Il arrive que le développement économique des régions d'une part et leur richesse patrimoniale en termes de monuments, d'ouvrages d'art ou de paysages d'autre part, n'aillent pas de pair. A l'échelle régionale, il s'agit donc d'identifier les atouts d'une région, en termes de moyens de production et de valeur économique. Un tel inventaire s'est longtemps limité à des moyens tels que: matières premières, capitaux, main d'œuvre, infrastructures de transport, potentiel agricole, etc. Avec la tertiarisation de l'économie, d'autres critères de développement et d'attractivité sont apparus, tels que le patrimoine qui doit aujourd'hui être considéré comme un facteur de développement de premier plan, mais aussi comme un moyen de redéploiement économique de régions dont on dit encore, mais peut-être plus pour longtemps, qu'elles sont "déshéritées" ou "défavorisées. C'est dans ce cadre que le rotary Club de Carthage organise, ce soir, une conférence sur le thème «Développement régional par la valorisation du patrimoine culturel en Tunisie » dans un hôtel aux Berges du Lac. La conférence sera animée par Luciano Borin, expert financier et fin connaisseur de l'économie tunisienne, ayant à son actif une large expérience du développement économique acquise au siège de la Banque mondiale. Dans plusieurs pays, le Patrimoine historique et culturel (PHC) est exposé à des risques de dégradation à défaut de ressources et de capacités financières locales. Même les organisations internationales spécialisées dans le domaine, rencontrent des difficultés à étendre leur assistance sur le long terme. D'emblée, les collectivités locales ne sont pas sensibilisées à l'importance socio-économique de leurs sites historiques et culturels. Conséquemment, ils n'envisagent aucun bénéfice de la préservation et de la valorisation de ces sites. Or, la valorisation touristique de ces sites pourrait créer des opportunités d'emploi et d'activités économiques. Ainsi, ces collectivités n'auront plus à recourir massivement à l'exode, pour trouver des opportunités de travail, car l'activité touristique est fortement génératrice d'emplois. Le PHC est une approche innovatrice applicable dans des situations similaires dans plusieurs pays de la Méditerranée et ailleurs. Il tend à promouvoir l'identité culturelle et la cohésion sociale, la préservation du patrimoine et l'amélioration des conditions de vie au niveau local. Mieux encore, comme déjà souligné, il pourrait limiter les flux de migration des milieux ruraux vers les milieux urbains. En Tunisie, le PHC appuiera la stratégie gouvernementale qui tend à diversifier l'offre touristique surtout vers un tourisme culturel afin de cibler une clientèle d'un haut niveau et ne plus être tributaire du tourisme balnéaire qui est proche de la saturation. Et, à travers une présence touristique améliorée, stimuler l'économie des régions intérieures, particulièrement celles munies de sites archéologiques et culturels, et se trouvant en situation de stagnation économique. Le PHC repose sur trois composantes essentielles : la valorisation du Patrimoine Historique et Culturel (campagnes de fouille, organisation des musées, publications et activités médiatiques) le développement économique et la création d'emplois dans les régions intérieures (activités liées principalement au tourisme, mais pas exclusivement) à travers des instruments d'assistance technique et financière ciblés et adaptés aux multiples segments d'une clientèle spécifique (micro-finance, start-ups dont celles gérées par des femmes, petites entreprises) et la réhabilitation de l'infrastructure matérielle locale (gestion des déchets, éclairage public, traitement des eaux usées, énergies renouvelables, etc.) et l'amélioration des infrastructures sociales (services de santé et d'éducation) quand cela s'avère faisable. Le moteur de cette initiative est l'Association d'héritage culturel (AHC), qui dirigera le PHC et dont le programme commencera dans trois régions intérieures prioritaires de la Tunisie avec l'installation de circuits touristiques intéressants. Le programme s'étendra progressivement sur d'autres zones. Sur la base des trois premiers circuits touristiques prévus à partir de Tunis, Sousse et Monastir, le projet envisage d'animer environ 10 sites archéologiques et culturels à l'intérieur du pays et 10 villages limitrophes. Les Unités d'Implémentation locales seront établies à des hubs clés (par exemple Sbeitla, Dougga, Le Kef...). Dans tous les sites concernés par le PHC, des programmes de valorisation historique/culturel, développement d'activités et petites infrastructures seront conçues et mises en place. On estime que les activités commerciales productives peuvent intéresser environ 1000 familles sous forme de micro-finance, start-ups pour les femmes et les jeunes, et projets commercialement rentables. Le concept clé est de générer et d'appuyer des activités durables. En plus, les activités de valorisation des sites historiques et culturels ainsi que les programmes de petites infrastructures pourront donner naissance à 1000 entreprises et générer ainsi des emplois locaux.