Ça bouge chez les pharmaciens. L'Association Tunisienne des Pharmaciens Libres (ATPL) vient de brandir la menace d'organiser des rassemblements de protestation et des sit-in à Tunis et dans d'autres régions pour pousser les autorités à amender une loi «archaïque» qui les prive du droit au travail. Il s'agit de la loi relative à l'organisation de l'exploitation des officines datant de 1973. Communément appelé loi 73-55, ce texte a institué le numerus clausus (nombre d'habitants pris en considération pour l'ouverture d'une nouvelle pharmacie), lequel a engendré une liste d'attente qui s'alourdit de jour en jour sans qu'aucune mesure ne soit prise afin de remédier à cette situation chroniquement désastreuse. Cette liste comprend actuellement plus de 2000 pharmaciens qui attendent le feu vert pour ouvrir une officine. Les plus chanceux de ces pharmaciens chômeurs ont été contraints d'exercer en tant que délégués médicaux ou pharmaciens assistants, mais la majeure partie se trouve obligée de raser les murs après avoir passé de longues et fastidieuses années sur les bancs des facultés de pharmacie. L'ATPL précise dans une pétition adressée récemment au ministre de la Santé publique que cette situation a ouvert la voie à des pratiques peu orthodoxes dans le secteur telles que la vente des licences d'officine à des prix exorbitants qui ont dépassé un milliard de millimes dans certaines régions. L'Association estime que le chômage endémique qui frappe la profession trouve son origine dans l'attachement d'un puissant lobby de pharmaciens ayant pignon sur rue de bloquer toute réforme sérieuse du numerus clausus à l'heure où le pouvoir d'achat du citoyen en médicaments devient de plus en plus élevé du fait de l'amélioration de son niveau de culture sanitaire. Il est par ailleurs bizarre, selon l'Association, que le métier de pharmacien continue à être considéré comme une profession libérale comme celui de médecin ou d'avocat. Car, pour toutes les autres professions libérales aucune restriction n'est imposée aux jeunes fraîchement diplômés qui souhaitent s'installer pour leur propre compte. Les jeunes pharmaciens entendent désormais se battre par tous les moyens légaux pour lever cette injustice, grâce à une révision radicale des lois qui organisent la profession, afin que les diplômés des facultés de pharmacie aient le droit de travailler sans attendre que ce droit leur soit accordé par son collègue qui, pour des considérations purement égoïstes, préfère être à l'abri de toute concurrence. Ils réclament ainsi haut et fort l'abolition, ou du moins l'abaissement considérable du numerus clausus, surtout dans les régions où le pouvoir d'achat du citoyen est relativement élevé (villes côtières, zones touristiques...) ainsi que dans les régions dotées de centres hospitalo-universitaires ou de cliniques privées. Les jeunes pharmaciens plaident aussi pour le recours à un examen écrit et pratique pour décider de l'octroi ou non de l'équivalence des diplômes de pharmacien pour tout candidat ayant un diplôme obtenu dans un pays de l'Europe de l'Est, le lancement d'un débat entre les partenaires du secteur pour se décider au sujet de l'âge limite de départ à la retraite obligatoire, et le rejet de toute tentative visant à créer de nouvelles facultés de pharmacie privées en Tunisie, afin de ne pas empirer la situation. Du côté du Conseil nationale de l'Ordre des pharmaciens de Tunisie (CNOPT), on persiste à considérer que les nouvelles créations d'officine doivent répondre plutôt à un besoin de santé que comme étant une solution au problème de l'emploi, dont la maîtrise passe inéluctablement par la maîtrise de l'adéquation formation-emploi.