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Partisans, opposants et une troisième voie
Publié dans Le Temps le 01 - 09 - 2015

Le projet de loi sur la réconciliation économique, initié par la présidence de la République – le 14 juillet dernier – a suscité en grande polémique en Tunisie. Alors que certains estiment que ce texte de législation présente une nouvelle opportunité pour l'économie nationale de rebondir sur pieds, d'autres assurent que ce projet de loi n'est qu'une tentative de remettre en marche la machine de l'ancien régime et de nuire au processus de la justice transitionnelle et au travail de l'Instance Vérité et Dignité.
Dar Assabah a pris pour coutume, et ce depuis quelques années, d'organiser des tables rondes afin d'ouvrir les portes du débat. Au vu de la polémique du projet de loi de la réconciliation économique, nous avons organisé une rencontre débat dans nos locaux.
Les participants de la table ronde :
-Ridha Belhadj : président du cabinet du président de la République.
-Tarak Cherif : prséident de la Confédération des Entreprises Citoyennes de Tunisie (CONECT).
- Bechir Boujday : membre du bureau exécutif de l'UTICA.
- Khaled Krichi : président de la commission arbitrage et réconciliation au sein de l'IVD.
- Hassine Rhili : dirigeant au sein du Front Populaire.
- Abdelhamid Djelassi : vice-président du mouvement d'Ennahdha.
-Mohamed Guesmi : dirigeant au sein de l'Union Générale Tunisienne du Travail.
-Mustapha Baâzaoui : président de la commission examen fonctionnel et réforme des institutions au sein de l'IVD.
-Kamel Ghribi : président du Réseau National pour la Justice Gouvernementale.
-Haykel Ben Mahfoudh : professeur universitaire et expert en droit constitutionnel.
Formé d'opposants et de partisans au projet de loi de la réconciliation économique, le débat a tourné essentiellement autour de deux points essentiels : les avantages et les manquement du projet et les amendements qui peuvent le servir. Dans cette première partie, nous vous transmettons les arguments de chaque partie. Dans la seconde partie de ce débat, que vous retrouverez dans notre numéro de demain, vous aurez toutes les propositions d'amendements qui ont été faites grâce à ce débat.
Khaled Krichi : président de la commission arbitrage et réconciliation au sein de l'IVD
Après avoir présenté ses remerciements à Dar Assabah pour l'organisation de la table ronde, le président de la commission arbitrage et réconciliation a assuré que l'IVD a ouvert les portes du débat à tous les partis politiques et à toutes les composantes de la Société civile dans le cadre du processus de la justice transitionnelle en Tunisie. A titre de rappel, Khaled Krichi a expliqué que la loi de la justice transitionnelle a été votée en Tunisie le jour même de la nomination de Mehdi Jomaâ à la tête du gouvernement consensuel, issu du Dialogue national, soit le 24 décembre 2013. Tout en insistant sur l'importance de la symbolique de la date, Khaled Krichi a rappelé que la loi de la justice transitionnelle a été adoptée après de longues discussions au sein de la commission technique, issue du ministère des Droits de l'Homme et de la justice transitionnelle, qui a mené des débats avec, entre autres, des symboles de l'ancien régime. Cela démontre donc l'intensité du consensus de cette loi, selon maître Krichi.
Revenant sur le contenu de la loi de la justice transitionnelle, le président de la commission arbitrage et réconciliation au sein de l'IVD a expliqué que la loi en question s'est intéressée à tous les types de dépassements y compris ceux relatifs à la corruption financière. Khaled Krichi a remis en question l'argument avancé par Ridha Belhadj, directeur du cabinet du président de la République, où il a assuré que dans les différentes expériences internationales – relatives au processus de la justice transitionnelle – l'aspect de la corruption n'a pas été traité. En effet, maître Krichi a assuré que les membres de l'IVD se sont rendus en Pologne, en avril dernier, et ont constaté que le processus de la justice transitionnelle de ce pays a traité la corruption. Et d'ajouter que dans ce cas de figure, et contrairement à ce qu'a assuré Ridha Belhajd, l'Etat n'est pas l'unique victime de la corruption puisque des personnes physiques et morales (sociétés) ont subi des dégâts matériels sérieux vu que des personnes ont violé la loi 96 du Code pénal. Insistant sur le fait que le terme violation est plus vaste et comprend plus de définitions que le terme crime, sur le plan juridique, Khaled Krichi a, encore une fois, rebondi sur les arguments avancés par Ridha Belhadj : la commission de la confiscation des biens s'est occupée des biens de quelques personnes vu leur implication dans de grandes affaires de corruption ce qui leur a permis d'acquérir lesdits biens d'une façon illégale.
Cependant, Khaled Krichi a assuré que la commission arbitrage et réconciliation ne prends pas en considération la liste de la confiscation des biens des personnes impliquées dans des affaires de corruption mais elle s'efforce plutôt de se concentrer sur tous les cas de dépassements, même ceux dont les impliqués ne figurent pas sur les listes de ladite commission.
‘La loi incite au respect de l'institution de la justice transitionnelle ; cela veut dire que le règlement fondamental de cette justice et de toutes ses lois doivent être respectées par l'Etat comme le stipule l'article 148. Ceci implique aussi l'Instance Vérité et Dignité et les domaines des violations qui lui reviennent comme déterminé par la loi. C'est pour cela que la question de pourquoi la loi de la réconciliation économique survient à cette période précise devient très urgente. Même si il n'est pas de notre rôle de nous opposer à l'Etat ou aux différents projets de lois, on aurait tout-de-même aimé voir un projet de loi consensuel. Nos réserves quant au projet de la réconciliation économique proviennent surtout de l'inefficacité de ce dernier et du fait qu'il puisse mal influé notre travail en nous causant beaucoup de retard sur nos dossiers déjà en cours de traitement.
Par ailleurs, je tiens à signaler que l'IVD a présenté, en avril dernier, un projet de loi au chef du gouvernement. Ce projet avait pour objectif de simplifier les procédures de l'Instance. Malheureusement, cela n'a pas été pris en compte ce qui a causé du retard au niveau de notre processus. Cependant, et si jamais ce projet de loi venait à être adopté par l'Assemblée des Représentants du Peuple, on n'aurait aucun choix à part celui d'accepter la situation. On aurait aimé être entendu avant que le projet ne soit présenté aux députés et nous restons disponibles à toute invitation de la part de la commission de la législation générale de l'ARP à participer aux amendements de cette loi.'
Bechir Boujday: membre du bureau exécutif de l'UTICA
Intervenant à son tour, Bechir Boujday a tenu à annoncer, fermement, la prise-de-position de l'UTICA quant à ce projet de loi : l'UTICA soutient le principe de la réconciliation économique sans pour autant provoquer les autres partis puisque le but suprême est de restaurer le climat de la confiance vis-à-vis de tout le monde.
‘Il n'est plus possible de continuer sur la lancée de ces cinq dernières années. Notre économie nationale est à l'arrêt et régresse de jour en jour. Tout initiative pouvant, d'une façon ou d'une autre, relancer la roue de l'économie, doit être soutenue et encouragée. Cependant, nous réalisons qu'il n'est pas de l'intérêt du pays de fermer les yeux sur les dépassements qui ont eu lieu sous le règne de l'ancien régime. C'est pour cela que, tout en soutenant la loi de la réconciliation, nous sommes aussi pour que tous les impliqués soient entendus par la justice. Aujourd'hui, il faut qu'on soit conscient du fait que l'indépendance de notre pays est intimement liée à sa capacité industrielle : un pays sans industrie est un pays sans économie. L'UTICA encourage la séparation entre le traitement des violations économiques et celles relatives aux droits de l'Homme : on ne gagne rien en empêchant les hommes d'affaires de poursuivre leurs activités ou en les emprisonnant. Le seul perdant ici serait notre économie nationale. Par ailleurs, l'UTICA salue les motivations nobles de ce projet de loi qui reste ouvert à toute proposition d'amendement de la part des différentes parties des composantes de la Société civile ou des partis politiques. J'ai dernièrement eu un entretien avec Sihem Ben Seddrine. La présidente de l'IVD m'a assuré que l'Instance a reçu plus de 16 mille dossiers ce qui demande un minimum de trois mille juges pour le traitement. Du côté des hommes d'affaires, on en comptait plus de 2000 qui étaient interdits de quitter le territoire national.Un chiffre qui s'est réduit à 25, et cela reste encore insuffisant. Il faut qu'on soit tous conscients de l'importance de la réconciliation économique surtout que de nombreux investisseurs étrangers sont en train de plier bagages vers le Maroc ou encore la Roumanie vu que notre pays ne leur fournit plus l'atmosphère convenable à l'investissement. Par ailleurs, je tiens à profiter de la présence de monsieur Ridha Belhadj pour adresser un message au chef de l'Etat : nous attendons, toujours, la restauration du prestige de l'Etat que vous nous avez promis il y a quelques mois monsieur le président.'
Hassine Rhili : dirigeant au sein du Front Populaire
Pour le Front Populaire, le projet de loi de la réconciliation économique représente une réelle déception.
‘Nous nous attendions à des réformes structurales, réparties sur trois ou quatre principaux modules et répondant aux attentes populaires et nous nous heurtons à une loi pareille rendant gloire aux corrompus. Comment voulez-vous que les jeunes fonctionnaires ne soient pas négativement influencés en voyant des collègues à eux, touchant les mêmes paies, conduire des voitures de luxe et habitant dans de grandes villas ? Aujourd'hui, l'administration Tunisienne a besoin d'une révolution pour faire tomber le système de bureaucratie afin de bannir, à jamais, les anciennes pratiques de la corruption et de l'oppression. Le problème ne réside pas dans les sept mille fonctionnaires qui sont impliqués dans des affaires de corruption mais dans le système qui prédispose le fonctionnaire à la corruption. Au Front Populaire, nous sommes convaincus que le projet de loi de la réconciliation nationale est hors contexte ; si on était sûr de son efficacité, on aurait présenté des chiffres et des données concrètes de son effet sur l'économie nationale. Si on avait eu ce des données encourageantes pour notre économie, on n'aurait pas eu cette position-là. Si l'on mettait en place un système de réformes structurales et qu'on l'appliquait convenablement, on atteindrait, d'ici 2016, un taux de croissance de 5%. Aujourd'hui nous souffrons de grandes difficultés au niveau de l'infrastructure et cela revient essentiellement au système accablant de la bureaucratie. Il est inacceptable aujourd'hui de voir le processus révolutionnaire de notre pays virer à cause d'une cinquantaine d'hommes d'affaires corrompus dont l'argent ne servirait nullement l'économie nationale. Comment un argent sale peut-il servir notre pays ? Comment peut-on les aider à blanchir cet argent à l'aide d'un projet de loi pareil ?
Je suis d'accord avec Abdelhamid Djelassi quand il dit que ‘le pain n'a pas de couleur idéologique ou autre', mais le problème c'est que quelques partis politiques ne sont intéressés que par les enjeux électoraux oubliant ainsi que ses terres ne sont ni celles d'Ennahdha, ni celle de Nidaa Tounes ni celles du Front Populaire.
J'insiste sur les conséquences de ce projet de loi qui ne peuvent être que négatives. C'est pour cela que j'appelle les autorités concernées à ne pas s'empresser et à soutenir l'IVD qui peut, en l'espace de trois ans, nous libérer de cette affaire. En ce qui concerne le volet des investissements étrangers, je tiens à rappeler que ce projet de loi peut faire rétrograder la Tunisie dans le classement des pays corrompus et n'oublions pas que ce classement est pris en considération par les multinationales.'
Abdelhamid Djelassi: vice-président du mouvement d'Ennahdha
Pour le mouvement d'Ennahdha, les débats suscités par le projet de loi de la réconciliation économique représentent un signe de bonne santé de la démocratie Tunisienne.
‘Jusqu'à présent, tout ce dont nous disposons c'est un projet de loi pouvant être amendé. Cette table ronde est une preuve de la flexibilité de ce projet de loi : cette table regroupe des représentants de chaque partie venus débattre de leur point-de-vue quant à cette question primordiale. Aujourd'hui, tout le monde doit prendre part aux débats et on doit tous se rappeler que ‘le pain n'a aucune couleur idéologique ou partisane'. Nous avons rencontré monsieur Béji Caïd Essebsi qui nous a assuré être prêt à prendre en considération toute proposition d'amendement de son projet de loi. Ennahdha croit en la possibilité d'une troisième voie relative à ce projet de loi : la voie du consensus. Le rejet catégorique ou le soutien absolu de la réconciliation économique ne représentent pas les seules issues. Cependant, nous sommes conscients du fait que le débat aujourd'hui est purement politique et non pas technique. Je tiens ici à soutenir l'intervention de Tarak Cherif parce qu'il a su mettre en valeur les grands défis économiques, sécuritaires et politiques de la Tunisie et cela indépendamment de ce projet de loi ou de toute autre initiative législative.
La grande question qu'on doit poser ici est la suivante : pourquoi le peuple a-t-il voté pour les partis qui participent aujourd'hui à la direction du pays aujourd'hui ? La réponse est on ne peut plus claire : le Parlement représente la majorité des Tunisiens et le peuple l'a élu afin de concrétiser les objectifs politiques, sociaux, économiques et sécuritaires. Après les accomplissements politiques et constitutionnels réalisés lors des dernières années, le peuple s'attend aujourd'hui à des réalisations économiques et sociales dans cette phase délicate par laquelle passe notre pays.'
Tarak Cherif : président de la Confédération des Entreprises Citoyennes de Tunisie (CONECT)
Le président de la CONECT a exprimé son encouragement aux débats permettant la construction pour le bien du pays et l'ouverture d'esprit de la présidence de la République d'avoir ouvert les portes des discussions quant à son projet de loi.
‘J'appelle au réalisme ! Personnellement, j'ai de très grandes inquiétudes quant à l'avenir économique de la Tunisie quand je vois que notre économie ne cesse de se détériorer de jour en jour et ce depuis des années. Malgré le côté positif de la réconciliation économique, je persiste à croire que le génie Tunisien est capable de l'améliorer et de le rendre bien meilleur. Dans ce sens, je tiens à expliquer qu'il ne nous est pas possible, à l'aide de cette réconciliation, de réaliser un taux de croissance de 7%. Cela relève de l'imagination. Mais, et au vu de la situation économique locale et mondiale – et surtout avec ce qui se passe au niveau de la bourse Chinoise – il faudrait que l'on prenne tous en considération les dangers qui guettent notre économie. De ce fait, j'estime que parmi nos priorités aujourd'hui, c'est la mise en place d'une atmosphère de confiance pouvant inciter les investisseurs étrangers à venir s'installer en Tunisie. Nous avons enregistré un grand retard économique et l'Etat se doit de garantir la sécurité afin que l'on récupère les investissements étrangers. Il faut que l'Etat applique la loi à la lettre.
En ce qui concerne la polémique des hommes d'affaires qui demandent des aides financières de la part de l'Etat, je tiens à faire une précision : l'homme d'affaires ne demande jamais de l'argent à l'Etat mais de l'investissement. Des investissements sécuritaires, productifs, relatifs à l'infrastructure et aux conditions de l'exportation.
Ridha Belhaj: Chef de cabinet du Président de la République
« Il peut y avoir des amendements, entre autres des changements au niveau de ce projet loi tant qu'il y aura des propositions sérieuses et convenables, dans le cadre d'un consensus national »
C'est un projet de loi. C'est une initiative présidentielle et elle sera transmise vers des commissions au sein de l'ARP. Cependant, il peut y avoir des amendements, entre autres des changements au niveau de ce projet loi tant qu'il y aura des propositions sérieuses et convenables, dans le cadre d'un consensus national.
Au bout de cinq ans après la Révolution- la Tunisie a réussi sa période transitoire avec l'adoption de la nouvelle Constitution et l'organisation des élections libres et indépendantes. La réussite politique ne s'est pas accompagnée par une relance économique puisque tout au long des cinq dernières années, la situation économique demeure inquiétante. Les acquis politiques restent également menacés si la relance économique n'aura pas lieu. Cette relance reste à son tour tributaire de deux facteurs principaux. Le premier concerne la conjoncture internationale et la baisse des investissements étrangers alors que le deuxième facteur est relatif aux défaillances observées au niveau de l'Administration tunisienne et surtout la réticence des hommes d'affaires tunisiens à l'investissement. Au-delà de ces deux facteurs, je cite également les problèmes juridiques auxquels sont confrontés les anciens cadres de la fonction publique. Pas moins de 7000 anciens cadres ont des problèmes d'ordre juridiques dont 300 sont poursuivis en Justice. Pour la simple raison qu'ils ont participé à une commission ou encore ils ont signé un PV, un contrat.... De cette situation, résulte une certaine culture d'absence d'initiative au sein de l'Administration tunisienne.
Je cite également, une deuxième catégorie. Celle des hommes d'affaires qui ont profité des avantages de l'ancien régime. Cette catégorie ne concerne pas les personnes dont les biens sont confisqués, mais elle touche encore les hommes d'affaires ayant commis des crimes de change.
Après une révision du cadre juridique nous nous sommes référés à l'article 148 de la Constitution relatif à la Justice Transitionnelle, pour remédier aux problèmes précités. Après également la révision de la loi relative à la Justice transitionnelle, nous avons remarqué l'absence de l'aspect économique. Raison pour laquelle, nous avons pensé à une réconciliation économique toujours dans le cadre de la Justice transitionnelle d'autant plus qu'il n'existe aucun obstacle juridique soit traité à part tout en respectant les principes de la Justice Transitionnelle. Je citerais à ce propos, qu'au niveau des expériences internationales, à l'instar de l'expérience marocaine, nous avons remarqué un passage direct vers une véritable réconciliation nationale.
En d'autres termes, l'expérience marocaine n'a pas sanctionné les auteurs des violations tout en passant directement à la réconciliation.
C'est à la lumière de ces arguments que nous avons préparé le Projet de réconciliation économique nationale. Un projet de loi organique, qui devrait accélérer le traitement rapide et efficace des crimes d'ordre économique pour faire participer les hommes d'affaires aux efforts de relance économique du pays. Tout en respectant- je rappelle encore- les principes de la Justice transitionnelle. D'ailleurs, cette initiative présidentielle n'a pas concerné la composition de l'Instance Vérité et Dignité.
Kamel Gharbi, Réseau Tunisien pour la Justice Transitionnelle
« Je trouve que le projet de loi est contradictoire... Il ne profite qu'aux personnes impliquées dans des affaires de corruption ayant financé les campagnes électorales. Il est temps à travers ce projet loi qu'elles soient récompensées ».
De prime abord, on espérait que la première initiative juridique présidentielle toucherait aux besoins réels de la majorité des Tunisiens. Tels que l'emploi, le développement régional outre l'amélioration du climat socioéconomique du pays. Malheureusement, cette première initiative ne concerne qu'une petite minorité des Tunisiens. A vrai dire, je trouve que le projet de loi est contradictoire. Car, l'auteur de ce projet veut nous faire croire, dans un préambule, qu'il est compatible avec la loi relative à la Justice Transitionnelle alors que les 12 articles de ce projet loi se contredisent avec la Justice Transitionnelle. Je dirais encore que l'expérience tunisienne en la matière couvre l‘aspect économique. Une exception à l'échelle internationale puisqu'elle fut saluée par les instances internationales d'autant plus qu'elle couvre à la fois les crimes relatifs aux Droits de l'Homme et ceux de nature économique. D'ailleurs, la loi de la justice transitionnelle couvre dans 7 articles (de l'article 45 à l'article 51) les crimes de nature économique. Ce qui se contredit avec les propos avancés par les auteurs de cette initiative présidentielle. Je dirais même, que cette initiative de réconciliation économique dépasse les prérogatives de l'Instance de Vérité et Dignité (IVD) d'autant plus qu'elle prévoit la création d'une commission non indépendante. Paradoxalement, le gouvernement se trouve juge et partie dans cette commission de réconciliation présidée par un représentant du Chef du gouvernement. Ce qui est également paradoxale, c'est que cette commission composée de deux autres représentants du gouvernement et deux autres de l'IVD peut poursuivre ses travaux en cas où les membres de l'IVD ne sont pas présents.
Dans le même ordre d'idées, je précise que la première catégorie concernée par ce projet loi de réconciliation économique touche les cadres de la fonction publique y compris les anciens ministres, secrétaires d'Etat, les gouverneurs, les PDG des entreprises publiques. Cette catégorie devrait bénéficier d'une réconciliation sans respecter le processus de la Justice Transitionnelle qui prévoit la réconciliation comme résultante d'un processus qui commence par la révélation des vérités, des interrogatoires pour finalement aboutir à un arrangement. L'objectif est de découvrir et dénicher la façon avec laquelle ces dépassements ont été commis pour trouver les garanties nécessaires pour ne plus récidiver en d'autres fois. Contrairement aux principes de la Justice Transitionnelle, ces gens bénéficieront d'une amnistie.
Je me demande également, sur la rentabilité économique de cette réconciliation économique. Une rentabilité qui demeure méconnue et qui ne génèrera pas de grandes recettes comme le promettent les auteurs de cette initiative. Tout simplement, puisque ce projet loi prévoit- par exemple- dans le cadre de la fraude fiscale une amende de 5% sans recours à l'investigation et à l'identification. Pour les crimes des changes, le projet loi prévoit une amende de 3% sur la base d'une déclaration spontanée des auteurs des crimes sans également savoir l'origine de ces fonds déposés dans des comptes à l'étranger.
Pour résumer, je dirais que ce projet de loi ne profite qu'aux personnes impliquées dans des affaires de corruption ayant financé les campagnes électorales. Il est temps à travers ce projet loi qu'elles soient récompensées.
Mustapha Baazaoui, Président de la commission examen fonctionnel et réforme des institutions, Instance vérité et dignité (IVD)
« Je trouve que ce projet de loi consiste en une amnistie et non pas en une réconciliation... Vous pouvez trouver beaucoup de reproches à l'IVD, il faut par contre préserver le processus de la Justice Transitionnelle et développer cette instance »
Il ne faut pas faire l'amalgame. Parler du projet de loi relative à la réconciliation économique ne signifie pas parler des problèmes économiques du pays. Car, il s'agit des affaires de corruption et des crimes d'ordres économiques. En fait, à cause de ce projet de loi nous aurons un certain conflit de compétences avec la création d'une autre commission de réconciliation outre les autres commissions et instances déjà existantes. Nous ne manquons ni de lois ni d'instances et commissions. Dans le même ordre d'idées, j'évoque également que les procédures appliquée au sein de l'IVD sont plus simples que celles prévues dans le cadre de cette initiative. Surtout que nous appliquons une procédure arbitrale très simple et efficace.
Pour être clair, je trouve que ce projet de loi consiste en une amnistie et non pas en une réconciliation. Alors que l'objectif de la Justice Transitionnelle prévoit une réconciliation nationale. Vous pouvez trouver beaucoup de reproches à l'IVD, il faut par contre préserver le processus de la Justice Transitionnelle et développer cette instance. Si certains partis se trouvent écartés de la composition de l'IVD, il est possible à travers une loi pour par exemple garantir la présence de l'Etat, mais il ne faut pas en sauter tout le processus.
J'évoque également, que la formulation même du projet de loi ne respecte ni les instances ni le processus de la Justice Transitionnelle. Puisque la commission de réconciliation, telle qu'elle est prévue peut continuer ses travaux même en l'absence des membres représentants de l'IVD, puisqu'elle est fonctionnelle même avec membres déjà désignés par le gouvernement. C'est paradoxal.
S'agissant, des crimes d'ordre financiers et économique, je précise l'absence des estimations des retombées économiques de ce projet de loi. Je cite également que dans un environnement très ouvert où le blanchiment d'argent est monnaie courante, la Tunisie risque d'être une passoire, entre autres une destination de blanchiment d'argent. Car, aucune investigation n'est prévue pour vérifier si les montants déclarés sont justes ou encore pour préciser leurs origines.
Pour les crimes de changes et la fraude fiscale, j'avoue qu'à travers le monde, il existe des règlements des situations entre autres des compromis avec les auteurs de ces crimes. Je tiens à préciser, dans ce contexte, qu'il ne faut pas confondre ces crimes avec d'autres crimes de nature spoliation des biens de l'Etat. Il faut au juste jeter un coup d'œil sur le dossier de privatisation en Tunisie ainsi que d'autres crimes commis sous le règne de l'ancien régime.
Pour résumer, il faut revoir la formulation de ce projet de loi. Il faut également connaître que le processus de la Justice Transitionnel touche, avant même la proposition de la réconciliation économique, aux crimes d'ordre économiques. Pour quoi chercher midi à 14 heurs ?
Mohamed Guesmi, Conseiller de l'UGTT
« J'avoue que ce projet de loi peut représenter un point de départ pour créer une plateforme de discussion pour aboutir à la création d'un nouveau projet de loi précis et claire. Un projet qui évite toute confusion ou mauvaise interprétation »
A l'UGTT, nous sommes pour la réconciliation nationale. Mais, il faut savoir au juste que nous sommes pour une réconciliation dans le cadre de la loi- votée en 2013, relative à la Justice Transitionnelle. Le fait de traiter la question économique en dehors de ce cadre, signifie, selon l'UGTT, une logique pragmatique qui touche aux prérogatives de l'IVD. D'ailleurs, les expériences internationales prouvent que l'aspect économique est pris en considération dans le processus de Justice Transitionnelle.
L'essentiel à retenir, c'est que la proposition de la Présidence de la République est pragmatique et pourrait être bénéfique. Mais, nous avons certains reproches comme la multiplication des commissions de telle sorte que le processus sera ambigu et les prérogatives seront limitées. Une ambiguïté voulue pour blanchir des hommes d'affaires corrompus complices avec la dictature. D'autant plus qu'on note l'absence de tout aspect social dans ce projet de loi. Je parle ici d'une Justice Transitionnelle sociale.
Sur la forme, nous avons plusieurs reproches. Nous savons que le Président de la République possède les prérogatives pour proposer des projets de lois, mais nous estimons qu'une approche participative avec la société civile, serait mieux adéquate avec l'ampleur de ce projet de loi. Sur le fonds, les reproches de l'UGTT, concernent principalement la cible de cette initiative. C'est dire que le projet de loi tel qu'il est présenté cible d'une façon indirecte une catégorie donnée, indépendamment des crimes commis.
Pour être bref, j'avoue que ce projet de loi peut représenter un point de départ pour créer une plateforme de discussion pour aboutir à la création d'un nouveau projet de loi précis et claire. Un projet qui évite toute confusion ou mauvaise interprétation. Puisque dans ce projet de loi, les procédures judiciaires sont remplacées par les tractations politiques dont le risque des dérives ne fait pas défaut.
Autre point à évoquer. Il s'agit de la position du pouvoir exécutif au sein du processus de la Justice Transitionnelle. A ce propos, je tiens à préciser qu'il faut impliquer les trois pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) dans le processus de la Justice Transitionnelle. Dans cette optique, je reproche au projet de loi en question, la composition de la commission de réconciliation. Puisque 4 parmi les 6 membres sont nommés par l'exécutif.
Haykel Ben Mahfoudh, professeur universitaire
« Je trouve que l'objet de ce projet consiste en une amnistie après avoir tourné la page du passé. Raison pour laquelle, je dirais qu'il faut avant tout connaître avec qui, la réconciliation sera faite »
Tout d'abord, je tiens à préciser que c'est le contexte qui précise l'importance du projet de loi. C'est dire que les tractations autour de cette initiative- signe de bonne santé- sont dues à la séparation de deux aspects déjà fortement liés: la légitimité et la faisabilité. Les débats se concentrent sur la faisabilité de l'initiative entre autres les retombées économiques.
Je trouve que l'objet de ce projet consiste en une amnistie après avoir tourné la page du passé. Raison pour laquelle, je dirais qu'il faut avant tout connaître avec qui, la réconciliation sera faite. Entre autres, qui sont les personnes concernées par cette initiative. La réconciliation devrait être faite avec l'ensemble de la société et non pas avec l'Etat. Il faut qu'elle soit également en faveur de la société puisque c'est l'Etat qui a commis les dépassements. C'est dire, que l'Etat est à la fois victime et accusé. Techniquement, le projet de loi ne garantit pas une certaine non-récidivité des crimes commis indépendamment des intérêts encaissés par l'Etat. Autres points à révéler, la complexité du système de Justice Transitionnelle rend les choses de plus en plus complexes et difficiles. De telle sorte que l'application de ce processus demeure handicapée par les entraves de nature politique, économique et institutionnelles. Une complexité qui fait que les demi-mesures prises ou encore proposées, tel le cas de ce projet de loi, ne vont pas aboutir aux résultats escomptés.
Salma BOURAOUI et Zied DABBAR


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