Il ne se passe pas un jour sans qu'une polémique ne soit déclenchée sur la scène nationale. Cela va du politique, au sécuritaire en passant par le social et le religieux. Ce dernier point faisant son entrée dans les débats publics alors que tout le monde croyait qu'il s'agissait d'une affaire strictement personnelle. Ainsi, une nouvelle polémique vient d'être suscitée par le dépôt d'une proposition de projet de loi portant sur l'interdiction du port du voile intégral, communément appelé « niqab ». Et elle ne vient que commencer car l'on s'attend à ce qu'elle s'élargisse et s'installe dans les diverses sphères aussi bien à l'Assemblée des représentants du peuple, où le projet de loi a été déposé, que sur les plateaux radiotélévisés. Or, en attendant le démarrage des discussions au sein de l'ARP, nous avons eu droit à un échantillon de ce que sera le débat, et ce lors d'un plateau télévisé réunissant un religieux, un député d'Ennahdha et un penseur qui se fait passer pour une personnalité indépendante et une jeune femme niqabée. Priés de donner leurs avis sur ledit projet de loi présenté, déjà, au Bureau de l'Assemblée, par le bloc d'Al Horra, les invités ont eu des approches et des analyses très divergentes, chacun selon ses convictions et ses sympathies. D'abord, un coup d'œil sur le contenu du projet de loi en question nous permet de voir qu'il est mu, théoriquement, par des considérations essentiellement sécuritaires dans le sens où une personne toute couverte de noir, y compris le visage, n'inspire pas confiance puisqu'on ne sait même pas s'il s'agit d'un homme ou d'une femme. Donc, ledit projet de loi réclame l'interdiction de cet habit dans les lieux publics à savoir sièges d'administrations, gares, aéroports, stations de transport public, municipalités, banques, etc. Et dans les rues ? Cela reste à préciser. La rue étant un lieu public, elle devrait être incluse dans la liste. Alors que reste t-il à la femme « niqabée » comme lieux autorisés ? Rien ou presque... La question est, certes, délicate à débattre et, encore plus, à trancher surtout qu'un débat a surgi au sein du débat. Les motifs de l'émergence de ce projet de loi sont-ils d'ordre sécuritaire ou politique ? Si le député, Walid Jellad d'Al Horra jure ses grands dieux que seuls les intérêts et la vie des forces de l'Armée et de sécurité nationales guident cette initiative, il n'en est pas de même pour certains autres. On retiendra, d'abord, la réaction et le raisonnement avancés par le député d'Ennahdha, Samir Dilou, qui s'est distingué par son esprit modéré et tolérant dans le sens où il s'est, montré, tout le long du débat, compréhensif. Il a émis, ainsi, des réserves et des objections étayées par des argumentations qui tiennent la route, mais il a évité tout dérapage et toute tension dans un sens comme dans un autre. Mais cela n'a pas été le cas de Chaker Charfi qui s'est montré « plus royaliste que le roi » en ayant des positions tranchées allant jusqu'à accuser les initiateurs du projet, Al Horra et leur chef de file, de vouloir tirer un profit politique de cette opération, ce qui constitue un procès d'intention, inacceptable de la part d'un penseur qui a cherché à politiser le débat plus que ne l'ont fait les politiciens présents. Il en était de même de la part de la femme niqabée qui a voulu, à chaque fois, faire déplacer la discussion sur le terrain politique en lançant des accusations gratuites, sans preuve tangible, contre le bloc auteur du projet de loi et contre son le chef du mouvement sympathisant avec le même bloc. Ayant « exigé » avec « arrogance », parfois, et obtenu l'autorisation d'accaparer la parole car elle voulait répondre, d'une manière personnifiée, à chacun des intervenants, la jeune femme s'est illustrée par ses propos entachés de contre-vérités et d'affirmations généralisées et gratuites, souvent fausses. Et, en fin de débat, lorsqu'il y a eu l'affichage des résultats d'un sondage d'opinion démontrant clairement que la majorité écrasante des Tunisiens, soit 93%, sont contre le port du niqab et, même, contre le port de l'habit dit afghan pour les hommes, la même jeune femme n'a rien voulu entendre et a répondu à côté en se félicitant qu'il y a plus de 40% de Tunisiens tolérant le port du hijab. Mais ce qui donne froid au dos, c'est sa dernière phrase : « si la loi est votée et adoptée, nous ne l'accepterons pas et nous ne nous tairons pas », a-t-elle dit en substance laissant entrevoir une détermination et une menace à peine voilée quant à la nature de la réaction que pourrait engendrer une telle loi. Autre fait marquant qui n'a pas manqué d'attirer l'attention est cette manie de banaliser les risques que pourrait constituer le port du niqab pour la sécurité des forces armées et pour les citoyens tunisiens, en général. Et devant l'argument qu'il y a eu bien des cas où des criminels et des terroristes ont profité du port du niqab pour commettre leurs forfaits ou encore pour pouvoir sortir du pays et se rendre dans les zones de foyers de tension et de conflits armés, la femme niqabée et, même, le penseur Chaker Charfi ont argué qu'après tout, il ne s'agit pas encore d'un phénomène répandu. Or, a-t-on oublié que tout « fléau » commence toujours par des « cas » ? Et puis, doit-on attendre que cela devienne un fléau pour réagir ? Il serait, alors sûrement, trop tard. Et puis, ne vaut-il pas mieux prévenir que guérir ? D'ailleurs, tout le monde évoque la nécessité des actions anticipatives dans le sens où elles évitent les complications des ripostes après que le mal soit fait. Dernière remarque. Certains esprits, adeptes des théories de complot, répétées lors du même débat susmentionné, avancent l'argument pernicieux consistant à dire que le bloc d'Al Horra, nouveau venu à l'ARP, veut se faire de la publicité et, se basant sur certains commentaires à travers les réseaux sociaux, on prétend que ce projet de loi est destiné, en réalité, à tester la réaction du parti d'Ennahdha dans le but de juger de la véracité et de la sincérité de son dernier discours. Or, rien n'a été dit officiellement et publiquement sur une telle intention, d'où la nécessité de se contenter de se pencher, uniquement, sur le contenu du projet de loi, sur sa fiabilité et sur les éventuels bienfaits qu'il peut offrir à nos sécuritaires et à la sécurité du pays. Tout le reste n'est que littérature...