Les opérations de diversion constituent un stratagème connu et vieux comme la nuit des temps. D'ailleurs, les plus grands chefs militaires continuent d'y avoir recours jusqu'à nos jours dans la mesure où cette tactique, si elle est scrupuleusement appliquée, s'avère toujours payante et gagnante. A titre d'un bref rappel, une opération de diversion, dans le jargon militaire, consiste à lancer une attaque de très petite envergure pour accaparer l'attention de l'ennemi, alors que la véritable offensive se prépare et s'installe complètement ailleurs. C'est donc en s'inspirant de ces subterfuges que les politiciens créent des situations et font semblant de focaliser l'intérêt sur un thème bien déterminé pour détourner l'attention du vrai objectif qu'ils veulent atteindre. Dans ce contexte, on citera plusieurs opérations que l'on peut soupçonner comme étant de diversion, sachant que toutes les polémiques engagées, comme par hasard, touchent à des sujets portant sur des questions d'ordre moral et religieux. Cela va de la controverse sur l'homosexualité et l'homophobie à l'instauration de l'égalité dans l'héritage entre homme et femme en passant par ce fameux dossier des Panama papers. Quant aux véritables dossiers qu'on veut passer à l'ombre de ces polémiques artificielles, on citera cette affaire de mémorisation du Coran dans les Ecoles de la République durant les vacances d'été, la constitutionnalisation du fonds de la zakat et la réconciliation nationale globale, surtout dans son volet concernant les indemnisations et les compensations à servir aux amnistiés, notamment les islamistes d'Ennahdha. Concernant cette polémique sur l'homosexualité, force est de constater que cette fois-ci, il n'y avait pas d'événement factuel majeur pouvant justifier cette campagne de dénigrement et de haine envers les homosexuels. Des passages à l'émission « Klem Ennas » où un acteur, Ahmed Landolsi, puis du chanteur populaire, Walid Ettounsi, ont suffi pour mettre le feu chez l'opinion publique. Du coup les voix se sont déchaînées pour dénoncer « ces Tunisiens » allant jusqu'à nier leur droit à l'existence, mais très nombreux étaient ceux qui, comble de l'aberration, ont appelé à leur interdiction des lieux publics comme les magasins, les restaurants, les cafés, etc. En même temps, les rares personnes qui prenaient leur défense, se sont vues carrément lynchées moralement et verbalement tout en les menaçant d'agressions physiques, tel le cas de l'universitaire et écrivaine, Neila Sellini, qui a évité le pire dans les locaux d'une radio de la place par une personne, apparemment étrangère à ce média audio. L'annonce, à grand fracas, du passage d'un citoyen homosexuel à une autre émission de la même chaîne TV, Al Hiwar Ettounsi, en l'occurrence « Andi mé n'qollek », a fini par mettre le feu aux poudres, et le passage a fini par être censuré et, carrément, supprimé. Mais entretemps, ladite chaîne et certains de ses journalistes ont é été la cible d'une vaste campagne très dangereuse à travers les réseaux sur facebook allant des propos malsains jusqu'aux menaces directes d'agressions. On ne peut pas passer sous silence cette diatribe d'un imam à Sfax, où Ridha Jouadi semble avoir fait de solides disciples, qui a appelé à l'exécution, pure et simple, des homosexuels. On notera, également, l'absence de toute réaction officielle ou de la part du ministère public à l'égard de cet imam dont les propos peuvent avoir les pires conséquences. Deuxième affaire, la plus récente, est celle de l'initiative lancée par le député, Mehdi Ben Gharbia concernant un projet de loi prônant l'égalité entre l'homme et la femme en matière d'héritage. Il s'agit là d'une proposition qui revenait, timidement, sur la scène. Même si l'idée mérite d'être posée et discutée, la question qui se pose est la suivante : la prise de cette initiative a-t-elle lieu en temps opportun ? Le timing est judicieux ou mal choisi ? En tous les cas, les députés du Front populaire ont dit tout haut que le timing n'est pas approprié et leurs élus on décidé de retirer leurs signatures de la pétition. Franchement, on aurait bien aimé avoir l'avis de l'initiateur du projet, M. Ben Gharbia sur ce point précis du choix du temps, sachant qu'il a promis d'en parler lors d'une conférence de presse programmée pour le 9 mai courant. Faut-il rappeler que le Leader Habib Bourguiba, auteur de nombreuses initiatives progressistes, avant-gardistes et audacieuses, avait évité de toucher à ce volet de l'héritage. Et toute sa vie durant, il avait refusé de s'y impliquer. Et même si un jour ou l'autre, il faut soulever la question, une unanimité ou presque, semble se dégager quant au mauvais choix de la conjoncture. Et bien entendu, il y a ce dossier du Panama papers, qui s'est avéré, jusqu'à présent, une vraie bulle sans contenu solide pouvant condamner sérieusement les personnes « impliquées ». Les vraies affaires qu'on voudrait faire passer, on retrouvera cette question de mémorisation du Coran dans les Ecoles de la République qui, en d'autres conjonctures, aurait suscité un large débat et ne serait pas passée aussi rapidement sans en évoquer les modalités. En effet, qui dit que ce sont les enseignants du ministère de l'Education qui se chargeront de dispenser ces cours ? Pourtant, tout indique qu'on aura des personnes venant d'une telle ou autre mosquée et, probablement, des salafistes qui ne diront pas leurs noms pour s'acquitter de cette tâche dont on ne décèle pas l'utilité et le pourquoi de sont instauration. On mentionnera ensuite cette décision de constitutionnaliser le fonds de la zakat que tous les financiers du pays redoutent les effets, l'éminent expert, Mustapha Kamel Nabli allant jusqu'à mettre en garde conte cette manie de généraliser la finance islamique dans le pays. Quant au troisième point auquel semblent tenir Ennahdha et ses dirigeants est la mise en œuvre d'une réconciliation nationale globale permettant surtout une compensation conséquente aux bénéficiaires de l'amnistie générale dont la majorité écrasante appartient, comme tout le monde le sait, au mouvement islamiste. Voilà, probablement, les véritables enjeux des incidents créés gratuitement et les polémiques qui s'en sont suivies inévitablement. Il fallait faire occuper l'opinion publique par des questions, en apparence, de grande importance. Et il ne s'agit, sûrement pas, d'une théorie de complot comme se plaisent à le dire certains, mais d'une stratégie réelle et d'une tactique machiavélique utilisée par des chefs chevronnés en vue d'atteindre leurs objectifs. Et ils sont sur le point d'y parvenir !...