Samedi matin, la ville d'Ariana s'est réveillée lentement, presque langoureusement. Durant deux jours, les Arianais sont restés confinés chez eux pour célébrer en bonne et due forme l'Aïd El Kébir. Le troisième jour, les habitants de la « ville des roses » ont déjà repris leur train-train quotidien et week-end oblige, nombreux sont ceux qui ont pris le chemin du marché municipal pour faire leurs courses de la semaine. Sur place, un spectacle désolant les y attendait. Les jours ayant précédé l'Aïd El Kebir, la ville de l'Ariana a connu, comme chaque année à cette occasion, une explosion d'activité. C'est que les emplettes de cette fête religieuses sont incalculables et interminables. Entre l'achat du mouton, des couteaux, du barbecue, du charbon, de l'encens, des légumes, des condiments et autres nécessités de l'Aïd, les citoyens faisaient d'incessants allers et retours vers le marché municipal. La veille de l'Aïd, la place a commencé à se vider progressivement peu après midi. C'est que les trop nombreux vendeurs ambulants qui squattent les alentours rentrent dans leurs villages natals pour y passer quelques jours de vacances. Derrière eux, ils ont laissé la place sale, dégoûtante, répugnante. Certes, au quotidien, cet endroit se distingue, depuis plus de quatre ans maintenant, par son extrême insalubrité mais un sommet de crasse a été atteint en cette veille d'Aïd. A chaque recoin, sur chaque pavé, tout le long des trottoirs, des tas d'immondices, des cartons empilés, des cageots entassés, des fruits et légumes moisis, des paquets de cigarette vides par terre, des sachets jonchant le sol, des débris de fer et de bois jetés ici et là... A ce spectacle désolant, se sont ajoutés le jour de l'Aïd les détritus laissés sur place par les « grilleurs » de têtes et de pattes de moutons par des chalumeaux, sans oublier l'odeur nauséabonde qui s'en dégage, le sang dégoulinant un peu partout et la peau des moutons égorgés jetés pêle-mêle. Certains citoyens rencontrés sur place assurent pourtant que le jour de l'Aïd, peu après 19h, le gouverneur de l'Ariana, accompagné de nombreux policiers, s'est rendu dans les parages et a constaté l'état désolant d'insalubrité ambiante. Les riverains ont conclu que cette visite était de bon augure et qu'elle serait sûrement suivie de la démolition des étalages anarchiques qui leur empoisonnent la vie depuis des années. Deux jours après l'Aïd, rien n'a été fait de ce côté. Pire encore, les ordures n'ont pas été levées depuis plus de 72 heures et l'odeur fétide ressentie à chaque coin de rue ne laisse aucun doute sur le danger sanitaire que représente toute cette saleté accumulée. Bras de fer Pourtant, à l'Ariana, le phénomène n'est pas nouveau. Défigurée, la ville subit, depuis la Révolution, la dictature des marchands ambulants. Malgré de nombreuses tentatives, la municipalité de l'Ariana n'a pas réussi à les déloger des environs, la dernière datant du 20 septembre. En effet, les autorités régionales ont publié un communiqué avisant les marchands en situation irrégulière qu'ils avaient trois jours pour quitter la place du marché municipal et s'installer dans l'enceinte du nouvel espace qui leur est dédié, situé près de l'abattoir de l'Ariana, en face du terminus du métro, ligne 2. Cette décision s'appuie sur le décret numéro 417 de l'année 2012. C'est que la ville lutte depuis tout ce temps contre ce phénomène qui gangrène le centre-ville et n'y a trouvé jusqu'ici aucune solution. Ni les menaces, ni les discours mielleux, ni les promesses de prochains travaux d'aménagement et d'agrandissement du marché municipal, ni les séances de discussion n'ont réussi à convaincre les marchands ambulants de changer d'emplacement. Un bras de fer est engagé depuis quelques temps entre les différents protagonistes et les marchands ont jusqu'ici mené la dance et imposé leur dictat. Qu'est ce qui empêche les autorités d'appliquer la loi et de démolir ces étalages anarchiques une fois pour toutes ? Jusqu'à quand durera cette piètre tragédie citoyenne et quelles seront les répercussions directes et indirectes de cette catastrophe écologique ?