A en croire l'étude sur les recettes publiques en Afrique publiée le 1er avril par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la Tunisie est loin d'être un Etat-providence et encore moins un «paradis fiscal» comme le suggèrent souvent les rapports publiés périodiquement par les bailleurs de fonds internationaux, dont le Fonds monétaire international et la Banque mondiale. Selon cette étude, la Tunisie est le pays africain qui présente le niveau d'imposition le plus élevé. L'étude a concerné les huit pays africains qui fournissement des informations fiables sur leurs recettes publiques depuis l'an 2000: Tunisie, Maroc, Afrique du Sud, Sénégal, Côte d'Ivoire, Ile Maurice, Rwanda et Cameroun. Avec des recettes fiscales totales représentant 31,3% du produit intérieur brut (PIB), la Tunisie est le pays africain ayant engrangé le plus de recettes fiscales en 2014, dernière année pour lesquelles les statistiques sont disponibles dans tous les pays étudiés. Le Maroc arrive en deuxième position avec des recettes fiscales représentant 28,5% du PIB, devant l'Afrique du Sud (27,8% du PIB). Le Cameroun et le Rwanda sont les pays africains dont les recettes fiscales totales sont les moins élevées avec 16,1% du PIB collecté pour chaque pays. Autre chiffre très révélateur: la Tunisie est le pays dont le niveau d'imposition en pourcentage du PIB a le plus progressé sur la période 2000-2014, avec une augmentation de près de 7%. Les impôts sur le revenu, bénéfices et gains en capital représentent 9,9% du PIB de la Tunisie. Dans ce chapitre, la Tunisie se classe derrière l'Afrique du Sud (14,3% du PIB) mais devant le Maroc (8,3% du PIB). La Côte d'Ivoire et l'Île Maurice sont les pays qui ont perçu le moins de revenus avec respectivement 4,2% du PIB et 4,8% du PIB prélevés. Mais dans le cas de la Tunisie, ce pourcentage cache de fortes disparités entre les salariés d'un côté et les sociétés et les détenteurs de capitaux de l'autre. Les impôts payés par les personnes physiques, dont la majeure partie est prélevés sur les salaires, ont atteint 4096 millions de dinars en 2014 alors que les divers impôts acquittés par les sociétés ne représentent que 3895 millions de dinars durant la même année. Les impôts versés à l'Etat à titre de gains en capital se sont, quant à eux limités, à 38 millions de dinars. La Tunisie est aussi l'un des trois pays ayant prélevé le moins de revenus à travers les impôts sur le patrimoine et les opérations de patrimoine. Avec seulement 0,3% du PIB perçu, la Tunisie se positionne bien loin du Maroc (1,9% du PIB) et de l'Afrique du Sud (1,9%). Les prélèvements sociaux (cotisations de sécurité sociale) représentent, d'autre part, 8,6% du PIB. Dans ce chapitre, la Tunisie est aussi la championne africaine, devant le Maroc (5,9% du PIB) et la Côte d'Ivoire (2% du PIB). Les pays ayant générés le moins de revenus à travers les cotisations de sécurité sociale sont le Cameroun (0,9% du PIB) et l'Afrique du Sud (0,4%). Sur un autre plan, les impôts acquittés par les employeurs, les salariés et les travailleurs indépendants qui ne sont pas affectés aux dépenses de sécurité sociale ont représenté 0,4% de son PIB, soit le même pourcentage que la moyenne des pays de l'OCDE. Les impôts sur les biens et services, qui incluent notamment les taxes sur la valeur ajoutée (TVA), ont représenté 11,3% du PIB en revenus générés. Dans ce chapitre, la Tunisie arrive derrière le Maroc (11,9%) mais devant le Rwanda (9% du PIB), le Cameroun et la Côte d'Ivoire. Le fait que les salariés supportent la plus grosse part du fardeau fiscal en Tunisie s'explique essentiellement, selon les experts, par l'évasion fiscale pratiquée à large échelle par les personnes fortunées et les entreprises. Selon les données de l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), le manque à gagner lié à l'évasion fiscale est estimé chaque année à entre 5000 et 7000 millions de dinars, soit un montant équivalent aux emprunts extérieurs servant à couvrir le déficit budgétaire.