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Abdelmajid Chétali : Al Ahly est une équipe de défis mais la nouvelle Etoile est plus scintillante Champion's League africaine: Demain, Etoile du Sahel-Ahly du caire (19h10)
Le football coule dans ses veines. C'est l'air qu'il respire, c'est le plaisir qu'il savoure, c'est la passion qui l'émeut, qui l'enivre, qui le comble de joie, qui le chagrine. En un mot, c'est sa vie. Enfant, il avait un petit ballon enfoui au fond de son cartable parmi ses fournitures scolaires. Jeune, il a roulé sa bosse un peu partout sur des terrains durs, sur des pavés, au beau milieu de la rue pour dompter la sphère ronde. Joueur, entraîneur, commentateur, il s'est forgé une réputation notoire, il a souvent crevé l'écran et a suscité le respect et l'admiration de tous. Il a sillonné le monde, il a foulé les aires de jeu, il a côtoyé des joueurs, des entraîneurs et des dirigeants de toutes les générations. Il a laissé une image indélibile dans la mémoire collective du peuple tunisien. Celle du drapeau national étendu dans les vestiaires autour duquel les joueurs s'étaient attroupés pour écouter les dernières consignes avant le coup d'envoi d'un match international. Vous avez sans doute deviné de qui il s'agit. Abdelmajid Chétali, l'enfant prodige du football tunisien, l'artisan de l'épopée de l'Argentine ( la World cup de 1978) est notre illustre invité d'aujourd'hui. L'occasion est propice pour interroger ce grand connaisseur de football sur un évènement de taille : L'Etoile, les couleurs de ses premiers amours, s'apprête à disputer sa 3ème finale de la Champion's League Africaine. Une fête sportive qui fait bouillonner tout le Sahel, qui ne laisse personne indifférent. "Majda", fervent étoilé jusqu'à la moelle, a comme tous les fans inconditionnels la chair de poule, s'inquiète, s'ampatiente à 24 heures de cette première manche. Ecoutons-le se confesser.
Le Temps : Vous avez vous-même dirigé l'Etoile contre Enneymba ( finale de 2003). Vous étiez spectateur attentif de la finale de 2005 contre Al Ahly. Rebelote, l'Etoile, nouvelle version, disputera une autre finale de la Champion's League. Comment vous jugez la copie (2007-2008) de l'ESS ? Chétali : Aucune commune mesure. Aucune comparaison. Aujourd'hui, tout a changé de fond en comble. Seif Ghézel et Gilson Silva sont les seuls survivants de cette époque révolue. L'effectif a pratiquement changé à 95%. Revenons à la finale de 2003 contre les redoutables nigérians. Nous disposions d'une belle équipe. On avait perdu le titre au Nigéria par la loterie des pénalties dans les conditions douteuses que vous connaissez. En plus, il faut reconnaître que dans les compétitions africaine, l'équipe qui reçoit au match retour est souvent nettement favorisée. Il faut vraiment un exploit pour renverser la tendance. En 2005, l'Etoile n'avait pas l'étoffe d'un ensemble solide. Comment voulez-vous qu'on batte l'armada d'Al Ahly avec un groupe qui était incapable de battre l'EOGK à domicile et de venir à bout de l'USMO, une équipe démotivée en fin de championnat. Donc, le revers, si sévère soit-il était prévisible face à une Ç Ahly È au summum de son art. Depuis l'année dernière, l'Etoile s'est radicalement métamorphosée. Le groupe progresse d'une manière fulgurante. Un nouvel état d'esprit anime tous les joueurs. Ils sont plus solidaires, plus enthousiastes, plus ambitieux et plus déterminés. Malgré le départ de Chikhaoui, un garçon qui ne court pas les rues, d'Emeka, un repère incontournable sur l'échiquier, l'équipe surprend aussi bien en championnat qu'en Coupe d'Afrique. Ramasser 19 points sur les 21 possibles, aller gagner au Maroc puis en Kabylie, négocier avec autant de maturité tactique avec une formation presque expérimentale le déplacement à Khartoum ne sont pas donnés à n'importe qui. Regardez Seif Ghézel, qui faisait auparavant du décor sur les balles arrêtées, marque aujourd'hui des buts décisifs. En l'absence de Majdi Ben Mohamed, son compère de la défense, il prend plus de responsabilités. Saber Ben Frej, qui allait tomber dans les oubliettes, est actuellement le meilleur dans son poste et l'agréable buteur du championnat. Amine Chermiti, qui jouait il y a quelques mois à l'ombre dans la catégorie espoirs, est en passe de devenir l'une des attractions du football tunisien. Tout cela incite à l'optimisme sans toutefois tomber naïvement dans la légèreté et dans la béatitude.
A Sousse ou ailleurs, un refrain circule ces derniers temps: Al Ahly, de 2007-2008 n'est plus l'inaccessible ; l'intouchable; l'imbattable. Est-ce que vous adhérez à cette opinion largement répandue? -Dans une mesure, cela se défend. Remontons à la CAN (2006) remportée par l'Egypte au Caire. A cette époque, il y avait dans la formation rentrante 8 joueurs d'Al Ahly. Depuis les "Ahlaouis" étaient imprenables. Ils avaient glané tous les trophées mis en jeu aussi bien sur le plan national que continental. Leur suprématie était indiscutable. Même au Japon, lors de la dernière édition de la Coupe du monde des clubs, ils avaient été sensationnels en remportant la symbolique médaille de bronze. Aujourd'hui, ils entrent dans un nouveau cycle. Ils ont perdu quelques joueurs. Le latéral gauche Mohamed est mort à la fleur de l'âge (qu'il repose en paix et que Dieu le bénisse), Ahmed Chawki est parti en Angleterre, Wael Jomâa, l'inamovible défenseur axial, moisit aujourd'hui sur le banc des remplaçants. Ajoutons à cela le rythme infernal des compétitions dans lequel ils se sont engouffrés. Cet été par exemple , ils ont disputé un nombre fou de rencontres. En plus des matches de poule, la Ligue des champions, ils ont joué contre le FC Barcelone pour fêter le centenaire du club. Pour effacer le cinglant revers de 4 à 0, ils étaient presque obligés de se racheter auprès de l'opinion égyptienne qui en fait des héros glorieux". Alors , ils s'étaient mesurés à la Benfica de Lisbonne dans un match qui avaient loin d'être une simple rencontre amicale (ils avaient gagné 2 à 1). Ensuite, ils avaient tenu coûte que coûte à enrichir leur palmarès par le titre de supercoupe d'Egypte. Devant le refus d'Ezzamalek, de se plier à cette comédie, ils avaient contraint leur fédération à faire appel au club d'El Ismaïlia pour participer à cette parodie. Les conséquences de ce cumul insensé de compétitions ne se sont pas fait attendre: le groupe est saturé. Leur vedette Aboutrika connaît des blessures à répétition. En phase de poule, ils ont reçu une correction face aux soudanais d'El Hilal et ont été battu par l'Espérance de Tunis. En demi-finale, face à El Ittihad de Tripoli, ils ont connu les pires difficultés pour se qualifier à la finale. Il a fallu un autogoal du défenseur libyen pour éviter la trappe. La forme chancelante des joueurs d'Al Ahly a conditionné les prestations de l'équipe nationale d'Egypte lors des éliminatoires de la CAN/Ghana 2008. Dans un groupe constitué de la Mauritanie, du Bostwana et du Burundi, le pays du Nil a trimé pour se qualifier à la phase finale. Attention, il ne faut pas oublier que c'est le bulletin de santé d'Al Ahly du mois de juillet, d'août et de septembre. Celui du mois d'octobre a probablement changé. Le groupe a récupéré. Les 6 joueurs internationaux ont été ménagés du périple au Japon pour préparer ce rendez-vous du samedi. Tout le pays est derrière Al Ahly. C'est une question d'honneur national. En Egypte, on ne badine pas avec l'orgueil d'"Om Donia". Ensuite, il ne faut pas perdre de vue que Al Ahly est une équipe de défi. Elle sait se refaire une santé lors des grands rendez-vous.
Lors de la demi-finale retour contre les Soudanais d'El Hilal, B. Marchand a sacrifié son 4ème joueur de milieu au profit d'un 9 et demi. Pensez-vous que le coach français compte reprendre cette nouvelle formule ou plutôt revenir au schéma classique 4-4-2? -Je ne peux pas me prononcer aussi tôt sur cette question. Le Français connaît son sujet et il est en train de mijoter quelque chose pour la finale aller. Pour revenir à la demi-finale retour face aux Soudanais, il faut se rappeler que la paire Afouène Gharbi-Bessam Ben Nasser ne donnait pas pleinement satisfaction. Ils fournissaient des prestations à demi-teinte. Le match se déroulait à Sousse en présence d'un grand public. L'équipe avait besoin d'une victoire pour passer au tour suivant. Le coach a pris la décision d'injecter la nouvelle recrue ghanéenne S. Bukari. Je pense qu'il a été juste moyen. Demain face à Al Ahly, le contexte va changer. L'adversaire compte beaucoup sur ses excentrés Baraket et surtout Gilberto pour entamer son animation offensive. A mon avis, si j'étais à la place de Marchand, j'aurais titularisé Majdi Traoui dans le couloir droit pour deux raisons. D'abord pour contrer l'angolais Gilberto qui prépare pour Aboutrika et qui sollicite souvent son compère Flavio et Motâeb par ces centrages travaillés au premier poteau. Ensuite pour permettre à Ogounbiyi d'ajouter sa touche technique et sa force de pénétration lorsque Gilson et Chermiti ne trouvent pas de solutions en attaque. Ce n'est qu'une conception personnelle. Mais le dernier mot revient évidemment au staff technique étoilé.
Généralement, disputer le match retour chez l'adversaire du jour suscite pas mal d'appréhensions. Pensez-vous que ça soit le cas pour cette 3ème finale de l'Etoile? -Je ne sais pas, je ne suis pas inquiet comme je l'étais il y a deux ans. L'année dernière le CSS avait réussi à accrocher Al Ahly au Caire (1 à 1) en présence de 80.000 spectateurs. Il y a quelques temps, El Ittihad de Tripoli s'est incliné péniblement (1 à 0) . Je ne vois pas l'Etoile avec son look actuel incapable de résister au Caire à condition, bien sûr, de négocier positivement le match aller à Sousse "Incha Allah". Seulement, j'ai une petite remarque à soulever à propos du lieu de la rencontre du match retour. Les Egyptiens font du théâtre lorsqu'ils disent qu'ils préfèrent le grand stade du Caire au stade de l'Académie Militaire. En vérité, ils aiment évoluer sur la pelouse du second, nommé, certes avec moins de spectateurs (27.000) mais avec plus de pression sur l'équipe adverse car le public est tout près des joueurs. Au stade du Caire, le public est plus nombreux mais loin des acteurs du jeu.
Quels sont les principaux atouts de l'Etoile pour forcer la décision dès le match aller? -Beaucoup de gens disent que la force de l'Etoile réside dans l'exploitation de l'exercice des balles arrêtées. Tous les entraîneurs , Decastel, le dernier en date, se préparent pour contrer cette arme mais concrètement, ils n'arrivent pas à la désamorcer. Tant mieux pour nous. Mais les Etoilés possèdent un groupe solidaire, harmonieux et homogène. Chermiti, Ben Frej, Gilson, pour ne citer que ceux-là peuvent à tout moment faire la différence.
A un stade pareil de la compétition, qu'est-ce qui vous fait peur dans votre équipe? -J'ai surtout peur de la pression. Personnellement, je la subis depuis le début de la semaine. Pour évacuer cette charge mentale, les joueurs doivent dès le coup d'envoi du match faire douter les Egyptiens. Ils doivent anticiper la première balle. Ce sont des joueurs qui aiment les espaces pour faire circuler la balle avec fluidité. Il faut empêcher cette relance et les pousser à remballer à l'emporte-pièce. Ce qui est n'est pas dans leur style et leur nature. Il y a deux ans, ils nous avaient "glacés" à Sousse du temps de Bazdarivitch. Il ne faut pas laisser le temps à Imad Ennahas par exemple le temps de contrôler, de relancer. Si nous arrivons à les priver de ballon, nous pourrons les surprendre.
Gilson est un cas un peu particulier. Ne pensez-vous pas qu'il ait perdu de sa verve, de son efficacité et de sa percussion? -Il ne faut pas être dur avec lui. C'est un joueur imprévisible. Il est capable à tout moment, sur contrôle orienté par exemple, de semer ses anges gardiens. Je crois que s'il a relativement baissé, c'est une question de repères perdus. Chikhaoui par exemple, manquant de soutien, il a tendance à chercher le dribble, donc la solution individuelle. Or gagner les duels n'est pas toujours évident. Je suis persuadé qu'il va se ressaisir bientôt.
Les Egyptiens, excessivement orgueilleux, n'ont pas beaucoup apprécié vos derniers jugements. Que leur dites-vous? -La traduction a été mal faite. Entre une équipe fatiguée et une équipe vieillie, il y a une grande différence. J'ai voulu dire un groupe surmené. Les Egyptiens, eux-mêmes, le disent. Maintenant, ils respirent mieux. Ils sont concentrés sur l'Etoile. Leur coach est capable de les "blinder". Ils peuvent faire jouer Mohamed Essidik à côté de Chadi et de Ennahas pour libérer Baraket au milieu du terrain et renforcer cette zone clé pour museler le quatuor étoilé. Pour revenir à leur équipe nationale, dans mes pronostics pour la CAN (2008 au Ghana), je n'ai pas cité le Nigeria, le Cameroun, le Sénégal et même mon pays la Tunisie. J'ai placé le Ghana en position de force. C'est tout à fait logique. Pratiquement, toutes les équipes qui ont organisé une compétition, ont fini par la gagner. Les exemples sont nombreux. L'Egypte est le dernier en date (CAN 2006), le Brésil, sur les 5 Coupes du monde remportées, il a une seule fois gagné en Europe (en 1958 en Suède). Ensuite, j'ai nommé la Côte d'Ivoire car c'est une très belle équipe constellée de vedettes fantastiques. Pourtant, elle n'a pas encore remporté un trophée majeur.