Macron rencontre Sarkozy à la veille de son incarcération    BNA Assurances : le chiffre d'affaires en hausse de 9,8% à fin septembre 2025    Tunisie – Japon : 22 millions de dinars investis pour moderniser la station d'épuration de Medjez el-Bab    "Le président de la République suit de près la crise à Gabès", affirme Bouderbala    Calendrier des concours Tunisiens Bac 2026, 9ème et 6ème pour l'année scolaire 2025-2026    Histoire générale de l'Afrique : l'UNESCO achève les trois derniers volumes du projet HGA    Messenger disparaît des ordinateurs : Meta annonce la date officielle    Mohamed Bouzid : Avec Enda TAO nous rapprochons la finance digitale de tous les Tunisiens"    Coupure d'eau à Bab Saâdoun et au Bardo ce lundi    Gabès : vers la fin du déversement du phosphogypse et sa valorisation dans la construction    Battle of Robots 2025 : l'équipe tunisienne Blackshark participe à la finale, un exploit historique    Le drapeau tunisien fête son 198ème anniversaire    Nouveau maillot de l'équipe nationale: les Aigles de Carthage se drapent « d'or »    Hammam Sousse : un activiste connu sur TikTok tué de plusieurs coups de couteau    Le meurtrier de la petite fille de Bhar Lazrag condamné à la réclusion à perpétuité    Ligue 1 – 10e journée : Le CSS enchaîne    Programme de la 11e journée de Ligue 1    Réseau Entreprendre Tunisie célèbre 15 ans d'engagement auprès des entrepreneurs tunisiens et clôture avec succès le programme Digital NexTech    PENA Tunisie : 10 ans d'expertise au service du développement durable    Structuration complète du Club Africain : commissions et administration en action    L'Amiral Mohamed Chedli Cherif : Il aimait tant la mer, il aimait tant l'armée, il aimait tant la Tunisie    Kia : 1er constructeur automobile à tester un passeport numérique pour les cellules de ses batteries    Abdelwahab Meddeb, lauréat du grand prix de la Grand Mosquée de Paris (Vidéo)    Vol spectaculaire du musée du Louvre à Paris : quatre cambrioleurs recherchés    Le sénateur Rodrigo Paz élu Président de la Bolivie    Circulation routière : retour à la normale au niveau du pont de Lacania    C3 – 2e tour préliminaire – Nyayo National Stadium – Nairobi United-ESS (2-0) : L'Etoile loin du compte    Seulement 10 personnes encore détenues à Gabès    Deux morts dans un accident d'avion-cargo à l'aéroport de Hong Kong    Meloni devient la troisième cheffe de gouvernement la plus durable d'Italie    Temps nuageux avec quelques pluies au Sud ce lundi en Tunisie    Vol spectaculaire au Louvre : des bijoux historiques dérobés à Paris    Nouveau coach à la tête de l'US Monastir    Mohamed-El Aziz Ben Achour: La médina face aux malheurs de l'histoire    Gabès : grève générale le 21 octobre    Le ministère de la Défense rend hommage à l'amiral à la retraite Mohamed Chedly Cherif    Kharbga City, un festival créatif pour les enfants et adolescents à Tunis    Kais Saïed : des solutions urgentes pour la crise environnementale à Gabès    L'église Saint Croix à la Médina de Tunis abrite l'exposition "Nouveaux langages dans les arts entre les deux rives"    Tunis fait vibrer le monde au rythme du rock et du métal    Le Festival National du Théâtre Tunisien 'Les Saisons de la Création' se déroule dans son édition 2025 à Tozeur et Tunis    Météo en Tunisie : températures entre 23 et 28 degrés    Tunisie : « The Voice of Hind Rajab » dans la shortlist des European Film Awards 2026    Rebirth : l'exposition 100 % féminine qui célèbre la renaissance    Pétrole russe : Pékin dénonce les “intimidations” de Trump et défend ses achats “légitimes”    Etats-Unis : la Cour suprême pourrait restreindre les protections électorales des minorités    Tunisie vs Namibie : Où regarder le dernier match qualificatif pour la coupe du monde 2026 du 13 octobre    Tunisie vs Sao Tomé-et-Principe : où regarder le match éliminatoire de la Coupe du Monde 2026    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



« La dernière nuit du Raïs » de Yasmina Khadra: A la frontière de la mégalomanie et de la fascination
Publié dans Le Temps le 04 - 10 - 2015

Yasmina Khadra s'est mis dans la peau de Mouammar El Gueddafi dans son nouveau roman, La dernière nuit du Raïs, paru aux éditions Casbah (Alger) et Julliard (Paris). Ni un roman-enquête ni un roman historique, juste une fiction qui nous rappelle les frasques d'El Gueddafi.
Le «je» traîne à longueur de pages pour décrire les derniers moments de la vie de celui qui s'est assis sur la Libye pendant 42 ans. Toute l'histoire se déroule, comme dans un film d'horreur, dans la nuit du 19 au 20 octobre 2011 au District 2 à Syrte, à l'est de Tripoli. Le «guide» est presque pris au piège dans une école désaffectée choisie par son fils Mouatissim entouré de ses fidèles compagnons, le général Abou Bakr Younès, ministre de la Défense, le général Mansour Dhao, le commandant de la Garde populaire, le lieutenant-colonel Trid et l'ordonnance Mostefa. Les rebelles, qui ont pris d'assaut la ville, ne sont pas loin.
L'écrivain prend soin de rappeler «l'enfance bédouine» au Fezzan de celui qui deviendra, après le coup d'Etat militaire contre le roi Idriss, «guide de la Djamahiria arabe libyenne». Mais le romancier n'insiste pas, se contente d'évoquer la kheïma, le désert, les chameaux... Et vite, il passe au Mouammar déjà adulte, mégalomane, revanchard et assoiffé de pouvoir. «Je suis Mouammar El Gueddafi, la mythologie faite homme.
S'il y a moins d'étoiles ce soir dans le ciel de Syrte et que ma lune paraît aussi mince qu'une rognure d'ongle, c'est pour que je demeure la seule constellation qui compte», écrit-il. «Ils peuvent m'envoyer tous les missiles dont ils disposent, je ne verrai que des feux d'artifice me célébrant», ajoute-t-il. A chaque chapitre, Yasmina Khadra, qui semble nager dans des eaux qu'il connaît parfaitement, rappelle «la folie des grandeurs» du dictateur, sa folie, sa tyrannie, sa suffisance, son mépris du peuple, sa haine pour ses adversaires. Au fil des pages, cela devient inévitablement ennuyeux.
Tyrans
Yasmina Khadra, qui n'a jamais visité la Libye ni discuté avec El Gueddafi de son vivant, évoque le père inconnu de l'ancien maître de Tripoli, la frustration d'un premier mariage refusé... Le romancier s'est concentré jusqu'à l'épuisement sur la psychologie tourmentée d'El Gueddafi en tentant d'explorer sa fragilité et ses failles. Tous les tyrans sont-ils faibles de personnalité ?
Portent-ils tous une profonde blessure qui «alimente» leurs dérives ? Une «voix» parle à El Gueddafi, guide ses pas, lui évite les pièges... De la fiction ? Possible. El Gueddafi a une curieuse attirance pour Vincent Van Gogh, le peintre naturaliste néerlandais qui s'est coupé une oreille avant de se suicider. Le personnage d'El Gueddafi avale tout l'espace «vital» du roman au point de faire oublier les événements tragiques en cours, les autres personnages et les causes du drame. Le général Mansour disparaît dans des conditions obscures.
Et l'écrivain oublie presque le lieutenant-colonel Trid après l'attaque des rebelles, lors de l'évacuation de l'école et la tentative de fuite. Syrte est mal décrite. Se contenter d'évoquer la ville en ruines, comme on le fait dans un film de guerre, est un exercice facile. La scène de la capture d'El Gueddafi est violente, mais pas suffisamment construite.
Yasmina Khadra, qui n'a pas aimé le «lynchage» de l'ancien guide de la Révolution libyenne, a voulu se débarrasser rapidement de ce moment tragique malgré son importance historique. C'est là toute la difficulté d'écrire un roman lié à des événements récents et encore entourés de zones d'ombre. Comment El Gueddafi a-t-il été tué ? Qui a tiré sur lui et dans quelles circonstances ? Le romancier, qui visiblement n'a pas fait d'enquête pour nourrir son récit, a évacué la question de la mort comme s'il ne voulait pas donner «une fin» à son personnage central.
Guide libyen
Yasmina Khadra, qui a le génie de raconter des histoires sur des pays qu'il ne connaît pas, a écrit le roman en trois semaines, s'est appuyé sur des anecdotes racontées par un colonel libyen rencontré dans les années 1980 à Moscou et sur des récits de presse. Il a puisé dans son imagination en portant péniblement tous les habits de son personnage. «Je suis sûr de ne pas avoir été très loin de la vérité», a confié l'écrivain dans une récente interview, comme pour se justifier.
Existe-t-il une vérité absolue ? Définitive ? La littérature ne doit-elle pas sauter la barrière vérité-mensonge ? Il est évident que Yasmina Khadra est fasciné par Mouammar El Gueddafi. Il lui était facile de dresser son portrait, de sonder son âme, de parler comme lui, d'épouser ses thèses. «J'ai écrit en état de transe. J'ai cru que j'étais El Gueddafi», a encore confié le romancier déjà accusé par ses adversaires d'être mégalomane. Regardons de près : il y a beaucoup de ressemblances entre Mouammar El Gueddafi et Yasmina Khadra.
Originaire du Sahara, Yasmina Khadra — Mohamed Moulessehoul — est un ancien militaire qui a voulu tenter l'aventure du pouvoir en se présentant à l'élection présidentielle de 2014. «Je pense qu'on m'a barré la route», a-t-il affirmé dans une déclaration à un journal. Et comme El Gueddafi, Yasmina Khadra a vécu une enfance dure, a une haute idée de lui-même et porte le projet d'une certaine revanche à prendre. Il était donc presque naturel que l'auteur de Qu'attendent les singes... s'intéresse au personnage «tragique» de Mouammar El Gueddafi et pas à celui de Zine El Abidine Ben Ali ou de Saddam Hussein.
Contresens
Il y a une fausse neutralité dans l'écrit littéraire de Yasmina Khadra. A plusieurs reprises, le romancier fait parler son personnage en termes durs contre ceux qui le critiquent, qui lui reprochent sa réussite, les jaloux. On croit relire d'autres romans de Yasmina Khadra qui traîne la même amertume depuis des années. La dernière nuit du Raïs a un goût de gâteau presque raté. Le romancier, qui garde une certaine finesse dans la narration, est tombé dans la facilité de l'écrit prêt à emballer, prêt à consommer comme un sucre rapide. On n'apprend pas grand-chose ni sur la vie d'El Gueddafi ni les dernières heures qu'il a vécues. Ce n'est pas un roman-enquête, juste une fiction qui nous rappelle les frasques d'El Gueddafi, presque un roman historique.
La littérature est un champ vaste à labourer sous la pluie ou sous le soleil. Yasmina Khadra a juste creusé deux ou trois sillons pour «libérer» sa tête d'un livre qu'il voulait écrire depuis longtemps pour rendre «hommage» au guide libyen en prenant les chemins à contresens, en faisant mine de «plaire» à tout le monde. Exercice subtil mais à haut risque. Mais Yasmina Khadra sait ce qu'il fait, lui qui cite Rabelais, Tolstoï et Shakespeare. «N'est jamais seul celui qui marche vers la lumière», écrit-il sur son site internet... El Gueddafi considérait la Lune comme son astre, «si rayonnante qu'elle faisait de l'ombre aux astres alentour», écrit le romancier dans La dernière nuit du Raïs.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.