Au lendemain de la Révolution, la Tunisie a connu une réelle impulsion de partis politiques ; à part ceux qui existaient bien avant le soulèvement du 14 janvier, quelques dizaines d'autres ont vu le jour en début de 2011. Deux élections et quelques poussières après, quelques partis ont réussi à garder pied : Ennahdha, Nidaa Tounes, le Front Populaire, Afek Tounes, l'Union patriotique libre et quelques autres formations. Au lendemain des élections de 2014, et après des mois passés au pouvoir, les partis formant la coalition au pouvoir commencent à perdre pied auprès de l'opinion publique entre un Nidaa Tounes en pleine décomposition et un Ennahdha plumé et essayant de renaître de ses cendres. Les attentats du Bardo et de Sousse, la polémique de la campagne ‘Où est passé le pétrole' ou encore celle menée à l'encontre du projet de loi de la réconciliation économique et financière, n'ont fait qu'accroître le manque de confiance de l'opinion publique vis-à-vis de ceux qui la représentent au niveau de l'Assemblée des Représentants du Peuple, de la présidence de la République et du gouvernement. Nidaa Tounes, le parti des miracles mirages En moins de deux ans d'existence, Nidaa Tounes a réussi à s'imposer en tant que premier parti au pays. En remportant les législatives et la présidentielle, Nidaa a su s'imposer en tant qu'alternative pour ceux qui ont été déçus par le rendement de la Troïka. Eliminant sur son passage des partis historiques – tels qu'Al Jomhouri ou encore Ettakatol – Nidaa Tounes a bénéficié d'un électorat assez large puisqu'il est composé de différentes tendances politiques. Seulement voilà, et au lendemain de son ascension au pouvoir, et surtout après le départ de Béji Caïd Essebsi, le mouvement semble virer de plus en plus vers une décomposition sans précédent : la perpétuelle recherche d'un leader a créé au sein du mouvement des querelles donnant naissance à trois clans différents. Alors qu'il s'apprête à tenir son premier congrès national – prévu pour le mois de décembre de cette année –, Nidaa a vu sa seule structure élue subir une démission ; celle du vice-président du bloc parlementaire du mouvement, Slah Eddine Bargaoui. Toutes ces données nous amènent à poser de sérieuses questions quant à l'avenir du mouvement qui n'arrive toujours pas à se trouver un leader pouvant, à l'image de Caïd Essebsi, regrouper toutes les tendances qu'il abrite. Ennahdha et son aspiration au changement Contrairement à Nidaa Tounes, Ennahdha dipose de structures bien installées et ce depuis des années. La hiérarchie du mouvement islamiste est bien articulée et le fonctionnement de son Conseil de la Choura demeure intact, en apparence, du moins. En effet, Rached Ghannouchi – le chef du mouvement qui s'apprête à renouveler son mandat lors du dixième congrès d'Ennahdha – tente d'imposer une nouvelle ligne politique à ses confrères islamistes. Une manœuvre politique qui s'est imposée à lui au vu des changements politiques nationaux et internationaux (la chute des frères musulmans en Egypte et la victoire du Nidaa en Tunisie). Donc, pour Rached Ghannouchi, le temps serait venu pour Ennahdha de se défaire de sa couverture idéologique et de se présenter comme un parti civil. Cependant, cette nouvelle stratégie semble déplaire à certains militants et dirigeants d'Ennahdha puisque certains d'entre contestent l'éloignement du mouvement de son fondamental principe : l'Islam et la Chariaâ. Si les divergences au sein d'Ennahdha n'ont pas (encore) été révélées au grand public, c'est parce que les dirigeants du mouvement sont connus pour leur discrétion. Mais, entre temps, le mécontentement des militants du mouvement islamiste se fait de plus en plus pressant. Ennahdha sera donc obligé, dans quelques mois, à choisir entre garder sa ligne politique et une majorité de ses militants, ou prendre le risque d'adopter de nouvelles visions. Mehdi Jomaâ viendra, viendra pas ??? Depuis son départ du palais de la Kasbah, Mehdi Jomaâ ne cesse d'alimenter la polémique avec une question récurrente : va-t-il ou non revenir sur la scène politique ? Etant fortement sollicité au niveau de l'étranger – on l'aura vu présent, entre autres, au Sénat néerlandais et au Sénat Hollandais à l'occasion de la nouvelle session parlementaire – les intentions de Mehdi Jomaâ deviennent sujettes de plusieurs interrogations. L'autre point dérangeant est la présence de Jomaâ dans presque tous les sondages d'opinion : s'il n'est pas classé comme étant la personnalité la plus digne de confiance pour les Tunisiens, Mehdi Jomaâ garde toujours sa première place dans le classement des premiers ministres qui inspirent le plus confiance (voir notre sondage publié dans ce même numéro). Au mois d'août, la nouvelle de la mise en place d'un groupe de think tank a été propagée et a alimenté la polémique Jomaâ auprès de l'opinion publique mais, surtout, auprès des différentes composantes de l'échiquier politique. Au cours de ce mois, l'ancien chef de gouvernement a été convié au palais de Carthage où il a rencontré le président de la République, Béji Caïd Essebsi. Selon le communiqué de la présidence de la République, Caïd Essebsi et Jomaâ ont discuté de l'évolution de la situation en Tunisie. Quelques jours après cette rencontre, nous avons appris, de source proche de Jomaâ, que ce dernier a pris la décision de repousser son retour sur la scène politique. Estimant, certainement, que le timing ne lui serait nullement favorable, l'ancien locataire du palais de la Kasbah aurait opté pour un report bien calculé du lancement de son initiative politique tout en décidant de renforcer son groupe de think tank puisqu'on a dernièrement appris que le groupe en question s'est fait renforcer par une nouvelle équipe. En tous cas, ce recul de la part de Jomaâ ne rassure nullement ses futurs adversaires qui voient là une nouvelle stratégie politique. Certains d'entre eux estiment même que Jomaâ attend de voir le pays toucher le fond afin de s'imposer en tant que sauveur de la Nation.