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Abdelaziz Belkhodja, écrivain et éditeur.. «Le pouvoir rend les personnes aveugles et imbues de leur être»
Publié dans Le Temps le 31 - 01 - 2016

Ecrivain, éditeur et grand passionné de l'Histoire de la Tunisie, Abdelaziz Belkhodja a toujours été attiré par la politique. En mars 2011, le Parti Républicain, présidé par Belkhodja, obtient son visa et rejoint la coalition du Pôle démocratique moderniste participant, ainsi, aux élections de 2011 avec des listes communes. Suite à la grande défaite de tous les partis progressistes à l'époque, Abdelaziz Belkhodja s'est retiré de la vie politique pour se réserver à l'écriture.
Cependant, il n'a jamais arrêté de critiquer avec virulence les différents gouvernements qui se sont succédé depuis la révolution. Abdelaziz Belkhodja s'est aussi distingué par un ouvrage où il revient, avec Tarak Cheikhrouhou, sur les différents événements survenus entre décembre 2010 et janvier 2011. Au cours de cet entretien, Abdelaziz Belkhodja parle de son analyse de l'actualité politique et de l'avenir du pays.
-Le Temps : Lors des élections de 2011, on vous a vu présent sur les listes législatives du Pôle. Après ces élections, vous vous êtes retirés de la vie politique. Quelles sont les raisons de ce retrait?
Abdelaziz Belkhodja :On savait, en 2011, qu'on allait perdre les élections et qu'Ennahdha allait tout rafler. Nous le voyions partout, dans les marchés, dans les villages, dans les villes, à la campagne, dans les montagnes aussi, là où s'entraînaient les sportifs (sourire). Nous l'avons compris très tôt et nous avons tout fait pour persuader les progressistes de s'unir pour défendre, auprès de la population tunisienne, le projet moderniste qui est le seul à pouvoir sortir la Tunisie de la crise, mais les égos l'ont emporté sur l'intérêt national. Seuls le Massar (Le Tajdid), le Parti Socialiste, nous (le PR) et la Voie du Centre avaient, à l'époque, joué le jeu de l'union et avaient formé le Pôle. Tous les autres partis progressistes avaient préféré la division ou encore la compromission, ce qui avait ouvert un boulevard aux islamistes avec les conséquences que l'on sait : la très dangereuse dilution du message progressiste. Au lieu de parler des réformes nécessaires pour la Tunisie, tout le pays a commencé à débattre de questions complètement inutiles, la laïcité, l'athéisme et autres sujets complètement anachroniques. Après les élections, je me suis dis que, déçus par la division, les progressistes seraient enfin prêts à s'unir, mais ils n'avaient pas retenu la leçon. C'est en constatant ce fait que j'ai décidé d'arrêter la politique. C'était en novembre 2011.
-Vous vous distinguez aujourd'hui par des prises de position assez virulentes à l'encontre du pouvoir en place. Quels sont vos arguments?
Des amis de la Troïka, qui m'en voulaient à l'époque d'avoir eu des positions extrêmes, diront, aujourd'hui, que mes prises de position sont plutôt vigoureuses que virulentes. Ils voient aujourd'hui que je m'attaque à Nidaa Tounes pour la défense des mêmes principes. Ils ont compris que mon unique motivation est l'intérêt de mon pays. Même les Nahdhaouis ont changé d'avis par rapport à moi. Mieux encore, ceux qui viennent de quitter Nidaa Tounes, après la catastrophe vécue par leur parti, m'avouent qu'ils comprennent et partagent désormais mes critiques. Ce qui est violent, voire insultant, c'est l'inconscience des politiques depuis le 14 janvier.
Pour parler du présent, l'échec lamentable de la nouvelle majorité a pour cause l'irrespect de ses propres valeurs déclarées (qui nous ont rassemblés auparavant) et de ses propres promesses. Nidaa Tounes n'a même pas gouverné, il s'est empêtré, d'emblée, dans la compromission et a accepté la nomination d'un chef de gouvernement complètement incapable de sortir la Tunisie de la crise. Aucune idée, aucun plan ni aucune vision n'ont été pensés. Le pouvoir n'a jamais atteint le stade de la tactique, encore moins celui de la stratégie. Il est très loin de l'intelligence.
Les ministres ont été nommés sans aucune logique et tous les départements de l'Etat en ont souffert. C'est une erreur monumentale pour un pays qui, depuis 60 ans, investit dans l'enseignement et la spécialisation. Résultat : une situation lamentable dans laquelle est plongé tout le pays. Comment ne pas réagir avec vigueur quand tout le monde a averti les hauts responsables, bien avant les élections de 2014, sur tous les dangers d'une gouvernance faible dans une période aussi dangereuse. Pour ne pas parler dans le vide, le pouvoir avait entre les mains tous les plans possibles, élaborés par des citoyens responsables, pour sortir le pays des différentes crises. Mais les responsables n'ont jamais voulu les regarder. Le pouvoir rend les personnes aveugles et imbues de leur être. C'est catastrophique. Ils n'ont pas compris que le but n'est pas de gagner des élections, mais de gouverner fermement, intelligemment, avec des objectifs précis. Ce gouvernement, comme les sept qui l'ont précédé, gouverne au jour le jour, et pour moi comme pour tous ceux qui croient en ce pays, c'est une déception de plus, c'est la goutte qui fait déborder le vase, c'est presque la fin de l'espoir de voir enfin la Tunisie sortir de la mélasse.
-Le pays vient de passer par une vague de protestations qui a failli déborder. Est-ce que vous pensez que le calme que nous vivons aujourd'hui demeure précaire ou estimez-vous plutôt qu'on est sorti de l'auberge?
Tout le monde, politiciens, sécuritaires, économistes, observateurs, savaient que la population allait manifester sa colère en janvier. Mais l'exécutif n'a rien voulu entendre. Cette fois, les pillards ont cassé le mouvement, l'ont rendu en partie illégitime, mais le feu couve sous les cendres. Les politiciens incapables de lancer des plans de développement, croient que c'est avec des discours et des promesses qu'ils vont calmer les choses. Mais le soulèvement va reprendre de façon sporadique et si rien n'est fait, si ce sont toujours des mensonges et des fausses promesses qu'on présente à la population, le chaos s'installera définitivement. L'Etat tunisien n'a jamais réussi, depuis l'Indépendance, à vaincre le peuple. En 1978 et en 1984, l'Etat a reculé. En 2008, dans le bassin minier, il a fini par accepter les revendications. En 2011, la dictature est tombée. L'Etat n'a jamais appris la leçon. Une fois les choses calmées, au lieu de chercher à guérir le mal à la source, il se détourne des vrais problèmes.
-Au cours de cette semaine, le gouvernement a été interrogé par les députés sur sastratégie pour résoudre la problématique du chômage. Est-ce que les différents discours ont été convaincants selon vous ?
Pas du tout, on constate avec stupeur l'absence totale d'imagination, d'idées, de plans, de vision, d'audace et même de volonté. Ce ne sont que des mesures déclaratives sorties des vieux tiroirs. La classe politique elle-même ne croit pas en ce qu'elle avance. Jamais elle n'a répondu aux sollicitations de ceux qui ont les solutions, et ce, par pur complexe de supériorité. Or les solutions sont très nombreuses et très simples. Mais n'est pas stratège qui veut. La Tunisie compte des spécialistes dans tous les domaines, mais l'Etat refuse très souvent de les solliciter. Il se complait dans sa médiocrité. Pour vous donner un exemple encore plus parlant que celui de la lutte contre le chômage, en ce qui concerne la sécurité nationale, les réunions du fameux Conseil de sécurité nationale, dont le nom sonne avec fracas, sont une vraie plaisanterie indigne d'un Etat. De ces réunions des généraux de la police, de l'armée, de la Garde nationale et de tous les autres services de Sécurité, ne ressort jamais rien de valable. A l'image de tout le reste, les discours sont creux, les idées, les plans et la vision absents. C'est véritablement catastrophique pour un pays en guerre contre le terrorisme. En fait il n'y a que des déclarations, jamais de véritables actions et le pire est que la situation va en s'aggravant puisque la Tunisie se dirige à pas de course vers la décentralisation alors qu'aujourd'hui, l'Etat a perdu la maîtrise de plusieurs régions. A moyen terme, c'est l'intégrité du territoire qui va être remise en cause. La Tunisie n'a pas connu ça depuis la préhistoire !
-Estimez-vous que la crise qui ravage Nidaa Tounes depuis des mois est orchestrée par des parties étrangères au mouvement ou pensez-vous qu'il s'agit tout simplement d'une guerre de positionnement ?
Nidaa Tounes est victime de son manque de sérieux, les instances n'ont jamais, depuis la fondation du parti, procédé à un seul vote. Sans démocratie interne, la voie est ouverte à tous les dépassements. Sans valeurs, structures et règlement intérieur, un parti n'a aucun espoir de se développer de façon harmonieuse et efficace. Il devient un monstre qui fonctionne avec des logiques illégales et illégitimes. Ce que l'on a vu à Hammamet et à Sousse prouve des logiques mafieuses sous jacentes qui défendent des intérêts étrangers et internes qui n'ont strictement rien à voir avec l'intérêt national ni même celui du parti. Le fils du président lui-même ne comprend pas qu'il est l'objet d'une manipulation destinée à détruire Nidaa pour l'intérêt d'Ennahdha. Il croit en les promesses de Ghannouchi de le nommer président. Il faut noter que bien d'autres personnalités jouissant d'expérience ont cru au même scénario lors de la présidentielle de 2014.
-Vous faites partie de ceux qui ont beaucoup travaillé sur ce qu'on aime appeler aujourd'hui « l'énigme du 14 janvier 2011 ». Quels ont été vos résultats ?
D'abord, si nous avons décidé, Tarak Cheikhrouhou et moi-même d'écrire un livre sur le 14 janvier, c'est parce qu'on s'est aperçu très tôt que les politiques ont commencé à nous mentir dès le soir du 14 janvier. C'est complètement inacceptable de mentir aux Tunisiens le soir même de leur libération et de continuer à le faire de façon honteuse jusqu'à aujourd'hui. Plusieurs fois, nous avons voulu porter la question devant les députés et les responsables politiques pour leur dire que la question est trop grave pour continuer à l'occulter, mais ils ont toujours refusé. Non par calcul, mais parce que les politiques rechignent à parler d'autres personnes qu'eux-mêmes. Ce qui s'est passé en décembre 2010-janvier 2011 est exceptionnellement intéressant pour l'histoire du pays. Malheureusement, beaucoup de Tunisiens confondent Révolution et ce qui s'est passé après. La Révolution s'est terminée le 14 janvier. Le mal a commencé le lendemain, par un imbroglio mis en place par les autorités pour soumettre le mouvement à leur guise. On se rappelle tous de cette période instable où les hélicoptères étaient omniprésents où le couvre feu était de rigueur, où les citoyens protégeaient leurs biens et où on nous parlait de milices et de snipers. Pourquoi, aujourd'hui encore, l'Etat refuse-t-il de dire la vérité ?
A cause de sa propre implication dans ces faits.
Tant que cette affaire n'aura pas été dévoilée, la Tunisie continuera à subir la même mafia qui a le bras long et qui, aujourd'hui, est bien plus puissante qu'avant la Révolution.
Avant de parler des énigmes post-révolutionnaires, il faut déjà savoir que le déroulement des faits de ce fameux 14 janvier est vraiment formidable, lorsqu'on prend la peine de s'y intéresser sérieusement en écartant les préjugés. Le travail que j'ai réalisé avec Tarak Cheikhrouhou a été pratiquement le plus difficile de ma vie, mais le résultat est là : tout ce qui a été écrit dans ce livre (« 14 janvier l'Enquête ») n'a jamais été démenti. Nous avons compulsé 9000 pages de PV, interrogé des centaines de témoins, cela nous a permis de réaliser des recoupements qui donnent à ce travail de la fiabilité. Ce livre a été utilisé par les juges, par les avocats, par les chancelleries étrangères, il a été étudié par plusieurs chercheurs qui nous ont à chaque fois félicité. Même l'Institut national de recherche sur l'histoire contemporaine nous a honorés, et sincèrement, pour nous, c'est ce qui compte le plus car c'est un travail de mémoire nationale que nous avons réalisé, avant que les témoins ne commencent à radoter, ce qui s'est fait très rapidement, tout le monde tirant la couverture vers lui. Le fait d'avoir commencé ce livre dans les mois qui ont suivi la Révolution nous a permis d'éviter les manipulations de l'histoire. Nous pensons, Tarak et moi, que la sortie de ce livre a carrément permis d'éviter une manipulation de l'histoire par certaines institutions et personnalités.
-Pourquoi, selon vous, plusieurs anciens responsables, à l'instar de Sik Sallem, de Rachid Ammar ou de Foued Mbazaâ, ont choisi de revenir sur les événements du 14 en ce moment précis ?
D'abord parce qu'à chaque anniversaire du 14 janvier, les journalistes déclenchent le débat. Ensuite, parce qu'il y a une grande question qui est systématiquement éludée ; celle des responsables des morts tombés après le 14 janvier. Un énorme imbroglio a été mis en place pour tromper les Tunisiens après la Révolution. C'est une affaire qui n'est pas terminée, elle reviendra régulièrement sur le tapis à travers les déclarations des uns et des autres qui cherchent à rejeter ou redistribuer les responsabilités. Notre livre donne un éclairage sur l'après 14 janvier, mais il n'est pas suffisant. Nous travaillons en ce moment sur un livre dédié à ce qui s'est passé « après ». D'ailleurs, l'éclairage donné par M. Foued Mbazaa cette année nous a permis d'éclaircir des points d'ombre. Il est important de poursuivre le travail, c'est de notre Histoire qu'il s'agit et cette fois, grâce à la liberté acquise, nous n'avons pas le droit de laisser les autres nous manipuler. N'oubliez pas que l'Histoire de la Tunisie est manipulée depuis des millénaires. Stopper cette dynamique de manipulation va peut-être nous permettre de renouer avec la clarté.
-Faites-vous partie de ceux qui pensent que le 14 janvier n'était pas une Révolution?
Ce qui s'est passé en Tunisie entre décembre 2010 et janvier 2011 est un soulèvement, suivi par une rébellion (Brigade antiterrorisme et Garde présidentielle) suivie par un départ du président Ben Ali, suivi par un changement constitutionnel. On peut donner le nom qu'on veut à l'ensemble. Ça ne change rien. Historiquement, nous sommes devenus une démocratie. Le chemin est difficile, semé d'embûches, mais nous y sommes. Nous avons gagné en liberté et en dignité, mais perdu dans d'autres domaines dont le plus grave, celui de la souveraineté nationale, gravement mise à mal par nos propres responsables et leur compromission avec des puissances étrangères.
Pour être plus subjectif, je pense que la Révolution s'est terminée le 14 janvier au soir et que tout ce qui a suivi était un grand n'importe quoi des 8 gouvernements qui se sont succédés. La situation n'était certes pas très facile à gérer, mais les politiciens ont été particulièrement faibles inadaptés à la situation. Il fallait que le pouvoir passe à une autre génération, mais celle-ci, déresponsabilisée par la dictature, n'a pas eu la culture politique ni le courage de prendre son destin en main, d'où la gabegie dans laquelle nous sommes 5 ans après.
-Est-ce qu'une Révolution est vraiment sur le point de voir le jour en Tunisie?
Il ne peut plus y avoir de révolution. Il peut y avoir une évolution positive ou un chaos suivi par un retour à la case dictature. Le tout dépend de la conscience politique, qu'elle soit celle d'un seul, de plusieurs ou d'un grand nombre d'individus qui réussiront à s'entendre pour sauver le pays de l'aliénation. Je pense que la solution viendra de cette troisième proposition. Il ne faut pas compter sur les politiques, ils sont vraiment aveuglés par leurs égos. On se demande d'ailleurs d'où leur vient cet égo car aucun ne joui de la moindre légitimité historique, la révolution est celle de tout un peuple, elle n'a pas connu de vrais leaders. Les vrais héros sont morts, nous leur devons le respect, et le respect commence par la simplicité et le travail. Nous sommes tous à égalité en Tunisie, et c'est bien le fait de vouloir se positionner au-dessus des autres qui rend les politiciens si désagréables. Il est temps de trouver une nouvelle forme de gouvernance, nous y travaillons très sérieusement.
-Vous éditeur, que pouvez-vous nous dire sur la situation du livre en Tunisie aujourd'hui? Est-ce que la liberté d'expression, récemment acquise, nous a permis d'avoir une meilleure production ?
Ecrire sous la dictature était plus excitant dans le sens où il y avait un risque non négligeable. Aujourd'hui, c'est différent, l'écriture ne peut plus être un acte de résistance mais plutôt un acte d'engagement.
Oui, nous avons et nous aurons une meilleure production car la liberté est la plus belle des motivations. C'est elle qui nous a permis de croire durant les années de plomb. Nous faisons partie d'une génération qui a connu la dictature, nous disparaîtrons pour laisser place à une génération d'écrivains qui n'a connu que la liberté, et ça, voyez-vous, c'est très beau, c'est même un privilège. Nous l'avons espéré de toutes nos forces, nous l'avons eu.


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