L'actualité nationale a été dominée, hier, par les réactions enregistrées par les différents partis politiques, les organisations nationales et plusieurs personnalités dont notamment celles faisant partie du staff du Palais de Carthage et du Palais du Gouvernement à La Kasbah à l'initiative annoncée, jeudi soir par le président de la République sur la chaîne de télévision nationale 1, concernant la mise en place d'un gouvernement d'union nationale. Le premier point à relever, et il est de taille, est que toutes les parties affirment ne pas en avoir été informées à l'avance. Autrement dit, le chef de l'Etat aurait mijoté sa proposition en solo ou avec son équipe restreinte de conseillers au Palais présidentiel. Pourquoi ? De deux choses l'une. Ou bien, le chef de l'Etat voulait bénéficier de l'effet de surprise qui pourrait être avantageux en faveur de l'initiative. Ou alors, il voulait éviter les fuites avec ce que cela pourrait provoquer comme tiraillements et controverses avant même son annonce. Deuxième point, la première impression qui se dégage des avis exprimés est que toutes les parties ou presque – y compris l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) – indiquent qu'elles accueillent favorablement ladite initiative et qu'elle est bonne en soi, mais nombreuses sont les voix qui refusent de participer Commençons par le commencement, en l'occurrence le gouvernement de Habib Essid. En effet, accordant, tôt hier matin une interview à Wassim Ben Larbi lors de l'émission « Expresso » sur les ondes de Radio Express Fm, le chef du gouvernement a affirmé en substance : « si l'intérêt du pays nous dicte de partir, nous partirons ». Pressé de questions, il a ajouté : «Ce ne sera pas la fin du monde si Habib Essid démissionnait [...] personne n'est indispensable!». Revenant à l'initiative présidentielle, en elle-même, le chef du gouvernement a tenu à mentionner que les prérogatives du président de la République, telles que stipulées par la Constitution, lui permettent de lancer ce type de propositions avant de préciser qu'une réunion est prévue, pour lundi prochain, afin de débattre de cette initiative avec le chef de l'Etat. Ensuite, il y a eu la réaction de Houcine Abbassi, secrétaire général de la Centrale syndicale, logiquement, première concernée par la proposition de BCE. En effet, dans l'état actuel des choses, si l'UGTT ne participait pas audit gouvernement d'union nationale, ce dernier n'aurait aucune chance d'aboutir, ni même aucune raison d'être. Or, M. Abbassi, reçu hier par Béji Caïd Essebsi, a été clair : «la centrale syndicale soutient l'idée du Président de la République, mais sa participation audit gouvernement n'était pas possible. Et d'expliciter :« dans le cadre d'un large consensus, l'UGTT considère que ce genre d'initiative concernait les partis politiques et non les organisations et que la centrale syndicale a toujours préféré ne pas participer aux différents gouvernements... ». La présidente de l'autre grande organisation nationale, à savoir Wided Bouchammaoui, présidente de l'Union tunisienne pour l'industrie, le commerce et l'artisanat (UTICA), a déclaré, hier que le bureau exécutif de la Centrale patronale prendra la décision de participer ou non au gouvernement d'union nationale, objet de l'initiative du président de la République. Mais elle annonce, d'ores et déjà, que l'organisation des patrons soutiendra toute initiative d'union nationale tout en se félicitant du fait que l'UTICA ait été sollicitée dans cette initiative, ce qui signifie une marque de confiance. Et de conclure qu'étant donné la situation prévalant dans le pays, il fallait « s'unir autour d'un programme social et économique commun » Du côté du Palais de Carthage, Moez Sinaoui, porte parole officiel de la présidence de la République a précisé que l'initiative de Béji Caïd Essebsi est le résultat des consultations et des rencontres qu'il avait organisées au cours des dernières semaines avec les différentes personnalités nationales. Et d'ajouter qu'elle bénéficiait de l'accord du chef du Gouvernement, Habib Essid, qui rencontrera le président de la République dans la matinée du lundi 6 juin 2016 pour discuter avec lui des détails de cette initiative. Entre temps, le président de la République va rencontrer plusieurs personnalités au cours des trois jours à venir et poursuivra les concertations après sa rencontre avec le chef du Gouvernement. Pour sa part, le conseiller à la présidence de la République, Noureddine Ben Ticha est revenu sur les déclarations de Ridha Belhaj de Nidaa Tounès considérant l'initiative du président de la République comme étant manquant d'étude préalable et qu'elle peut perturber l'action gouvernementale. « La présidence de la République ne répond pas aux réactions des politiciens », a-t-il précisé. Quant au coordinateur général de Machrou Tounes, Mohsen Marzouk, il indique que le gouvernement proposé semble être plutôt d'unité sociale qui aura pour principal objectif, la recherche de solutions aux problèmes sociaux auxquels fait face le pays. Mohsen Marzouk a, par ailleurs, précisé que Machrou Tounes n'est pas concerné par la formation éventuelle du prochain gouvernement et ne tient pas à l'intégrer, avant de conclure que BCE a eu le courage de reconnaître l'existence d'une crise au niveau du pouvoir et qu'il faut changer certaines choses pour y remédier. La réaction la plus étonnante est parvenue, selon les analystes, du parti Afek Tounès dont le leader et membre du gouvernement, Yacine Brahim, affirme qu'il ne peut pas s'exprimer sur une initiative tant qu'il n'en connaît pas ses détails. Il a tenu à préciser, toutefois, que « si ce gouvernement représentait une vraie alliance entre Nidaa Tounes et le Mouvement Ennahdha, alors son parti ne peut pas, alors, l'accepter et n'y participera pas » Explicitant la position d'Ennahdha, Lajmi Lourimi, chargé de la communication, a déclaré que le mouvement n'a pas été informé de l'initiative de Béji Caïd Essebsi et que « les bureaux politique et exécutif se réuniront prochainement afin de prendre une position à cet effet ». M. Lourimi a tenu à rappeler qu'Ennahdha avait déjà proposé une initiative proche de celle du président de la République, après les élections de 2014. Une réaction drôle, et à la limite du loufoque, est celle émanant de Hachemi El Hamdi qui, dans son pur style populiste, offre ses services pour assumer la responsabilité de former le prochain gouvernement d'union nationale. Dans un enregistrement audio-vidéo rendu public sur sa page Facebook, il demande même à BCE de l'appeler à son numéro de téléphone pour le rencontrer et discuter avec lui des détails de cette mission ! Comme on le constate, l'initiative de Béji Caïd Essebsi a suscité des réactions diverses entre ceux qui la soutiennent et ceux qui la récusent. Et la question qui se pose est la suivante : la proposition réussira t-elle ou non ? Aura-t-elle des chances d'aboutir avec les tractations qui vont avoir lieu dans les jours à venir ou s'agit-il d'une initiative mort-née, comme le pronostiquent certains ?