La cérémonie d'ouverture de l'année judiciaire 2015-2016, qui a eu lieu hier au palais de Justice, boulevard Bab Bénat, a été marquée par le boycott du Syndicat des magistrats tunisiens (SMT), et de l'Association des jeunes magistrats (AJM), pour dénoncer la précarité de la situation des magistrats ainsi que le rendement insatisfaisant de l'Instance provisoire de l'Ordre judiciaire. Raoudha Laâbidi présidente du SMT a déclaré en effet au Temps : « Le jour de la célébration de l'année judiciaire, c'est normalement un jour de fête pour les magistrats. Or il n'y a pas de quoi faire la fête, étant donné les problèmes qu'endurent les juges, tant sur le plan matériel, que psychologique. En effet, la loi sur le Conseil supérieur de la magistrature ne répond pas dans sa mouture actuelle, aux objectifs d'indépendance et de sécurité des magistrats, garantis par la Constitution. L'instance provisoire de l'Ordre judiciaire ne fait rien pour inciter à la révision du projet de loi, afin de répondre aux doléances des collègues. Elle ne répond pas par ailleurs aux oppositions pour des rasions familiales, faites par les juges concernés par le dernier mouvement. Sur ce point, l'Instance judiciaire a fait preuve de nonchalance dans le traitement des dossiers des magistrats concernés en agissant de manière partiale et sur la base de critères subjectifs. Par ailleurs et concernant la situation matérielle des juges, il n'y a eu aucune amélioration, malgré les revendications présentées à l'Instance judiciaire. D'un autre côté, le projet de loi sur la Cour constitutionnelle est encore en l'état, tant que la loi sur le Conseil supérieur de la magistrature n'a pas été adoptée. Nous ne pouvons faire la fête, devant une telle situation, devenant de plus en plus catastrophique. Voilà les raisons du boycott, et nous tiendrons bon à revendiquer les droits du juge, afin qu'il recouvre la place qu'il mérite, et ce dans l'intérêt des d'une Justice équitable pour le justiciable ». Pour sa part Mourad Messaoudi, président de l'Association des jeunes magistrats a précisé au Temps « qu'il y a eu une sorte d'arrangement entre le gouvernement et le parlement, pour élaborer chacun une mouture du projet de loi. Finalement la commission de législation au sein du parlement a présenté un texte qui ne présente aucune garantie de l'indépendance de la magistrature. D'autre part, et outre la situation matérielle des juges qui laisse à désirer, il n'y a pas de sécurité dans les tribunaux dont l'infrastructure est de surcroît, déplorable.. Alors vous voulez, face à une telle conjoncture qu'on fasse la fête ? Au contraire c'est un jour de deuil pour les magistrats. Le gouvernement ne tient aucun compte de la situation des juges ; bien plus, parmi les grévistes dans tous les secteurs, seuls les magistrats, ont vu leur salaire diminué du tiers. Il y a d'ailleurs une procédure pendante devant le tribunal administratif à ce sujet, et je suis sûr qu'ils obtiendront gain de cause ». Quant à Raoudha Karafi, présidente de l'Association des magistrats tunisiens, elle a déclaré que « la participation de l'Association à la cérémonie de l'ouverture de l'année judiciaire, n'empêche pas d'être solidaire du militantisme visant l'indépendance des juges et la promotion de l'Institution judiciaire ». Le boycott sera-t-il de nature à résoudre les problèmes du secteur judiciaire ? D'aucuns y répondent par l'affirmative, car le fait de refuser d'assister à la cérémonie est un signe de mécontentement qui ne passera pas inaperçu. Raoudha Karafi quant à elle, estime qu' « assister à la cérémonie est une occasion pour faire connaître les préoccupations et les aspirations de l'Institution judiciaire ». Mais, au cours de la cérémonie et les discours officiels, de quelle façon peut-on faire connaître ces préoccupations ? rétorquent ceux qui appellent au boycott, et persistent dans leur position. Au cours de cette cérémonie, Khaled Ayari, premier président de la Cour de cassation et président de l'Instance provisoire de l'ordre judicaire a déclaré que : « l'édification d'un régime républicain, démocratique participatif est tributaire de l'instauration des institutions constitutionnelles dont le conseil supérieur de la magistrature et la Cour constitutionnelle qui sont les garants de l'indépendance de la magistrature et de la suprématie de la Constitution ». C'est justement autour des deux lois qui ne sont pas encore adoptées, que la polémique persiste encore, et elle n'a fait que trop durer.