La Tunisie régresse, à tous les points de vue et sur tous les plans, et depuis que les religieux nahdhaouis se sont mêlés des affaires du pays, s'immisçant dans les centres névralgiques de décision et dans l'administration du pays, tout croule. Il n'y a pas de miracle. Le constat est, le moins qu'on puisse dire, affligeant. Grave crise économique historique. Tous les secteurs vitaux de la société sont contaminés, crise des hôpitaux, crise de l'éducation, crise de la jeunesse, bref, grave crise sociétale. Comment expliquer sinon ce conflit tribal entre clans opposés à Kébili et à Douz et cette inqualifiable séparation entre élèves de Kalaa et de Douz, candidats au baccalauréat ? On en est réduit, en l'absence de rapports civilisés entre citoyens, à s'entretuer entre voisins, musulmans, compatriotes, que rien ne sépare en principe. Je n'ai pas la souvenance d'une telle gabegie, d'un tel désordre, dans notre pays, même à la fin du règne beylical, sous le protectorat français. L'autre jour, on passait à la télévision un reportage sur le premier jour de l'épreuve du baccalauréat, l'attroupement devant le lycée suggère davantage un établissement scolaire à Kandahar qu'un lycée bien de chez-nous, des filles candidates, arborant le foulard islamique et longues tuniques, des mères niqabées, une sorte de cour des miracles. Il fallait se frotter bien les yeux pour réaliser qu'on n'est pas en Afghanistan. Qu'est ce qui nous arrive ? Pourquoi ce reniement de soi ? Ce refus de notre identité ? Cet élan vers une société esclavagiste! Un véritable anéantissement de l'être où la raison s'effaçant abruptement, cède le terrain à l'aveuglement et aux préjugés. C'est ce qui permet aux prédicateurs frères musulmans, nahdhaouis et leurs imams et autres cheikhs d'expédier nos enfants pour se faire massacrer en Syrie. J'aimerais qu'un jour, ils m'éclairent sur ce ‘djihad'. Mais de quel ‘djihad' s'agit-il ?contre quel ‘Satan' ? Toutefois ils profitent du désarroi des crédules, qu'ils manipulent à coups d'arguments dogmatiques, de démagogie, de corruption généralisée, invoquant, au passage, la sacralité d'où proviennent les affirmations qu'ils proposent à la croyance et ainsi mutiler les esprits, les maintenant sous leur superstitieuse domination. Leur but : garder une bonne partie du peuple en état de minorité, dans l'obscurité. Que faire ? Vous me diriez d'emblée que c'est une affaire culturelle où l'éducation a une part déterminante ; c'est l'affaire de l'Etat, présent à travers ses institutions culturelles, éducatives, sociales, sportives .C'est vrai, mais comme l'Etat se fait absent par manque d'idées et de compétence, cela nous concerne tous, et c'est l'affaire de chacun, organiquement. Comment ? En écrivant, en parlant partout où c'est possible, en agissant. Suscitons un espace public d'échange, de dialogue, de réflexion critique... Pour un usage public et citoyen de la raison ! Il faut vaincre le despotisme spirituel régnant des obscurantistes nahdhaouis-wahhabites-ansaristes-tahriristes, sous quelque couleur qu'il paraisse. Un petit détour du côté du Théâtre National, ou plutôt du côté du Jeune théâtre national, j'ai assisté à la dernière séance de lecture publique de la saison. Au programme, des morceaux choisis de Shakespeare. Je le dis tout de suite, j'en suis sorti absolument interloqué. Une séance si ennuyeuse, si poussive, où des élèves comédiens lisant besogneusement des morceaux choisis hâtivement, sans à-propos, ne dominant absolument pas leur sujet, avec des voix, pour la plupart, mal-posées. Pas d'émotion, ni de chaleur, ni d'humanité, dirait, du coup, un certain Hamlet dans son fameux discours pour les comédiens. Discours qui n'a pas été suivi à la lettre par ces jeunes apprentis. Louis Jouvet un grand homme de théâtre français d'entre les deux guerres, grand pédagogue, lors d'un cours d'art dramatique, une élève figée par le trac lui demande : « Maître que faire ? Et Jouvet de répliquer : « mon petit, regarde le lustre et articule ». Pour la constitution d'un espace public nous avons, aussi, besoin d'un théâtre national qui soit intervenant, même à travers des séances qui paraissent, faussement, anodines, telles ses séances de lecture publique. Une belle démarche à vrai dire, car nous avons besoin de penser et de nous émouvoir en commun, sinon on aurait la mauvaise impression de perdre son temps. Pourquoi ? Alors que, comme chacun sait, la vie est courte, et surtout, pas toujours enthousiasmante ni gaie, sans omettre que le Théâtre National vient de nous émerveiller avec sa dernière production « Violence-s- », je profite pour conseiller à tous ceux qui ne l'ont pas encore vue de courir voir la pièce, ils apprendront beaucoup sur nous et sur notre monde d'aujourd'hui et même celui de demain. M.K.