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Mongi MOKADEM, Professeur d'économie à l'Université de Tunis El Manar: «La possibilité d'un développement de la Tunisie par le néolibéralisme est un leurre»
Publié dans Le Temps le 17 - 09 - 2015

Mongi Mokaddem, professeur d'économie, indépendant politiquement est très versé sur les analyses stratégiques à long et moyen terme. Après une lecture profonde et exhaustive de la première mouture de la note d'orientation préparée par l'équipe partisane de Yacine Brahim, ministre du développement et de l'Investissement, il livre aux lecteurs du Temps, les conclusions de sa lecture de la dite note. Il va droit au but sans détours. Un tour d'horizon méthodique et exhaustif où rien n'est laissé sans analyse. Détails.
Le Temps : Que pensez-vous de la démarche suivie pour l'élaboration du 1er projet de la note d'orientation du prochain plan ?
Mongi MOKADEM : La démarche entreprise dans le projet de la note d'orientation, cohérente mais insuffisante. D'abord, le projet de note se donne comme tâche de définir les priorités en matière de développement pour le prochain quinquennat. Ensuite, on procède à la détermination des objectifs sur le plan national, sectoriel et régional et à l'élaboration d'un ensemble d'initiatives permettant d'atteindre ces objectifs tout en précisant un calendrier dans le temps pour leur réalisation. Enfin, on prévoit l'exécution du plan qui doit être l'affaire des autorités centrales, régionales et locales avec la coopération du secteur privé et de la société civile. Ainsi, la démarche comporte trois étapes : priorités, objectifs, exécution. C'est une démarche, certes cohérente, mais à condition qu'elle soit précédée par la détermination des repères stratégiques devant éclairer cette démarche. Ces repères forment ce qu'on appelle un modèle de développement. Seulement, la note s'est contentée, au tout début de la note, d'une définition du modèle de développement et d'une lecture de l'évolution historique de ce modèle pour le cas de la Tunisie : ce modèle a fait son apparition timidement durant les années 1970. Il a pris forme avec l'adoption du programme d'ajustement structurel (PAS) au cours des années 1980. Il s'est consolidé avec les mesures de libéralisation de l'économie tunisienne entreprises depuis les années 1990 et qui répondent aux exigences du « consensus de Washington ». Cette évolution va aboutir, pendant les années 2000, à l'édification des bases de ce qu'on appelle un capitalisme de copinage dans lequel la corruption et le favoritisme vont s'étendre à une large échelle.
L'échec de l'ancien modèle est-il reconnu ?
Dans la note, il est admis clairement que l'échec de ce modèle s'explique fondamentalement par son contenu libéral qui a fini par aggraver le chômage et aiguiser les inégalités sociales et les déséquilibres régionaux. La logique consiste, donc, à tirer les enseignements qui s'imposent et rompre avec ce modèle libéral. Or, ce qu'on constate dans la note, c'est que dans la fixation des grandes orientations du plan quinquennal de développement, il n'est nullement question de la moindre mise en cause des choix libéraux contenus dans le modèle. On continue toujours d'opter pour les mêmes approches et les mêmes politiques économiques et sociales, même si l'on parle de la nécessité d'un modèle alternatif qui soit inclusif et global et favorise une économie compétitive et innovante, une justice sociale, une employabilité élevée, une intégration régionale et un développement durable.
Y a –t-il des incohérences ?
Oui ! On parle, dans certains passages de la note de la nécessité de rompre avec le modèle en vigueur, mais dans d'autres passages, on parle de plusieurs insuffisances de ce modèle qu'il faut surmonter. Selon la note, le modèle n'est, donc, pas à rejeter en bloc, mais à réformer afin de le rendre à même d'améliorer l'emploi, de réaliser l'équilibre régional et d'assurer une répartition équitable de la richesse. Dès lors, la question qui se pose et à laquelle la note d'orientation ne donne pas de réponse, c'est pourquoi continuer à s'accrocher à un modèle qui ne peut plus impulser la croissance et encore moins le développement. Aujourd'hui, le développement économique est fortement conditionné par les choix stratégiques contenus dans le modèle et il est de plus en plus difficile d'envisager un quelconque développement dans le cadre d'une économie régie par les lois aveugles du marché et d'une mondialisation libérale hégémonique au sein de laquelle la Tunisie n'est que peu intégrée et ne dispose que de très peu d'avantages comparatifs.
Qu'en est-il du diagnostic ?
C'est un diagnostic économique exhaustif, mais peu profond. Dans un premier temps, il a été question d'un diagnostic de la réalité du développement en Tunisie. On expose d'abord les limites ayant marqué le modèle de développement économique et social en cours. Là, on s'est contenté uniquement d'évoquer les conséquences et non les causes de l'essoufflement de ce modèle (faiblesse de la productivité et de la valeur ajoutée du tissu productif, faible capacité de croissance et d'emploi, fort taux de chômage parmi les jeunes diplômés, faible intégration dans le marché mondial, prédominance d'un capitalisme de copinage, déséquilibres régionaux, absence de la bonne gouvernance et défaillance des politiques sociales). Il s'agit d'un diagnostic exhaustif dans lequel les principaux déséquilibres générés par le modèle de développement sont clairement exposés.Mais, comme on le constate, on s'est contenté d'évoquer les répercussions négatives du modèle économique et social sans parler des fondements de ce modèle et sans rattacher son échec aux grands choix ayant défini ce modèle. Ce qui ne facilite pas la compréhension des raisons ayant conduit à l'échec de ce modèle et, par conséquent, ne permet pas de s'inscrire dans une démarche de rupture avec ce modèle et de concevoir un modèle alternatif. Par la suite, la note a exposé les pressions et défis de la transition démocratique pour mettre en évidence le fait que l'avènement de la Révolution n'a fait qu'aggraver les problèmes latents (recul de l'activité économique, aggravation du chômage, croissance démesurée du commerce parallèle et du secteur informel, accroissement du déficit courant, déséquilibres budgétaires, faiblesse de l'investissement privé et de l'investissement public, climat des affaires défavorable, faiblesse de l'infrastructure de base, insuffisance du financement, épuisement des ressources naturelles).
Les difficultés de la transition sont-elles propres au cas tunisien ?
Les difficultés de la transition ne sont pas propres à la transition, elle-même, mais constituent l'illustration de l'échec du modèle qui continue d'être en vigueur et de son incapacité à amortir les chocs et les troubles générés par la révolution.
Ensuite, la note parle des nouvelles contraintes aussi bien sur le plan externe qu'interne et qui sont de nature à générer de nouvelles pressions de toute sorte. Concernant les contraintes extérieures, la note d'orientation parle de la fréquence des crises mondiales, d'un environnement régional marqué par l'extension des guerres et la montée du terrorisme, des mutations structurelles contraignantes de l'économie mondiale et des pressions exercées par les marchés mondiaux des matières premières et énergétiques. Face à cet environnement international et régional en pleines mutations, la note ne fait que recommander vaguement davantage d'ouverture et d'intégration de l'économie nationale dans la marché mondial et ce pour profiter de la nouvelle structuration de l'économie internationale. Ce qui n'est que la continuation des mêmes choix stratégiques du passé, d'autant plus que l'intégration dans la mondialisation ne semble pas à la portée de notre pays étant donné le poids insignifiant de notre économie à l'échelle internationale. En outre, la note ne précise pas si on est en mesure de se doter des moyens nécessaires en vue de renégocier les conditions d'insertion de l'économie tunisienne à l'échelle internationale.
Est-ce que les contraintes internes sont bien analysées par la note d'orientation ?
La note d'orientation n'a pas manqué de citer les contraintes internes de manière, certes satisfaisante, mais sans prendre en considération si ces contraintes sont conjoncturelles (accroissement des revendications sociales) ou structurelles (inégalité des chances, pressions démographiques, fragilité de l'économie, pressions sur les finances publiques). La distinction entre le conjoncturel et le structurel doit être prise en compte parce que les mesures à prendre pour solutionner ces deux types de contraintes ne sont pas les mêmes. Il est évident que les contraintes externes et internes sont intimement liées et expriment parfaitement les choix mis en application en matière de libéralisation et d'ouverture de l'économie nationale.
Enfin, une attention est accordée aux opportunités qui s'offrent à la Tunisie grâce à un certain nombre d'atouts (démocratie, position géographique privilégiée, importants acquis en matière de sécurité sociale, une économie ouverte et diversifiée, des compétences et une compétitivité assurée de l'économie). Seulement, la note d'orientation a omis de préciser comment ces atouts doivent être mis en valeur pour obtenir une relance de l'économie.
Le projet sociétal et le modèle de développement décrits dans le projet de note peuvent-ils faire de la Tunisie un « aigle de la Méditerranée » ?
La deuxième partie de la note d'orientation est consacrée aux principales caractéristiques du projet sociétal et du modèle de développement à construire. Selon la note, le projet sociétal sera fondé sur la démocratie et les droits de l'homme, la bonne gouvernance, le dialogue participatif, la valeur travail et le rôle stratégique de l'Etat. Ces différentes composantes sont, toujours selon la note, capables de faire de l'économie tunisienne « l'aigle de la Méditerranée » à l'instar des « tigres d'Asie ». Mais, la note ne mentionne pas que ces composantes ont, désormais, un caractère universel et que tout le problème réside dans la démarche à entreprendre en vue de concrétiser et de consolider ces valeurs. Parmi ces composantes, la note d'orientation parle du « rôle stratégique de l'Etat », mais force est de constater que ce rôle se limite à orienter, prospecter, évaluer, préserver la stabilité économique, résoudre les problèmes sociaux, renforcer la concurrence et assurer le partenariat entre les secteurs public et privé. C'est exactement le rôle qu'on assigne à l'Etat selon une démarche libérale. Dans la note, on peut lire, en effet, que l'Etat et le secteur privé doivent se partager les rôles : l'Etat s'occupe de la planification et de la prospection, alors que le secteur privé doit se charger de l'exécution de tout ce qui concerne l'investissement, l'exportation et l'emploi. Ce que la note ne précise pas, c'est que dans la Tunisie d'aujourd'hui, l'Etat doit être un acteur très actif dans la vie économique et social. Il n'est pas possible aujourd'hui de lutter contre le chômage, l'inflation, les inégalités sociales et les déséquilibres régionaux sans l'intervention énergique de l'Etat dans tous les domaines et à tous les niveaux. C'est une vérité vécue actuellement par tous les pays et confirmée par les multiples expériences, heureuses et malheureuses, connues dans le monde.
Quant au modèle de développement alternatif, il est précisé dans la note qu'il doit être inclusif favorisant la concurrence, l'égalité sociale, l'employabilité, l'intégration des régions et le développement durable. Il faut quand même noter que ce modèle inclusif dont on parle est un concept dont les frontières sont floues et mouvantes. En dépit de l'importance considérable accordée au modèle de développement dans toute construction d'un plan de développement quinquennal, la note ne lui consacre qu'un espace réduit pour en parler (3 pages sur 95). Ce qui montre le manque d'intérêt accordé à une telle question et ce malgré le fait que sans des repères stratégiques, la crédibilité du plan quinquennal risque d'être mise en cause et les résultats peuvent être décevant. Il faut ajouter aussi que selon la note, l'édification d'un tel projet nécessite des conditions, à savoir un environnement organisationnel et législatif sain, la sécurité et la paix sociale, la décentralisation et une direction politique capable de gérer la transition économique. Enfin et en changeant de registre et en parlant d'un nouveau modèle de croissance à la place d'un modèle de développement, la note d'orientation présente le plan de croissance sous forme de prévisions pour la période (2016-2020), prévisions qui portent sur la croissance, la consommation, l'investissement, le revenu, l'épargne et la balance des paiements et aussi sous forme de trois scenarios (le meilleur, le normal et le plus mauvais). La présentation du plan sous cette forme d'une série de prévisions et de scenarios ne présente aucun intérêt pratique.
Lorsqu'on examine les axes stratégiques du plan économique et social on se demande a-t-on les moyens de ses ambitions ?
Le premier axe consiste à construire une économie dynamique dotée d'une capacité d'emploi élevée avec notamment un tissu productif diversifié et à haute valeur ajoutée, une économie numérique prospère, des secteurs prometteurs développés, des investissements privés comme moteur de la croissance et de l'emploi, un système financier efficace, une productivité élevée, une intégration renforcée dans l'économie mondiale et des exportations en pleine promotion.
Le second axe a pour titre l'intégration économique et sociale. Il comporte la réalisation du bien-être social, d'un système performant de protection sociale, de nouvelles relations de travail et d'une économie sociale et solidaire.
Le troisième axe s'intéresse à la croissance durable (au lieu du développement durable) dont la réalisation suppose une meilleure gestion des ressources naturelles et une protection de l'environnement, un aménagement régional équitable, une consolidation de l'économie verte, une bonne gouvernance et une éducation compatible avec les exigences du développement durable.
Le quatrième axe est focalisé sur la stratégie à adopter en matière de développement régional. C'est une stratégie fondée sur la décentralisation, la mise en valeur des caractéristiques spécifiques des régions, la consolidation de la dynamique et de la compétitivité de celles-ci, le renforcement des mécanismes de financement du développement régional, l'amélioration des conditions sociales des régions internes à travers l'abolition de leur isolement et le principe de la discrimination positive.
Enfin, le cinquième axe porte sur la préservation de la pérennité des grands équilibres financiers et la nécessité de mettre fin au déficit des finances publiques et aux déficits extérieurs.
Ce qu'il faut remarquer, c'est que pour chacun de ces axes, la note précise les objectifs et les instruments auxquels il faut recourir pour atteindre ces objectifs. Ceux-ci sont, certes, ambitieux, mais encore faut-il réunir les conditions permettant de les réaliser. Or, il se trouve qu'une bonne partie de ces conditions dépend de facteurs exogènes et échappe au contrôle de l'Etat. A cela, il faut ajouter la nécessité d'une volonté politique ferme et déterminée pour mener à bien la concrétisation de ces objectifs. Bref, il faut avoir les moyens de ses ambitions.
Il faut ajouter aussi que l'exposé de ces différents axes souffre également de l'absence de tout chiffrage des objectifs mentionnés. Ce qui enlève à la note la précision et la rigueur qui doivent être présents dans toute conception des plans de développement économique et social.
Les politiques économiques et sociales peuvent-elles être menées jusqu'à leur terme ?
La quatrième partie est destinée à présenter les politiques à mener en vue de mettre en pratique les objectifs développés dans les cinq axes qui viennent d'être exposés. Ces politiques doivent consister à :
Procéder par un ensemble de grandes réformes concernant l'administration, la fiscalité, le secteur public, la compensation, l'investissement, le système financier et le système immobilier.
Reconstruire le système de la sécurité sociale.
Orienter les politiques économiques vers la promotion de l'emploi et la préservation du pouvoir d'achat.
Instaurer de nouvelles politiques sectorielles (réformer la recherche scientifique, promouvoir les exportations...).
Investir dans le développement humain à travers l'amélioration des systèmes de l'enseignement supérieur, de la recherche scientifique, de l'éducation et de formation et aussi à travers la consolidation du système sanitaire et la préservation et le renforcement des acquis de la femme. Aussi, la jeunesse, les tunisiens à l'étranger et la culture doivent également être concernés par les politiques de développement humain.
Dans cette dernière partie relative aux politiques à entreprendre, il est utile de rappeler que la réussite de ces politiques exige l'insertion de celles-ci dans un plan rigoureux qui doit s'inscrire, à son tour, dans un modèle avec des choix stratégiques clairs. Or, il semble que cette double exigence ne soit pas envisagée dans la note d'orientation. En l'absence de cette double exigence, les autorités risquent de continuer de naviguer à vue avec une absence de visions claires, une gestion des affaires au jour le jour, une incohérence dans les prises de décisions et dans les politiques menées et surtout une absence totale de stratégie de développement économique et social.
Est-il, donc nécessaire d'avoir un nouveau modèle de développement ?
En définitive, la conclusion qui s'impose d'elle-même, c'est que dans la note d'orientation, il n'y a pas de rupture consciente avec le modèle libéral en cours depuis des décennies et ce, malgré tout ce qui a été écrit dans la note. On projette, tout simplement, de réformer ce modèle en essayant de surmonter ses lacunes et ses faiblesses.
La nécessité de concevoir un modèle de développement ne fait plus de doute. Mais, il faut rapidement préciser que le modèle de développement n'est ni un programme économique, ni des réformes à entreprendre. C'est un ensemble d'axes stratégiques à suivre en vue d'améliorer le niveau de vie d'une population. C'est un cadre de référence auquel font appel ceux qui sont chargés d'élaborer les politiques économiques et sociales dans un pays. La raison d'être de ce modèle est, donc, de définir les grandes orientations stratégiques dans lesquelles s'inscrivent les grandes réformes et les plans de développement.
L'élaboration d'un plan de développement exige, au préalable, la conception d'un modèle de développement. Celui-ci suscite un certain nombre de questions préliminaires auxquelles il faut trouver des réponses précises.
- Quelle approche doit-elle animer le modèle de développement économique ? Une approche libérale ou une approche sociale ?
- Quelle place accorder à l'économie verte, l'économie numérique et l'économie sociale et solidaire ?
– De quelle croissance a-t-on besoin ? Par quels secteurs la croissance doit-elle être tirée ?
- Pour quel développement régional doit-on opter ?
- Quel nouveau rôle doit-on accorder à l'Etat ?
- Quel rôle doit jouer le secteur privé ?
- Doit-on recourir à l'endettement extérieur ?
– Quelles réformes doit-on entreprendre ?
Toutes ces questions ne trouvent pas de réponses claires dans la note d'orientation, tout simplement parce qu'implicitement, on continue de concevoir les choses selon la logique de l'ancien modèle. Ce qui donne lieu à des incohérences, à des insuffisances et parfois même à des contradictions. Dans la note, il est, par exemple, question d'une croissance inclusive et durable, alors que c'est un concept qui n'est pas compatible avec un modèle néolibéral.
Il faut se rendre à l'évidence. La possibilité d'un développement de la Tunisie par le néolibéralisme est un leurre. Ce néolibéralisme ne fait qu'impulser une croissance économique qui ne génère que le chômage, la pauvreté, les inégalités sociales et régionales et les crises.
Il est, par conséquent, nécessaire de repenser le modèle actuel et de construire un nouveau modèle capable de mettre la Tunisie à l'abri de la pauvreté et de la marginalisation et sur la voie d'un développement économique et social réel.
C'est à cette condition seulement que le plan de développement quinquennal peut trouver sa raison d'être et atteindre les objectifs pour lesquels le peuple tunisien s'est soulevé.
Propos recueillis


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