" J'ai appris à ne jamais tarir le puits de mon inspiration, à toujours m'arrêter quand il restait un peu d'eau au fond et à laisser la source le remplir pendant la nuit" Ernest Hemingway Le puits du Saf-Saf livra son message, généreusement, révéla les mots de mille auteurs, pensées épinglées par des mains errantes, belles citations partagées, essaimées comme cailloux d'un conte merveilleux pour retrouver le chemin perdu par un maléfice. Est-ce la magie de cette eau désaltérante, coulant par enchantement ou, tapie au fond, tout près d'une source miraculeuse qui a réuni tous ces créateurs venus investir ce lieu mythique et y exposer leurs œuvres ? L'art quitte les galeries et vient à tous ceux qui le vénèrent. C'est ce concept, appelé à se multiplier, qui fera de la cité le cœur battant de la création et de l'innovation. Une pléiade d'artistes exposent leurs œuvres parmi lesquels Ghalia Khadhar dont les toiles sont reconnaissables à sa touche toute personnelle. L'artiste revisite l'architecture traditionnelle de la Médina et lui donne une lumière toute particulière. Un style sobre qui nous ferait penser à l'art moderne épuré tel ce détail architectural du mausolée de Sidi Mehrez, tout éclaboussé de couleurs lumineuses. Ghalia Khadhar a le secret de la lumière qu'elle diffuse avec délice sur ses toiles. Elle a plongé sa palette dans l'eau limpide du puits pour en extraire sa lumière et l'a jetée sur ses paysages et ses personnages. Tout semble rayonner. Le calligraphe Tarek Abid lâche un vol de mots échappés de son calame. Dans le tourbillon du cercle, le verbe aérien, léger, en plein élan, traverse le firmament, se libère du cercle et plane. Le cercle concentre l'alphabet car il est source du verbe, son commencement et sa fin. Il est quintessence des mots, leur élan vital. Quand les mots brisent l'enfermement, se libèrent de l'emprise du fermé, c'est telle une houle qu'ils jaillissent avec cette force que, seul, le mot possède. Un jaillissement phénoménal, trépidant dit la vie, sa force et son cri qui prolonge le signe et l'inscrit dans l'éternité. Jaillissement de couleurs, un arc-en-ciel déploie toute la palette dans la multiplicité des nuances. Tout est signe pour celui qui sait le déchiffrer, l'interpréter, le sentir et s'en émouvoir, le saisir et s'en imprégner. Meriem Kallel tisse ses signes sur grand format. Toiles gigantesques rivalisent avec le lieu, définissent espace et territoire. La minutie de certains détails est mise en valeur par les dimensions de la toile. L'infiniment grand et l'infiniment petit se jouxtent, se marient et engendrent l'harmonie. Chawki Lahmar met de la faïence au cœur de ses tableaux, l'intègre à la peinture, l'assimile si bien que l'effet en est saisissant. Finesse des formes, délicatesse des signes sont révélées par cette technique du collage qui donne le plus bel effet et sied si bien à ce lieu mythique. D'autres artistes, d'autres découvertes, des talents multiples pour une manifestation originale, appelée à se renouveler pour que l'art se libère un peu des galeries et des musées et occupe la cité, investisse les lieux de vie, se donne à voir, à apprécier, interroge, émeut, révèle autrement un lieu. Le puits du Saf-Saf n'a pas fini de nous intriguer et de nous révéler ses secrets.