En réponse à ce qu'elle considère comme une campagne de dénigrement visant, au grand jour, le corps de la justice, l'Association des magistrats tunisiens (AMT) a tenu une conférence de presse, mardi dernier à Tunis, afin de vider son sac et mettre les points sur les i, jurant de ne pas se laisser faire par certaines manipulations médiatiques et une supercherie d'ordre politique et syndical La présidente de l'AMT, Mme Raouha Karafi, est revenue sur les attentats-suicides survenus au Bardo et à Sousse, suite auxquels l'arrestation par la brigade anti-terroriste d'El Gorjani, des auteurs présumés avait défrayé la chronique. Ainsi, les circonstances de l'enquête sécuritaire menée à cet effet ont fait, d'après Karafi, que les prétendus accusés ont fait l'objet de torture et de traitements dégradants pour l'obtention de faux aveux arrachés sous la pression. « Ce qui n'est pas du tout admissible », s'indigne-t-elle. Mis en garde à vue, ces suspects ont été, finalement, relâchés par la justice pour vice de forme et absence de preuve d'inculpation. Et rebelote ! L'affaire en question a été, de nouveau, confiée à la brigades d'El Aouina. « Al Hiwar Ettounsi » pointée du doigt Ces procédures judiciaires semblent, déplore-t-elle, ne pas être du goût de certains « détracteurs ». Agents sécuritaires, partis politiques et médiatiques se sont lancés, volontiers, dans une calomnie orchestrée à l'encontre des magistrats tunisiens dont le juge d'instruction chargé du procès concerné était le premier à être visé. En toute précision, et sans ambages, Mme Karafi a pointé du doigt la chaîne télévisée « Al Hiwar Ettounsi », l'accusant d'avoir joué la manipulation médiatique pour porter atteinte à l'image de la profession. C'est que, dénonce-t-elle, la vidéo sur le crime terroriste du Bardo diffusée dans l'émission « Labes » de l'animateur Nawfel Ouertani, est considérée comme un document judiciaire secret, et dont la révélation au public demeure strictement interdite. C'est aussi, à vrai dire, une manière détournée visant à influencer la démarche de l'enquête menée par le juge d'instruction au bureau 13, lui aussi chargé de l'affaire de l'assassinat de Chokri Belaïd. « Une telle campagne médiatique est antidéontologique, préjudiciable à la personne du juge concerné et à l'image du corps judiciaire tout entier. Entre autres accusations lâchées à son encontre, l'incompétence et l'allégeance politique », déclare-t-elle, le lavant de tout soupçon. «Ce sont des allégations mensongères, loin d'être vérifiées », a-t-elle ajouté. Face à cela, l'AMT n'exclut pas la thèse d'une escalade prévue. Pôle judiciaire : promesses ministérielles non tenues Autre constat touchant la profession, l'état des lieux du pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme. Nouvellement créé après la révolution, cette instance de juridiction spécialisée laisse encore à désirer. Confiné dans leur quartier général, loin de la capitale, un groupe de magistrats se partage un moral au plus bas, travaillant dans des conditions pour le moins qu'on puisse dire précaires. Ainsi s'indigne la présidente de l'AMT, plaidant en faveur de l'honneur de la corporation. Pis, une douzaine de juges aidés par une vingtaine d'auxiliaires et de greffiers se sont trouvés contraints à gérer plus de 1.500 affaires de terrorisme impliquant plus d'un millier de détenus. « Dans un tel environnement professionnel, en deçà des attentes, sans primes ni de moyens logistiques disponibles, à quels résultats pourrait-on s'attendre. D'autant qu'aucune des promesses ministérielles n'a été, jusque-là, tenue », a-t-elle encore déploré. A propos du conteneur belge saisi au port de Radès, la présidente de l'AMT a souligné que la confusion ayant marqué l'affaire est due, essentiellement, à un déficit de communication douanière sur la nature des marchandises saisies. Il aurait dû les soumettre, préalablement, aux tests des unités relevant du ministère de l'Intérieur pour faire la part des choses. « Outre le revolver et les munitions qui sont des vraies armes, le reste ce sont, tout bonnement, des répliques contrefaites n'ayant pas de portée criminelle », a affirmé Mme Karafi.