Non pas comme on ouvre une parenthèse, pour vite la refermer. Au petit bonheur la (mal) chance, comme on aère ses vêtements d'hiver en été. Sans trop y penser en réalité, mais juste pour la beauté du geste. Accessoirement, pour apaiser sa conscience en faisant mine de s'y intéresser de très près. Et passer son chemin. Un trou dans l'eau. Puis le silence. Jusqu'à ce que l'oubli ne vienne ensevelir les derniers souvenirs restants sous un désert de sable, une chape de plomb venant les sceller jusqu'à l'éternité. Une page est tournée, un livre est refermé, placé sur une étagère, bientôt mangé par la poussière dans une bibliothèque remisée dans les combles. A dire vrai, ça n'encourage pas beaucoup à la lecture: il y a trop peu de lumière qui entre par les interstices d'une vague fenêtre condamnée. Il y a longtemps... C'est dire que l'espoir s'érode à mesure, de voir ce livre ouvert à nouveau. Il y a déjà deux ans; une éternité de silence. Parfois quelques murmures, par à-coups. Ça débouche sur le rien, vide et sidéral. Deux ans c'est trop, pour un âge d'Homme. Mais qui saura nous dire que sont devenus Nadhir Ktari et Soufiène Chourabi, disparus en Libye depuis septembre 2014? Dans la nébuleuse qu'est devenu le pays, tout est incertain et rien n'est sûr. C'est le moins que l'on puisse dire. Pourtant, il existe sûrement une trace, fut-elle ultime, du passage des deux journalistes tunisiens, sur le sol libyen, avant qu'ils ne soient « happés » par ces forces obscures, dénuées d'états d'âme, qui essaiment à tout va, avec un seul étendard: la haine de l'autre. Et comme unique crédo: le chaos. Raison de plus pour ne pas abandonner Ktari et Chourabi à leu sort. Raison de plus pour déchirer la chape de plomb et le voile du silence. Il y a des familles qui souffrent et qui attendent. Il n'y a rien de pire que la morsure du doute et de l'attente. Il faudra remuer ciel et terre, mais leur donner une réponse. Il serait plus que temps...