«Notre peuple vient de commémorer récemment le premier anniversaire de sa révolution, laquelle a été déclenchée contre l'injustice, la répression et la corruption, phénomènes consacrés par l'ancien régime pour servir ses intérêts et ceux de ses proches...». C'est par ces propos que Mme Neila Chaâbane, membre de la Commission nationale d'investigation sur la corruption et la malversation, a tenu à introduire la conférence d'hier intitulée : «Le renforcement du cadre d'intégrité et de prévention de la corruption». Ainsi, cette rencontre puise sa signification dans l'espoir qu'il y a à récompenser le soulèvement de toute une population assoiffée de dignité, d'équité et de justice sociale. D'où la légitimité de mettre en garde gouvernement, partis politiques et société civile contre toute forme de corruption et d'abus de pouvoir, en rappelant l'intérêt suprême du pays. C'est dans cette optique que cette conférence internationale a été organisée, hier à Tunis, conjointement par la Commission nationale d'investigation sur la corruption et la malversation, l'Organisation de coopération et de développement économique (Ocde), l'ambassade du Royaume-Uni en Tunisie et la Fondation Hanns Seidel pour la région du Maghreb. Elle constitue l'aboutissement des travaux de la conférence internationale intitulée «La corruption et la malversation : que faire ?» qui s'est tenue du 21 au 23 septembre dernier à Hammamet, et dans le prolongement aussi du rapport de ladite commission, présenté pour l'occasion. Cette manifestation, dont les travaux prendront fin aujourd'hui, a vu la participation de certains membres du gouvernement, ainsi qu'un aréopage d'éminents experts nationaux et de spécialistes en la matière venus d'outre-mer. A l'ouverture, le chef du gouvernement, M. Hamadi Jebali, qui y était présent aussi, a donné une allocution au cours de laquelle il a insisté sur l'impératif de conjuguer tous les efforts afin de faire face au phénomène de la corruption, du fait de sa large propagation dans la société tunisienne. Une réalité qui s'est imposée durant des décennies dont on ne peut pas, aujourd'hui, ignorer les séquelles, tant au niveau de la gestion publique que privée. Compte tenu de l'ampleur de ce fléau qui perdure même après la révolution, M. Jebali a appelé tous les acteurs de la société à s'impliquer davantage dans l'enracinement des principes de la transparence et de l'intégrité. Et d'ajouter que la création au sein du gouvernement d'un ministère délégué chargé de la gouvernance et de la lutte contre la corruption s'inscrit dans ce souci. De même, la mise en place d'une nouvelle instance permanente de lutte contre la corruption, instituée en vertu du décret-loi n°120 du 14 novembre 2011, n'est qu'une mesure illustrant l'intérêt que porte l'Etat à l'égard de ce phénomène. L'objectif primordial est d'instaurer les bonnes pratiques susceptibles de renforcer le capital-confiance et de rendre la crédibilité. Deux facteurs clés en matière de traçabilité économique et de transparence politique. Passant en revue le parcours difficile de la commission qui était présidée par feu Abdelfattah Amor, Mme Chaâbane a également relevé que, dans les circonstances actuelles, il y a une urgence à poursuivre la mission, eu égard à l'importance des dossiers à traiter, en vue de préserver l'intérêt général et la confiance légitime du citoyen dans l'appareil institutionnel. «C'est dans cette perspective qu'on devrait agir...», a-t-elle conclu en substance. Son collègue, M. Mohamed El Ayedi, juge près le Tribunal administratif et membre de la commission mentionnée, a indiqué qu'il n'est plus question de continuer à traiter ce phénomène de façon provisoire. C'est pour cela que l'existence d'une instance permanente de lutte contre la corruption demeure nécessaire. Elle est garante de la bonne gouvernance et de l'équité dans le but de préserver l'intérêt de la communauté nationale. «Ce faisant, la responsabilité devrait être partagée, impliquant la société tout entière», a-t-il affirmé. Il a recommandé de s'engager pleinement dans l'action, à travers le renforcement des structures de contrôle et leur indépendance, au niveau de tous les rouages des institutions de l'Etat. Allant encore plus loin, l'orateur propose l'incrimination de la corruption et de l'enrichissement illicite afin de pouvoir, ainsi, imposer de bonnes conduites basées sur la transparence et la bonne gouvernance. «D'ailleurs, l'adoption de ce décret-loi portant création d'une instance permanente de lutte contre la corruption vient honorer les engagements de la Tunisie à l'égard de la convention des Nations unies dont elle est adhérente depuis 2008», argumente-t-il. Convention en vertu de laquelle la Tunisie, a-t-il ajouté, se trouve obligée de marcher dans le sillage des pays signataires, en s'impliquant dans la lutte contre la corruption et la malversation. Mais que faire pour concrétiser toutes ces tendances ? Les intentions des participants convergent vers la réalisation de mesures prioritaires en vue de prévenir la corruption. En d'autres termes, l'identification des domaines à risque, comme les marchés publics et le secteur immobilier, en ayant recours à des procédures mieux adaptées, dans un cadre législatif cohérent. Dans ce contexte, les intervenants ont tenu à souligner, à titre d'exemple, l'importance de détecter l'enrichissement illicite au travers des déclarations du patrimoine ou encore de promouvoir des normes de conduite claires pour les hauts fonctionnaires. Toutefois, l'efficacité de tels mécanismes nécessite, à l'en croire, une bonne conception des outils, en fonction des défis spécifiques de chaque pays et un suivi approprié des indicateurs pertinents. Aujourd'hui, deuxième journée, les travaux de la conférence vont se focaliser sur les marchés publics, en tant que gîte d'abus et de corruption, vu la complexité de leur fonctionnement. L'accent sera donc mis sur les moyens susceptibles de concevoir un cadre législatif et institutionnel régissant ce secteur dans tous ses états, de l'évaluation des besoins jusqu'à la passation et l'exécution. C'est là une nouvelle configuration pour comprendre les dessous d'un métier souvent considéré comme gisement de fraudes et de corruption.