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«Les Américains finiront par lâcher les islamistes, à leur manière bien-sûr»
Publié dans Le Temps le 07 - 02 - 2016

Connue pour ses prises de position audacieuses et ses interprétations coraniques qui sortent de l'ordinaire, Olfa Youssef est devenue une icône phare de la scène culturelle tunisienne et arabe. Au lendemain de la Révolution, l'universitaire s'est approchée de la politique en tant que critique virulente. Du temps de la Troïka, ses positions lui ont valu des menaces de mort à répétition. Après avoir rejoint Nidaa Tounes et affiché son soutien à la candidature de Béji Caïd Essebsi, l'écrivaine s'est rangée du côté de ceux qui ne cessent, aujourd'hui, d'exprimer leur grande déception du rendement de ceux en qui ils ont eu, un jour, confiance. Au cours de cet entretien, Olfa Youssef a parlé de ses relations avec le pouvoir actuel, de sa lecture des derniers changements géopolitiques et de l'affaire de l'assassinat de Chokri Belaïd.
-Le Temps : Nous commémorons le troisième anniversaire de l'assassinat de Chokri Belaïd et l'on estime que ses tueurs courent toujours. Quel est votre avis sur cette affaire ?
Olfa Youssef :C'est une affaire qui ressemble à toutes les affaires d'assassinats dans le monde ; il est facile de désigner ceux qui ont commis le meurtre, ceux qui étaient la main qui a tiré, mais les commanditaires, ils sont rarement désignés par la justice. On a attendu que la lumière soit levée sur ce meurtre qui a défié la chronique pendant un bon moment et qui a provoqué un séisme politique et social en Tunisie. Béji Caïd Essebsi nous a promis, lors de ses promesses pré-électorales, qu'il ferait tout son possible pour lever le voile sur cette affaire, mais, hélas, une année et deux mois après son accession à la magistrature suprême, on en est toujours au point de départ. Je dirai même que l'on a reculé parce qu'on parle de moins en moins de l'affaire, on a même tendance à l'étouffer et à faire en sorte que le temps fasse son œuvre et crée cet oubli qui est, malheureusement, inévitable dans des affaires de ce genre.
-Vous avez évoqué le président de la République qui, lors de son dernier passage télévisé, a implicitement avoué son échec en expliquant qu'il ne pouvait interférer dans le travail des magistrats. Pensez-vous que cette affaire va être enterrée ?
Tout le monde cherche à enterrer cette affaire, y compris le chef de l'Etat. Je ne crois pas que le président, qui est un professionnel du Droit, ait, soudain, réalisé que le dossier est entre les mains de la justice et non entre les mains du ministère de l'Intérieur. Il le savait bien avant de promettre aux Tunisiens d'élucider l'affaire. Donc là, il y a un grand problème, soit Béji Caïd Essebsi ne connait pas les mécanismes de la justice, soit il nous a leurré en tenant une promesse pareille, ou bien encore, il a dû s'allier avec ceux que certains accusent d'être derrière cet assassinat et il a dû donc délaisser le dossier. De toutes les manières, moi qui ne connais pas la justice et toutes ses lourdeurs etses complexités, je me pose des questions simples: est-ce que Ali Laârayedh a été écouté en ce qui concerne son choix d'aider Abou Iyadh à fuir de la mosquée d'Al Fath ? Est-ce que les personnes qui ont appelé au meurtre de Belaïd devant les mosquées ont été interpellées ? Est-ce que les assassins de Lotfi Naguedh ont été écoutés ? Ce sont des questions que se posent les gens ordinaires qui ne connaissent rien en justice et, malgré mon ignorance, je continue à croire qu'il y a, quelque part, une justice divine qui, un jour, permettra d'élucider cette affaire. Ce dossier est un dossier clé qui provoquera des chambardements au niveau de la scène politique tunisienne.
-Vous avez été l'une des personnalités nationales à avoir soutenu la candidature de Béji Caïd Essebsi. Par la suite, vous vous êtes retournée contre lui pour le rencontrer, après, au palais de Carthage suite à la publication d'un manifeste signé par quelques intellectuels. Où en êtes-vous aujourd'hui et quelle lecture avez-vous quant au rendement de la présidence de la République ?
Si c'était à refaire, je soutiendrais Béji Caïd Essebsi parce qu'on n'avait pas le choix, c'était lui ou Moncef Marzouki. On a observé Marzouki dans l'exercice du pouvoir et on ne s'imaginait pas qu'il pouvait y avoir pire... Finalement, il y a eu pire !
Pour mettre dans son contexte la rencontre dont vous parlez dans votre question, on avait rédigé, moi et plusieurs autres intellectuels tunisiens, un manifeste critique de la situation du pays et, essentiellement, de l'alliance contre nature entre Nidaa Tounes et Ennahdha. En dépit de tout ce qu'on veut nous expliquer, cette alliance n'est qu'une trahison aux yeux de ceux qui ont élu Nidaa et BCE. Donc, à partir de ce texte, on a été appelés à rencontrer le président pour discuter de la situation et ce n'était nullement une rencontre de complaisance. On nous ressort, à chaque fois, l'argumentaire selon lequel cette alliance était inévitable vu qu'Ennahdha est le deuxième parti etc... Le problème ne réside pas là, la question est de savoir si ces personnes qui ont basé tout leur discours électoral sur la critique virulente, voire l'attaque, d'Ennahdha, ne prévoyaient pas, en fins politiques qu'ils devraient être, la possibilité qu'Ennahdha puisse être second ? Je pense que cette alliance est une ‘couverture de dossier', c'est-à-dire je cache un dossier m'impliquant et j'en fais de même avec un dossier t'impliquant. J'étais parmi les premiers à avoir critiqué BCE et ce dès la formation du premier gouvernement. J'avais parlé de trahison mais je vous assure que plusieurs personnes se seraient tu si cette alliance avait servi le pays au niveau de l'économie et du développement. Bon nombre de personnes auraient oublié cette alliance si elle avait servi à concrétiser les attentes du peuple. Ce gouvernement n'a aucune stratégie, on navigue sans avoir un objectif. D'ailleurs, je crois que le seul but de ceux qui sont au pouvoir aujourd'hui c'est d'y rester aussi longtemps que possible.
-En parlant de l'alliance Nidaa Tounes/Ennahdha, pensez-vous que le mouvement islamiste est sincère quand il dit que son dixième congrès servirait à séparer le volet religieux du volet politique ?
Pour moi, cela n'a aucun sens. C'est comme si vous me demandiez si une femme qui subit une opération pour devenir un homme resterait pour autant une femme ! Quand on parle d'un mouvement qui a des fondements basés sur la relation entre le religieux et le politique, quand on sait que ce mouvement a des racines liées aux Frères musulmans, quand on connait nous, spécialistes de la civilisation arabo-musulmane, le concept de la ‘Takia' – le fait de dire une chose et en cacher une autre, qui est la vraie – pour accéder au but suprême, quand on sait que le but suprême c'est l'application de la Chariaâ à la lettre, quand on sait qu'entre le mouvement islamiste politique et Daesh ou Al Qaida il n'existe qu'une différence de degré et non pas une différence de fond, il est vraiment très difficile d'y croire. Et puis si Ennahdha effectuait réellement ce changement, pourquoi Nidaa Tounes existerait-il? Ils n'auront plus qu'à fusionner puisqu'ils sont, tous deux, des partis de Droite. Il ne faut pas que l'on sous-estime le peuple tunisien. Ce peuple qui a cru en une révolution qui n'en était pas une, ce peuple qui a fait confiance à Nidaa Tounes et à son fondateur, ne doit pas être sous-estimé. On ne peut pas tromper tout le monde tout le temps. Tous ceux qui suivent les changements géopolitiques savent que l'Islam politique est assiégé surtout avec les dernières victoires de Bachar Al Assad, le changement du régime égyptien ou encore le retour en force de l'Iran.
-On revient au dernier conflit entre l'Iran et l'Arabie Saoudite.Certains assurent que Washington pourrait délaisser son allié historique au profit de l'Iran. Estimez-vous que cela puisse être possible ?
Oui, les USA laisseront tomber l'Arabie Saoudite. L'un de mes amis, ayant exercé la politique pendant un bon moment, me dit que les Américains mangent dans des assiettes de carton et les jettent par la suite. Je trouve cette métaphore très profonde... On connait tous les relations profondes qui existaient entre les Etats-Unis et le shah d'Iran ou encore les relations qu'entretenaient Ben Ali, à ses débuts, avec l'Amérique. Mais quand les USA n'ont plus d'intérêts, ils laissent tomber leurs alliés. Finalement, ce qui se passe aujourd'hui avec le retour de l'Iran sur la scène internationale n'est pas très surprenant. Il n'est pas évident que l'Italie ait voilé ses statues pour ne pas heurter la sensibilité des Iraniens...
-En contrepartie de ce sacrifice, l'Italie a décroché des contrats d'une valeur de 17 milliards d'euros.
Justement, ce ne sont pas les Etats-Unis qui gouvernent le monde mais les lobbys de l'argent, en l'occurrence, le lobby sioniste. Chokri Belaïd le disait, tout le monde le sait mais on évite de le dire parce qu'on risque l'assassinat... Aujourd'hui, l'Arabie Saoudite a fait le sale boulot et, comme les printemps arabes n'ont pas marché, les USA, comme toutes les puissances mondiales, ont toujours un plan B... Il ne faut pas oublier que, l'année dernière, la Chine est devenue la première puissance économique mondiale. Additionné à tous les autres changements, l'Islam politique n'est plus le phénomène qu'on essaie de mettre en avant. Je crois que ce n'est plus qu'une question de temps, les Américains finiront par lâcher les islamistes, à leur manière bien-sûr.
-Est-ce que cela dépendra aussi des résultats de l'élection présidentielle aux USA selon vous ?
Les islamistes, et surtout les islamistes tunisiens, aimeraient bien rester au pouvoir jusqu'aux résultats de la présidentielle américaine. Ils devraient attendre encore dix mois. La question maintenant est de savoir si le cap dans la politique étrangère américaine changera maintenant ou après la présidentielle. Rien n'est encore clair. Quand on voit le changement au quotidien, surtout avec ce qui se passe en Syrie et en Turquie, on ne peut pas être sûr que les Etats-Unis attendront la présidentielle pour changer de camp.
-La France, tout comme la Tunisie, est en pleine lutte contre le terrorisme. Vendredi, Manuel Valls a défendu la déchéance de nationalité pour tous les impliqués dans des affaires de terrorisme. Pensez-vous que cette solution est efficace ?
Je suis contre le fait que les binationaux exercent la politique dans leur pays d'origine. Je crois que le problème du bi-nationalisme doit être posé au niveau mondial. Je sais que je vais m'attirer les foudres des binationaux mais la question, pour moi, est la suivante : quel est le conflit d'intérêt qui se pose à un binational quand il exerce la politique dans son pays d'origine ? Je ne crois pas que cela soit du pur hasard que la plupart de ceux qui ont pris le pouvoir après le 14 soient des binationaux... Ce que compte faire l'Algérie en ce moment – voter une loi qui interdirait aux binationaux d'exercer de la politique – est une bonne solution.
Je n'appartiens pas à la Gauche qui croit qu'on doit être tous égaux, y compris les terroristes. J'estime que les droits de l'Homme ne doivent pas être appliqués aux terroristes. La question qui se pose maintenant, et qui concerne aussi la peine capitale, c'est à quel point on va respecter l'application de cette loi qu'aux terroristes. Qui nous garantit que cette loi, ou tout autre châtiment, ne soient pas exploités pour nuire à des personnes qui ne sont pas terroristes ? Ceci dit, cela reste un problème français interne. Pour la Tunisie, il faudrait penser à interdire aux binationaux d'occuper des postes politiques importants.
-Pour revenir à la Tunisie, comment évaluez-vous le rythme de la lutte contre le terrorisme et quelle alternative aux solutions purement sécuritaires ?
L'alternative sécuritaire est la face apparente de l'iceberg. C'est une phase très importante et je sais qu'en Tunisie, il existe des personnes qui sont en train de faire du très bon boulot malgré le grand nombre de terroristes qui ont été relaxés par la Justice, mais c'est un autre problème. Pour contrecarrer le terrorisme, il nous faut un travail de longue haleine. Ce fléau a été instauré en Tunisie dans une période allant de quinze à vingt ans. A partir du début des années 2000, les chaînes arabes satellitaires qui présentaient un Islam orthodoxe et violent à l'encontre de ceux qui n'ont pas la même vision des choses, ont commencé à percer le paysage médiatique tunisien. C'est là où tout a commencé. Le terrorisme a commencé avec l'islamisation de la société tunisienne. Et, quand je dis islamisation, cela n'a rien à voir avec la religion. C'est une idéologie violente et meurtrière. C'est un programme qui a été élaboré pour préparer le terrain à l'ascension de l'Islam politique, pour qu'il trouve un terrain favorable.
-Vous parlez de vingt ans de travail acharné, à l'époque, on était sous un régime hostile aux islamistes et favorable aux islamologues modérés. Pourquoi vous, islamologues, n'avez pas contrecarré cet acharnement à ses débuts ?
Tout d'abord, ces chaînes ne diffusaient pas de la Tunisie. La faute de Ben Ali était peut-être de ne pas avoir vu le danger qu'apportaient ces chaînes satellitaires, mais s'il avait interdit ces chaînes, il aurait été traité de dictateur. On avait essayé, avec Youssef Seddik, Saloua Charfi ou encore Amel Grami, de lutter contre ce fléau. J'ai personnellement été visée par plusieurs campagnes de dénigrement avant le 14 janvier parce que j'étais proche du régime – dans le sens où j'avais des postes de responsabilité tout en étant indépendante du parti. En 2009, il y avait une grande campagne contre moi et on m'avait accusée de mécréance. Mon problème avec les islamistes n'est pas nouveau ! Pour instaurer cette approche ouverte de l'Islam, il faut qu'il y ait une institution derrière comme les institutions saoudiennes qui ont encouragé l'islamisation de notre société. Il faut qu'il y ait de l'argent derrière, il y'en avait à flot pour les Amrou Khaled ou les Mohamed Hassan. Malheureusement, on n'a ni l'argent ni les moyens pour passer le message aux gens. Je me souviens que pour réaliser une petite émission télévisée de cinq minutes pendant le mois de Ramadan, il fallait que je galère mais je l'ai fait pendant deux ans. Après j'ai arrêté parce qu'on m'a demandé de le faire en portant le voile chose que j'ai refusée parce que je ne le porte pas dans la vie quotidienne. Bref, il faut qu'il y ait une grande institution derrière pour que l'on puisse avancer. J'ai vécu les années soixante-dix et je peux vous assurer qu'il y avait moins de barbes et de voiles et beaucoup plus de civisme et d'éthique. Avec l'islamisation idéologique de la société, on est vraiment tombé très bas. Il y a eu un séisme qui a touché la Tunisie et il n'est pas le fruit du hasard. C'est pour cela que je dis à BCE et à tous ceux qui s'allient à Ennahdha que ces personnes sont dépendantes de la ‘Takia' étant donné que leur but suprême est un but à long-terme. Il leur importe peu que le fruit de leur travail d'aujourd'hui se concrétise dans cinquante ans. Finalement, ce qu'ils veulent c'est l'instauration du Califat. Il vous suffit de lire les livres de Rached Ghannouchi pour vous en assurer. Et, surtout, il ne faut jamais oublier ce qu'a dit Mourou ‘ce ne sont pas eux qui nous intéressent, ce sont leurs femmes et enfants'...
-Vous dites que votre problème avec les islamistes n'est pas nouveau, cependant, vous n'êtes plus uniquement victime de campagne de dénigrement mais de sérieuses menaces de mort. Comment le vivez-vous ?
Je vis, depuis deux ans et demi, avec une protection policière rapprochée. J'ai reçu trois sérieuses menaces de mort Mais, finalement, ce qui est bien avec la vie, c'est que tout prend fin à un moment ou à un autre. Cela prendra le temps qu'il faut, cela finira peut-être avec mon assassin ou celui de quelqu'un d'autre ou avec aucun assassinat ! C'est une période où rien n'est clair. Hier j'ai lu un post qui parle d'un chaos politique où l'on ne sait pas qui nous gouverne, où l'on ne sait pas qui est au pouvoir, qui est à l'opposition, et je crois que c'est de là où provient le problème. On n'est pas bloqué à cause des personnes qui sont au pouvoir aujourd'hui – si elles étaient à blâmer, cela serait parce qu'elles ont accepté de faire partie d'un gouvernement pareil – mais à cause de cette situation qui ne pourra emmener la Tunisie nulle part, même pas à la dérive. Cette situation prendra fin certainement, un jour. Je pense que cela ne se calmera qu'après une grande tempête.
-Est-ce que la probable intervention militaire étrangère en Libye pourrait être un facteur de changement en Tunisie ?
L'intervention en Libye sera liée à l'approbation de Poutine. Les USA et l'Europe ne peuvent pas intervenir sans mener de sérieuses négociations avec les Russes. C'est un problème mais il finira par être résolu parce qu'ils finissent tous par trouver des accords. Béji Caïd Essebsi est gêné par le dossier libyen et c'est normal puisque la Libye est le talon d'Achille de BCE : en 2011, il était chef du gouvernement quand a eu lieu ce qui a été nommé la révolution libyenne. Donc, un changement en Libye, notre pays voisin où se terrent les terroristes, ne peut que changer la donne en Tunisie. Cela serait peut-être l'élément clé du changement tunisien...
-Et qu'en est-il pour l'Algérie qui nous a soutenus pendant ces cinq dernières années ?
La grande chance de la Tunisie c'est d'avoir l'Algérie à ses côtés. Cela s'est surtout manifesté au niveau sécuritaire. L'Algérie connaîtra certainement des changements vu l'âge avancé de Bouteflika. Cependant, je ne pense pas qu'elle tombera dans le chaos qu'on avait programmé pour les autres pays. L'Algérie est certes toujours dans la ligne de mire de ceux qui ont préparé le Printemps arabe mais les temps ont changé et cette présence très imposante de l'ogre russe et de l'Iran empêcherait les autres de mener des batailles frontales en Algérie.
-Vivons-nous une seconde guerre froide ?
Oui, c'est une guerre mais elle n'est pas froide. Je dirai plutôt que l'on vit une guerre interposée, c'est-à-dire que moi Américain, je n'envoie plus mes enfants se faire tuer en Irak, je ne perds plus mon argent et je ne m'expose plus aux critiques de mes concitoyens. J'oeuvrerais à ce que la gurre soit faite par d'aures à ma place. N'oublions pas que dans tout ce qui se passe actuellement, il existe une exploitation importante de l'éternel conflit entre les sunnites et les chiites. On est en pleine guerre mondiale qui touche à sa fin.
-On finit avec Olfa Youssef l'écrivaine, vos derniers ouvrages ont été, pour le moins, assez polémiques. Pour quand votre prochaine publication et, surtout, pensez-vous à de nouvelles activités partisanes ?
Un non pour le travail partisan, par contre, je serai toujours au service de l'Etat tunisien qu'importe le lieu d'où je le ferai. J'ai eu une très courte expérience partisane – symbolique puisque je n'exerçais pas vraiment la discipline partisane – qui m'a assez coûté. Je regrette amèrement les quelques mois que j'ai passé à Nidaa Tounes au vu de ce qu'est devenu le mouvement aujourd'hui malgré que j'ai été parmi les premiers à le quitter. C'était en août 2014. En ce qui concerne les ouvrages, cela fait deux ans que je n'en ai pas publié de livre, et le prochain est programmé pour bientôt. Le plus important pour moi reste la création de cette relation avec le lecteur, le mot polémique ne me fait pas peur, bien au contraire. Je crois même que l'écriture qui ne crée pas la polémique est une écriture manquante.


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