Marcela Roggeri est sans doute l'artiste atypique qui s'est produit sur la scène de l'Octobre Musical en sa 21ème édition. En effet, l'Acropolium de Carthage et l'Ambassade de la République d'Argentine ont invité Marcela Roggeri, pianiste au talent incommensurable et au tempérament bien particulier. Le public de l'Octobre Musical n'était pas au bout de ses surprises lors d'un concert aussi beau que curieux. C'est avec une Ballade de Chopin qu'avait débuté la prestation de Marcela Roggeri. Un mouvement qui a été repris une seconde fois car, à la fin du morceau, la pianiste s'est levée non seulement pour saluer les convives mais également pour expliquer qu'elle ne pouvait terminer le concert avec un piano dont la pédale droite était défectueuse. L'artiste a continué à expliquer qu'elle ne pouvait exécuter « la partie française » de son programme avec une pédale qui ne fonctionnait pas ; elle a même demandé s'il n'y avait un technicien de piano présent dans la salle pour résoudre le problème ou si on pouvait tout simplement lui changer l'instrument par un autre. Solution adoptée par l'Acropolium de Carthage dont l'équipe, avec efficacité et rapidité, a procédé à la substitution du premier piano par un deuxième. Le concert a donc repris son cours et la Ballade de Chopin a été reprise pour la seconde fois, suivie par une « Nocturne » et enfin « Trois Etudes». En voyant les doigts se promener frénétiquement sur le clavier et la silhouette de Marcela Roggeri habitée par la musique, toute la splendeur de la partition transparaît dans ce rapport intime entre l'artiste et son instrument. Ce moment unique est un délice auquel ont assisté quelques dizaines de privilégiés. Un moment de communion entre la pianiste et les mélomanes. Marcela Roggeri a subjugué son public par une performance où le jeu était un ravissement et où la partition était une invitation au voyage. Marcela Roggeri a varié les époques et les courants en faisant traverser le mélomane comme le profane les XVIIIème, XIXème et XXème siècles dans le sillage des mouvements de la « Rhapsodie » de Liszt, des « Variations sur Menuet de Duport » de Mozart, des « Trois Gnossiennes » et du « Vals-Ballet » de Satie. Si une grande partie du concert parcourait l'Europe, les deux œuvres qui allaient clore la soirée étaient un hommage rendu à deux grands compositeurs argentins : Guastavino dont le « Bailecito » s'inscrivait dans la magnificence, sublimé par le jeu de Marcela Roggeri ; et Ginastera dont la cadence furtive et dynamique de ses « Danzas Argentinas » avait capté toute l'attention. Avec son jeu et malgré une attitude quelque peu surprenante (le changement de pianos et la demande formulée au public pour applaudir à la fin du programme Chopin), Marcela Roggeri a offert un concert époustouflant. Sa passion, elle la communiqua avec brio aux habitués et au curieux de l'Octobre Musical. Avec la diversité des courants, la pianiste a mis en relief un panel de variations qui, loin de s'inscrire dans une rupture, témoigne d'une continuité rendue possible par un art maîtrisé à la perfection dont seule une vraie artiste a le secret...