C'est au quai de la base navale de la Goulette qu'a été provisoirement amarré « Istiklal » (Indépendance), le premier patrouilleur de conception et construction 100% tunisiennes en attendant de regagner Sfax dès lundi puis Ben Guerdane. Sur initiative du ministère de la Défense, une vingtaine de journalistes se sont rendus sur les lieux et ont pu monter à bord de ce petit vaisseau militaire marin de nouvelle génération, long de 26,5 m et pesant 80 tonnes. Un pari osé pour l'équipe chargée de faire aboutir le projet initié par la Marine nationale et réalisé en collaboration avec un partenaire du secteur privé. Il aura fallu près de neuf mois d'étude, un peu moins de deux années pour la phase de construction, 90 000 heures de travail et surtout beaucoup de cran pour que ce patrouilleur, qui servira dès les prochains jours à surveiller les côtes maritimes tunisiennes, voit le jour. Tirant son nom du premier navire militaire hérité en 1959 de la France et portant également le nom d' «Indépendance », il été inauguré il y a près de deux semaines par le président de la République. « Istiklal » est le fruit d'une collaboration entre la Marine nationale et « SCIN », une entreprise privée basée à Sfax, spécialisée dans la construction navale et qui compte à son actif la réalisation des bacs de Djerba et de la Goulette ainsi que des transbordeurs (Louds) de Kerkennah. Du côté de l'armée de mer tunisienne, il a fallu mobiliser bons nombre d'officiers spécialisés dont des experts administratifs ainsi que des ingénieurs en modélisation navale, en mécanique navale, en électricité navale, en électronique navale et enfin en industrie navale. Contrairement aux anciens patrouilleurs fonctionnant avec des hélices, « Istiklal » est doté de deux puissants moteurs et est propulsé par deux waterjets de type Rolls-Royce, un système innovant et performant. Répondant aux normes internationales et ayant obtenu un certificat de conformité par le leader mondial Veritas, sa vitesse maximale peut atteindre les 25 nœuds. Il accueille un équipage d'une douzaine de personnes. Offrant toutes les commodités d'usage, la soute est richement équipée et l'intérieur des cabines est cossu et confortable. Par ailleurs, « Istiklal » est équipé d'une caméra thermique ainsi que d'un canon de 20 mm et de deux mitrailleuses. Par ailleurs, une équipe d'informaticiens s'est consacrée à l'élaboration de logiciels de pointe permettant le suivi, la navigation, le commandement, la localisation, la transmission de données et la sécurisation du patrouilleur. A l'achat, ces logiciels coûtent la bagatelle de 800 000 DT. Rien que ça ! Une réussite prometteuse Les travaux de construction du patrouilleur ont débuté en mars 2013 et se sont achevés en juillet 2015. Si ce premier prototype a nécessité près de 2 ans avant de pouvoir enfin fendre les eaux et devenir fonctionnel, les chefs de projet assurent que les prochains modèles pourront être réalisés en 8 mois. C'est que la Marine nationale tunisienne ambitionne désormais la production en série de son patrouilleur et sa commercialisation aussi bien à l'échelle nationale, notamment pour la Garde Nationale Maritime et la Douane qu'à l'international. Parmi les pays potentiellement intéressés par ce modèle, la Libye. Une équipe d'experts libyens a d'ailleurs suivi de très près toutes les étapes de construction de ce vaisseau maritime. Par ailleurs, en 2013, la Douane tunisienne avait consolidé sa flotte en procédant à l'acquisition de 3 patrouilleurs garde-côtes fabriqués en Chine, d'une valeur de 4,5 millions de dinars. Les experts affirment qu'« Istiklal » permettra un important gain d'argent, pouvant aller jusqu'à 40% par rapport aux prix du marché international pour pareils modèles. La conception et la construction du patrouilleur « Istiklal » est une première initiative prometteuse qui représente un bond en avant pour l'industrie militaire et navale tunisienne. La réussite de ce projet consolidera l'expérience des experts tunisiens et favorisera la réalisation d'autres pièces navales, à l'instar des baliseurs, remorqueurs, petits ravitailleurs et autres conteneurs. Lors de son allocution, Farhat Horchani, Ministre de la Défense, s'est félicité de cette réussite qui consolide d'une part le partenariat entre les secteurs privés et publics, crée de nouvelles opportunités de travail et drainera dans l'avenir d'importantes sommes en devise. Il a toutefois indiqué qu'il était désormais impératif de mettre en place un cadre juridique réglementant le secteur ô combien sensible de l'industrie militaire et favorisant de tels projets.