Parce qu'il ne faut pas perdre de vue que la Méditerranée qui nous sépare, nous lie aussi, immanquablement, vue par les deux côtés de la lorgnette, Nord et Sud, Sud et Nord mêlés, en dépit de certains clivages, ou antagonismes qui sont bien, le plus souvent, le fruit de nos entêtements et de nos aveuglements respectifs, nous ne pourrons empêcher aujourd'hui, une certaine émotion, de s'emparer de nos cœurs à l'unisson, au moment même où l'Hexagone commémore le triste anniversaire du 11 janvier, qui aura coûté la vie à des innocents, dont le seul tort aura été de vouloir exprimer, par le dessin ou par le verbe, cette liberté de pensée, si chère au cœur de tous ceux dont elle ne peut être indissociable de la vie même, parce qu'elle consacre la dignité, et la primauté de l'humain en nous, et qu'elle ne saurait être sacrifiée sur aucun autel. Encore moins celui d'un fondamentalisme religieux, haineux et abject, qui foule aux pieds, les valeurs universelles les plus élémentaires, en semant la mort à tout va, sans sourciller... Combien de « miles » séparent la Tunisie de la France ? Et la Tunisie, du reste du monde, donné dans sa diversité? Si tant est que l'humanité en nous, puisse l'emporter sur tout ce qui pourrait fonder la différence et qu'il importe de vivre comme une richesse supplémentaire, pour un vivre-ensemble qui ferait fi des frontières, nous aurons triomphé des « forces du mal », quels que soient les oripeaux dont elle se drapent, et combien même elles s'avanceraient masquées, par notre insistance à dire « non » aux exclusions, « non » aux préjugés insupportables, et « non » aux racismes de tous bords qui se veulent ordinaires et qui doivent demeurer intolérables pour tous ceux qui: en clamant tout haut « Je suis Charlie », ne baisseront pas la voix lorsqu'il s'agira de crier haut et fort également: « Je suis Bardo », « Je suis Sousse... », je suis tous les persécutés de la terre, et toutes les victimes innocentes de la hargne, et de l'iniquité, et de la sauvagerie à visage humain, et je condamne sans restriction, sans « distribuer », hypocritement, une solidarité qui serait à deux vitesses, et une fraternité qui serait fractionnée, selon que l'on soit « ... d'un côté ou de l'autre des Pyrénées... ».