Ça bouge de nouveau chez les pharmaciens. L'Association tunisienne des pharmaciens libres (ATPL) et la Coordination nationale des jeunes pharmaciens (CJP) ont organisé tout au long du week-end écoulé des rassemblements de protestation devant le ministère de la Santé, l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) et dans le siège du Conseil de national l'Ordre national des pharmaciens. A l'origine de cette effervescence contestataire, se trouvent les promesses non-tenues faites par des autorités et des structures ordinales pour réviser les lois «archaïques» régissant l'ouverture des officines, et plus précisément la loi n° 73-55 du 3 août 1973, portant organisation des professions pharmaceutiques et le décret n° 92- 1206 du 22 juin 1992, relatif à l'organisation de l'exploitation des officines de détail. Les lois que pourfendent les jeunes pharmaciens instituent notamment le numerus clausus, qui est une tranche d'habitants bien déterminée prise en considération pour l'obtention d'une licence d'exploitation d'une nouvelle officine, ce qui a engendré une liste d'attente qui s'allonge continuellement. Selon le président de l'ATPL, Mohamed Ramzi Bouâoun, ces dispositions légales privent à ce jour quelque 3.000 pharmaciens inscrits sur la liste d'attente de leur droit constitutionnel d'exercer leur profession pour leur propre compte. L'ATPL a précisé dans une pétition adressée récemment au ministre de la Santé que cette situation a ouvert la voie à des pratiques illégales dans le secteur telles que la vente des licences d'exploitation des officines à des prix exorbitants qui ont dépassé un million de dinars dans certains quartiers de la capitale tels que les Berges du Lac et la Cité Ennasr. L'Association relève, d'autre part, que les chanceux de ces pharmaciens chômeurs ont été contraints d'exercer en tant que délégués médicaux ou pharmaciens assistants moyennant un salaire mensuel ne dépassant pas 800 dinars, mais des centaines d'autres se trouvent obligés de se tourner les pouces après avoir usé leurs fonds de culotte sur les bancs de la faculté de pharmacie. L'ATPL va dans ce cadre jusqu'à accuser un puissant lobby de pharmaciens ayant pignon sur rue de bloquer toute réforme sérieuse du numerus clausus à l'heure où le pouvoir d'achat du citoyen en médicaments devient de plus en plus élevé. Propositions Les jeunes pharmaciens entendent désormais continuer à donner de la voix pour lever «l'injustice» dont ils souffrent par le biais d'une révision radicale des lois qui organisent la profession, afin que les diplômés des facultés de pharmacie aient le droit de travailler sans attendre que ce droit leur soit accordé par son collègue qui, pour des considérations purement égoïstes, préfère être à l'abri de toute concurrence. Ils réclament ainsi haut et fort l'abolition, ou du moins l'abaissement considérable du numerus clausus, surtout dans les régions où le pouvoir d'achat du citoyen est relativement élevé (villes côtières, zones touristiques...) ainsi que dans les régions dotées de centres hospitalo-universitaires ou de cliniques privées. Les pharmaciens chômeurs revendiquent aussi l'adoption d'un cahier des charges qui fixe la distance minimale entre deux officines de jour à 200 mètres et entre deux officines de nuit à 500 mètres sans recours au numerus clausus. Ils rappellent dans ce cadre qu'aucune restriction n'est imposée aux autres professions libérales comme les médecins ou encore les avocats en matière d'ouverture de cabinets. Les structures syndicales représentatives des jeunes pharmaciens appellent, par ailleurs, les autorités de tutelle à réduire la capacité d'accueil de la faculté de pharmacie, à créer un poste de pharmacien clinicien dans les hôpitaux publics, à recourir à un examen écrit et pratique pour l'octroi des équivalences des diplômes obtenus à l'étranger, à fixer un âge limite de départ à la retraite obligatoire et à rejeter toute demande de création d'une faculté de pharmacie privée. Du côté du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens de Tunisie (CNOPT), on assure qu'un projet de révision des lois régissant l'octroi de licences d'exploitation d'officines qui lèverait l'injustice dont sont victimes les jeunes diplômés est en cours d'élaboration, tout en mettant en avant une position de principe selon laquelle les nouvelles installations d'officines doivent correspondre plutôt à un besoin de santé qu'à une solution au problème du chômage.