Le fléau de la corruption est vieux comme le monde. Tous les moyens tendant à en tirer un profit indu, ou des gains illicites ou des faveurs déplacés entrent dans le cadre de la corruption. Celle-ci touche toutes les couches de la société, et elle peut se présenter sous différentes formes et différents aspects. Elle peut être pratiquée aussi bien dans un cadre social très large, qu'au sein d'une cellule familiale restreinte. Car tirer profit c'est humain, mais il y a ceux qui tiennent à l'avoir par l'effort, alors que d'autres sont constamment à la recherche du gain facile. Montesquieu dans son essai sur « les causes de la grandeur des romains et leur décadence » affirme que « Ceux qui avaient d'abord été corrompus par leurs richesses le furent ensuite par leur pauvreté avec des biens au-dessus d'une condition privée, il fut difficile d'être un bon citoyen ; avec les désirs et les regrets d'une grande fortune ruinée, on fut prêt à tous les attentats ». Il entend par attentats toutes les malversations et les actes contraires à la loi. La corruption peut concerner une personnalité politique, un cadre administratif, un magistrat, un médecin ou même un sans emploi. Dans toute société civilisée, la loi qui régit les rapports entre les citoyens, est le meilleur moyen pour sévir contre la corruption sous toutes ses formes. En Tunisie, les lois n'ont pas empêché la pratique de la corruption, même au sein des institutions de l'Etat. Que de fois Bourguiba fut dans l'obligation d'intervenir en personne pour démettre un gouverneur ou un ministre pour des actes de corruption notoire. Mais en général, il y a eu un certain laissez faire qui arrangeait les uns et les autres, mais qui a fini par nuire à l'économie du pays et à l'image de l'Etat. Sous Ben Ali, la corruption a été parfois un prétexte pour jeter le dévolu sur tous ceux qui étaient dans le collimateur pour avoir exprimé librement leurs opinions et porter atteinte par là même aux droits et aux libertés publiques. Or, il y avait par ailleurs une mafia, constituée par les proches du président déchu, qui usait de la corruption impunément au vu et au su de tous les citoyens. Il y avait même des tarifs fixés à l'avance, en fonction de la nature du « service rendu ». A l'avènement de la Révolution, la lutte contre la corruption s'est avérée comme une urgence et une nécessité. A côté de la législation pénale, en vertu de laquelle la corruption est considérée comme un délit et dans certains cas, en tant que crime, notamment en cas de préjudice subie par l'administration (articles 83 à 94 du code pénal) un décret-loi cadre a été promulgué en 2011, pour la lutte contre la corruption. Il s'agit du décret-loi 2011-120 du 14 novembre 2011, en vertu duquel la corruption est définie comme : « l'abus de pouvoir, de l'autorité ou de fonction en vue d'obtenir un avantage personnel. La corruption englobe particulièrement les infractions de corruption dans toutes ses formes dans les secteurs public et privé, le détournement de fonds publics ou leur mauvaise gestion ou leur gaspillage, abus de l'autorité, l'enrichissement illicite, l'abus de confiance, la dilapidation des fonds des personnes morales et le blanchiment d'argent. » Cette définition est trop large et prévoit plusieurs cas de malversations, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé. Cependant, il est nécessaire, pour éradiquer le fléau de la corruption, que les responsables de chaque secteur œuvrent de manière efficace et en toute transparence, sans haine et sans crainte afin de dénoncer énergiquement et sans hésitation ou égard, tous les cas de corruption. C'est le cas par exemple dans le secteur financier, où la fraude et l'évasion fiscale est encore une pratique courante selon les avis de la plupart des experts en la matière. Il en va de même pour tous les autres secteurs, qu'il s'agisse de celui de la Justice, ou de la police. Nouveau décret Un décret portant création du ministère de la Fonction Publique, de la Gouvernance et de la Lutte contre la Corruption sera bientôt promulgué au Journal Officiel de la République Tunisienne. Il aura pour effet « de fixer les structures et les organes qui y seront rattachés et desquels émaneront les attributions, les fonctions et la capacité de ce ministère à concevoir les stratégies et politiques dans les domaines de la gouvernance et de la lutte contre la corruption ». L'ensemble des organes de contrôle qui relevaient de la Présidence du Gouvernement seront rattachés au nouveau ministère dont notamment le comité de Contrôle Général des Services Publics, le Comité Général de Contrôle des Dépenses Publiques, le Comité des Contrôleurs d'Etat, le Comité Supérieur de la Demande Publique et les organes qui y sont rattachés dont le comité de suivi et de révision et l'observatoire national des marchés. D'autres directions seront également rattachées au dit ministère dont « la Direction générale des Services administratives et de la Fonction Publique, la Direction générale de la formation et du développement des Compétences ainsi que certaines entités dont l'unité de suivi des établissements et des entreprises publiques, l'unité de l'administration électronique, le bureau central des relations avec le citoyen et l'Ecole Nationale d'Administration seront rattachés à ce ministère ». La corruption nuit à l'image de l'Etat car elle est le signe d'une mauvaise gouvernance. Il est important également que les mentalités changent afin que le citoyen ait désormais un comportement civilisé pour ne plus recourir à la corruption. La lutte contre la corruption commence en effet, par l'attitude du citoyen, qui doit être placé devant ses responsabilités, car la loi ne suffit pas à elle seule pour préserver la société contre ce fléau qui ne cesse de nuire à l'intérêt général.