D'abord, une certitude est en train de se faire jour : la fermeture de la Société d'Acide Phosphorique et d'Engrais (SIAPE), n'aura pas lieu. La précision donnée récemment, à ce propos, par Mongi Marzouk, ministre de l'Energie et des Mines, lors de la visite de travail effectuée à Sfax a décision est, à ce propos, sans ambages : l'usine se maintiendra sur son site, mais sans ses activités polluantes. Quant à la feuille de route de l'arrêt desdites activités, elle sera déterminée dans les jours à venir. La déclaration du ministre est, en fait, une mise au point, adressée particulièrement au Collectif Environnement et Développement qui lui reproche d'avoir renié ses engagements, pris le 18 février 2016, quant à l'annonce d'une date définitive pour la fermeture de la SIAPE, dans un délai de 15 jours : « La promesse donnée le 18 février 2016 portait clairement sur la révélation d'un calendrier détaillé pour la fermeture de toutes les activités polluantes de la SIAPE et ce à l'issue de l'atelier de travail qui devait réunir la Compagnie Sfax-Gafsa et le Groupe Chimique, et non pas avant », précisait Mongi Marzouk tout en ajoutant que les étapes dudit calendrier avaient été examinées, une semaine avant et que le ministère allait être très prochainement fixé sur les échéances des diverses phases. Malentendu sémantique ? Il y a là de quoi se perdre en conjectures : Interprétation erronée, ambigüité intentionnelle, réajustement verbal de dernière minute ou bien simple mais néanmoins fâcheux malentendu ? Toujours est-il que le collectif maintient sa version concernant les promesses du ministre et que d'autre part, la signification du terme « fermeture » est au cœur du malentendu voire de la polémique, tant il est vrai qu'entre « déracinement intégral et irréversible» comme le souhaite la société civile, et maintien, quoiqu'avec une reconversion vers des activités non polluantes, comme décidé par les autorités, l'écart est énorme. En effet, et comme l'ont souvent précisé les responsables auprès du ministère de tutelle dont notamment le directeur régional du Groupe Chimique Tunisien (GCT), Amor Lâabidi, « l'usine de Sfax ne sera pas fermée, mais ses activités seront, par contre, orientées vers des industries alternatives non-polluantes -intégrées dans la gamme d'activité du Groupe- produisant notamment le triple superphosphate, selon des procédés techniques propres à la Siape, en toute conformité avec les normes en matière de respect de l'environnement ». Tout en affirmant que les employés de la SIAPE partageant les mêmes conditions de vie, partagent nécessairement les mêmes préoccupations que leurs concitoyens, le directeur régional du GCT à Sfax, souligne : « La Société a déjà adhéré à la charte de l'entreprise sociale ». Quant à la fermeture de l'usine de Sfax, il estime qu'elle est impensable avant l'entrée en production de celle de Mdhilla, invoquant la perte, lourde de conséquences pour la Tunisie, de son positionnement sur les marchés mondiaux. Il est bon à savoir, en effet, que la SIAPE génère un chiffre d'affaires d'environ 300 milliards par an, si l'on tient compte des années référence.». Sur le plan social, le sort des 500 employés est également un paramètre à prendre en compte, car l'usine de Mdhilla va disposer de ses propres effectifs. Activités amies de l'environnement Concernant les nouvelles activités de la SIAPE, Lâabidi annonce : « Plus des deux tiers des activités actuelles de l'usine seront transférées à celle de Mdhilla, conçue suivant des critères technologiques de haut niveau, de façon à satisfaire aux exigences environnementales internationales. Avec le démarrage de l'usine de Mdhilla, La SIAPE arrêtera ses activités présentes pour mettre en œuvre un programme de « reconversion », composé de trois volets : premièrement, la mise en place d'un centre de recherches chargé des opérations d'analyses de laboratoire et des expérimentations. Deuxièmement, la production du triple super phosphate sans risque pour l'environnement : Une étude relative à l'impact des nouvelles méthodes utilisées sera confiée à un bureau d'études spécialisé, sachant que d'autres études ont été menées par le Groupe. Troisièmement, la mise en place de nouveaux centres d'entretien dotés d'équipes spécialisées pour répondre aux besoins de l'ensemble des structures relevant du GCT». Société civile : la disparition de la SIAPE n'est pas à négocier « Il est évident que toutes ces solutions vont à l'encontre des revendications citoyennes cristallisées autour d'une seule et unique exigence, celle de la disparition totale du paysage, de cette source de nuisances dont les ravages ne sont plus à compter. Sfax veut respirer à pleins poumons, cesser d'être sous la hantise de maladies malignes, récupérer ses plages et ses vergers « massacrés », et s'affranchir des fers qui entravent l'exécution de ses projets économiques et urbains et empêchent son essor vers des lendemains qui chantent. La SIAPEnous a asphyxiés durant soixante ans, c'est notre tour de l'asphyxier», clame-t-on du côté du Collectif Environnement et Développement. Position de l'UGTT Pour des considérations sociales, l'Union Régionale du Travail ne s'est pas ralliée aux mouvements de protestations organisés par les autres composantes de la société civile, arguant de son devoir de protéger les 500 emplois au sein de la SIAPE, mais invitant toutefois au dialogue pour trouver un terrain d'entente, un « désistement » condamné par le Collectif Environnement et développement. Saisie de la Justice en perspective Depuis lors, le collectif est monté sur ses grands chevaux. L'idée d'entamer des poursuites judiciaires à l'encontre du GCT et du ministère de l'Energie et des Mines est plus que jamais d'actualité. On apprend que trois procès seront prochainement intentés. Le premier porte sur le transport du soufre à ciel ouvert dans la ville. Le deuxième incrimine toute personne confondue d'avoir sciemment et délibérément induit l'opinion publique en erreur en déclarant que le SSP, actuellement produit et exporté, n'a pas d'impact négatif sur l'environnement, sans aucune étude d'impact préalable, selon les mêmes sources, ni autorisation du ministère de tutelle ni aval de l'ANPE Le troisième procès sera intenté par l'Instance Vérité et Dignité (IVD) qui est en train de mettre la dernière main à un dossier « consistant », démontrant que Sfax est une ville écologiquement sinistrée des suites des nuisances provoquées par la NPK et la SIAPE sur la base d'une étude commanditée par le ministère de l'Environnement en 2008.