Depuis les actes terroristes perpétrés au Bardo, suivis par ceux de Sousse à l'encontre des touristes dans un hôtel de luxe, et ceux de l'Avenue Mohamed V, à l'encontre des agents de la garde présidentielle, soldés par la mort de douze d'entre eux, une ambiance de suspicion et de peur a remplacé celle de la confiance et de la quiétude dans laquelle se trouvait le citoyen avant la Révolution, malgré l'absence de liberté d'expression qui étouffait les citoyens et les muselait durant l'ancien régime. Tel est le sentiment général, selon la plupart des observateurs, qui pointent du doigt, la Justice et la police. Les médias se sont trouvés entre le marteau et l'enclume, à telle enseigne qu'ils ne savent plus à quel source se fier pour donner l'information probante, tout en craignant des poursuites, qui ont été, jusque là sur la base d'articles du code pénal, dont certains prévoient des peines privatives de liberté. Pourtant le nouveau décret-loi de 2011, sur la liberté de la presse, ne prévoit pas de peine de prison pour le travail qu'accomplit un journaliste dans le cadre de sa profession. Il est normal qu'un journaliste cherche à donner l'information juste, sans montage ni subterfuge, et ce dans le but de la connaissance de la vérité. Il y va donc de la dignité de la profession, et de l'honneur des journalistes. Une conférence de presse donnée hier par l'Association des magistrats tunisiens a évoqué ces problèmes, qui ont éclaté suite à l'évocation du problème de la responsabilité de la police et des magistrats dans les affaires de terrorisme qu'ils ont à traiter. Pourquoi les terroristes qui sont arrêtés par la police sont relâchés par les juges ? c'est une question posée par l'opinion publique et reprise par les médias sous des angles différents, a déclaré Raoudha Karafi, présidente de l'AMT. La goutte qui a fait déborder le vase a résulté d'une déclaration faite par Ahmed Rahmouni, président de l'Observatoire de l'indépendance de la Justice, dans une émission télévisée à El hiwar Ettounsi. Il a affirmé que « des actes de torture et des falsifications ont été découverts à travers une enquête interne du ministère de l'Intérieur sur l'unité antiterroriste de Gorjani ». Il a affirmé dans une autre émission Al Yawm Athamen qu'il y a une contradiction entre les déclarations des accusés et les motifs de l'affaire Une vidéo montre l'un des accusés libérés au mois d' août, entouré par des agents de police. Présent dans «Labess» et commentant cette vidéo, le président de l'organisation Sécurité et Citoyen, Issam Dardouri, a affirmé que l'accusé y montre «le chemin menant à une cachette d'armes» à des agents de la police antiterroriste, dans «la montagne de Sejnane», dans le nord de la Tunisie. A la suite de la diffusion de cette vidéo, un mandat d'arrêt a été émis contre Issam Dardouri, selon l'article 34 de la loi antiterroriste. L'animateur de l'émission, Naoufel Ouertani, a été interrogé par le juge d'instruction puis relâché. Fallait –il montrer cette vidéo qui a suscité l'indignation de certains responsables au gouvernement, alors que le juge intervenant à l'émission a déclaré qu'elle était falsifiée? Selon Radoudha Karafi le fait d'avoir visionné cette vidéo était de nature à porter atteinte au secret de l'instruction. Elle a qualifié cette attitude de la part de la chaîne Al hiwar Attounsi de manipulation médiatique. Certes le rôle du journaliste est d'éclairer l'opinion publique, mais tout en restant neutre. La vérité dans l'affaire du Bardo selon Raoudha Karafi , est que « le juge d'instruction au 13ème cabinet a fait un travail de pro, et a pu savoir que les agents de la brigade d'El Gorjani qui ont mené l'enquête ont eu recours à la torture pour forcer les inculpés à avouer des faits qu'ils n'ont pas commis. C'est la raison pour laquelle il les a déchargés du dossier en le confiant à la brigade d'El Aouina. Il était normal qu'il relâche ceux qui ont avoué sous la torture. D'ailleurs certains agents d'El Gorjani sont poursuivis pour usage de torture à l'encontre des prévenus présentant des dommages corporels constatés par des médecins experts, a-t-elle souligné.Elle a ajouté également qu'il y avait même des procès-verbaux falsifiés par les agents d'El Gorjani. Il n'y a aucune raison de mettre en doute l'honnêteté ni la compétence du juge du cabinet 13, et des experts internationaux qui suivent l'affaire, l'ont certifié. Les médias ont certes agi en fonction des données qui sont à leur portée. Ils n'ont pas cependant à altérer la vérité, pour la recherche du Buzz. Cela dit le fait de suspecter certaines décisions judiciaires ou de les dénoncer n'est pas interdit au journaliste dont le but est d'éclairer l'opinion publique et il peut être dans ce sens un auxiliaire de la Justice. A titre d'exemple et concernant la dernière affaire du Belge et des « joujoux » lui appartenant, la question a été posée à Raoudha Karafi s'il ne fallait pas proroger sa détention. Elle a été quelque peu dubitative , bien qu'elle ait expliqué qu'en matière pénale la durée maximale de garde à vue est de 6 jours et que la police judiciaire était dans l'obligation de le relâcher, l'affaire étant désormais de droit commun et non de terrorisme.