expression qui incite davantage les passionnés de l'art et le public en général à venir nombreux à la Galerie Guermassi pour découvrir les impressions de l'artiste sur ce drame social qui a endeuillé pas mal de familles tunisiennes ayant perdu leurs enfants, partis un jour en mer, à la recherche de l'Eldorado. En effet, Amel Zaïem nous invite à voir son exposition personnelle « La passion bleue » qui comporte seize toiles de peinture à huile dans différents formats. L'artiste, toujours attentive à ce qui se passe autour d'elle dans la société, nous présente aujourd'hui une collection originale sur le sujet complexe de l'immigration clandestine. L'artiste, touchée par les maux de la société dans laquelle elle vit, n'hésite pas à faire de son geste créateur une peinture fidèle, quoique dure à supporter, d'une telle aventure périlleuse dans laquelle s'embarquent quasi quotidiennement nos jeunes. Sur ces tableaux qui sont peints dans un style abstrait, on distingue la prédominance de la couleur bleue, ce qui révèle une conciliation avec cette couleur et toutes ses nuances de la part de l'artiste qui nous a habitués dans ses travaux antérieurs aux couleurs sombres, notamment le rouge. Dans cette exposition, elle veut mettre en relief les multiples dangers encourus par ces hommes, femmes et enfants qui mettent leur vie en péril en souhaitant regagner l'autre rive de la Méditerranée, pour enfin périr en mer. Amel Zaïem qui intitule son exposition « La passion bleue », explique ce choix en ces termes ; « Je n'ai pas choisi e titre en vain. Car celui qui prend la mer ne vit qu'entre deux bleus et ne respirent qu'entre deux bleus : le bleu du ciel clair et le bleu de la mer... Entre ces deux bleus, des rêves et des aspirations de nos jeunes immigrés, qui courent les mers, affrontent la mort sur les barques de la mort. Voulant être hôtes en pays d'immigration, ils se retrouvent des proies faciles pour les cétacés... » Ainsi, les rêves de ces clandestins semblent s'évaporer, avant même d'arriver à destination, au milieu de ces deux bleus, celui de la mer et du ciel, que l'artiste a su appliquer sur ses toiles avec beaucoup de verve et d'adresse, à telle enseigne que le visiteur devine à travers ces couleurs bleues, tantôt tachées de noir, les malheurs (faim, soif, affolement, détresse, désespoir...) des clandestins et le déchainement de la mer (agitation des vagues, intempéries...), tantôt tachées de blanc comme pour exprimer l'espoir qui fait survivre ces gens dans leur traversée. Dans cette exposition, l'artiste pousse un cri de détresse pour attirer l'attention des autorités compétentes et des forces sociales pour qu'elles s'intéressent davantage à ce phénomène afin d'y mettre fin et préserver la dignité, l'humanité et la sécurité de ces gens en les encourageant à s'établir dans leur patrie. Les titres données aux différents tableaux sont significatifs et rappellent les horreurs vécues par ses « aventuriers » dans leurs parcours en mer qui finit souvent en tragédie. On y trouve « « Harka », « Les clandestins », « Paysage marin », « Poisson bleu », « Profondeur », « Danse macabre », des titres qui renvoient à la peur, l'angoisse, le désespoir, l'inconnu et la mort. Parmi ces ouvrages, l'artiste présente une installation qui consiste en un pseudo bateau de voyage utilisé par ces clandestins, autant dire des lambeaux d'une embarcation, aux planches abimées ou moisies, assemblées de toutes pièces, où l'on peut voir des parois délabrés, des débris de filets aux mailles déchirées et un pneu usé pour servir de sauvetage : le tout ressemble à une épave éventrée, rejetée par le rivage, comme si l'artiste voulait dire : c'est à bord de ce soi-disant bateau que les clandestins traversent la mer et qui ne peut mener qu'à la dérive.