On feuillette ce glorieux passé entre les vieux murs de la Médina. On pousse même les portes de BebBhar pour oser s'aventurer dans la ville «moderne», le centre-ville de Tunis où la façade majestueuse de la Bonbonnière rappelle combien furent augustes et somptueuses les années folles et celles qui les ont suivies en Tunisie. Tel qu'un ésotérique labyrinthe, la vieille cité de Tunis se pare de ses plus beaux ornements durant le mois saint. On y célèbre le théâtre, le chant, la danse et la joie de vivre contagieuse propre aux Tunisiens. On y rend hommage à nos ancêtres, nos coutumes et rites d'antan à la gloire de la tolérance, de l'amour d'autrui, de l'hospitalité et de l'amour de la vie.Comme est, désormais, coutume depuis des lustres, les ruelles de la Médina sont investies par une foule énorme. Le soir, les senteurs sont enivrantes, les lumières sont douces, les visages sont souriants et avenants. Cette année, cette ambiance revêt une dimension assez particulière. Et pour cause, la montée en puissance du terrorisme en Tunisie qui frappe de nouveau et cruellement cette fois-ci causant le plus lourd bilan et les plus graves pertes à toutes les échelles. Cette année, en particulier, on aperçoit encore plus cette sorte de lumière céleste qui enveloppe les lieux. Les Minarets se dressent majestueusement. Les hangars, jadis, abandonnés, ouvrent grandes leurs portes et sont réaménagés pour fêter la vie. Les petites boutiques aussi rudimentaires soient-elles, offrent des délices traditionnels insoupçonnables. Unfestival de senteurs nous plonge dans des rêveries lointaines où l'essence-même de nos racines ressurgit. Sur les toits, flotte notre drapeau rouge sang, rouge passion. Les cafés chantants reviennent sur scène Quand on arpente la Médina, l'on est frappé par cet instinct de survie, cette fureur de vivre, cette force de résistance qui animent les Tunisiens. Alors qu'elle vient de recevoir un sacré coup qui met en péril son avenir, la Tunisie continue de chanter la vie. Chants, poèmes, danses, lectures de contes sont relayés par ces orateurs et troubadours des temps modernes, partout où l'on s'aventure. Outre la kyrielle de rendez-vous culturels prévus dans le cadre du Festival de la Médina ou autres, à BirLahjar, Dar Lasrem, Club Taher Haddad ou encore la Rachidia, une constellation de festivités est proposée aux passants. Centenaires, les cafés culturels de la Médina pour n'en citer que quelques-uns, le café El Mrabet, Dar El Mdina, El Ali, le Pacha, Zitouna, Chaouachia ; la liste est encore longue ; vibrent eux également aux sons du Maalouf tunisien, du Mezoued, de la Hadhra, de la Soulamia, ou encore du Stambeli. Quant aux chants, les reprises de Saliha, Ali Riahi, Habiba Msika ou Taher Gharsa plongent les festivaliers dans l'âge d'or de la musique tunisienne. A l'extérieur de ces anciennes bâtisses, les ruelles de la Médina se métamorphosent en un fleuve de cafés-chantants ou cafés-littéraire. Le passant n'a que l'embarras du choix. Entre cacophonie, musique tunisienne raffinée ou bédouine, les styles musicaux sont multiples et répondent à tous les goûts. Au programme : lectures de contes, de poèmes, psalmodies, chants berbères, danses tribales ou orientales. Les instruments et les tenues de scène changent à chaque fois que l'on change de registre ou que l'on avance dans les ruelles. Un festival culturel à ciel ouvert ! Seules constantes : les chichas, les cafés turcs et les thés à la menthe que l'on consomme sans modération. Leurs senteurs jouissives se mêlent tous les soirs à celles du jasmin et du fel. Ambiance babacool Le festival culturel urbain continue au-delà des remparts de la vieille cité. Il investit les maisons coloniales, les espaces qui, dans le passé, étaient construits à la gloire des arts. Des espaces où l'on poussait joyeusement la chansonnette, quand la vague music-hall et les cafés littéraires et chantants envahirent la place à la fin du 19ème siècle. Abandonnées et laissées à leur triste sort, ces demeures sont aujourd'hui ressuscitées grâce au génie de jeunes tunisiens férus d'art. De nouveaux poumons culturels au cœur du centre-ville de Tunis où la culture est illustrée dans tous ses états d'âme. Dans des espaces tels que Café-théâtre «Le Mondial» ou encore «Villa 78», l'ambiance est tout à fait atypique, autre, inédite. Spectacles, concerts, projections de films, one-man shows, danse réunissent une génération autour d'un café, d'un thé ou d'une pâtisserie traditionnelle. Une génération qui demeure debout malgré tout. Dans ces cadres exceptionnels où flotte le drapeau de la Tunisie, les jeunes artistes prônent un style de vie babacool et une ambiance bon enfant. Une sorte d'exutoire contre un monde violent et un avenir sombre. Une forme de résistance face aux menaces grandissantes qui pèsent sur cette génération et qui mettent en péril son avenir. Les prestations musicales, littéraires et artistiques nous embarquent à notre insu dans cette douce et enivrante pérégrination tous les soirs avec le même plaisir. Un plaisir qui nous emporte jusqu'aux premières lueurs du jour. Un jour meilleur sûrement !