La célébration de la journée mondiale de lutte contre les toxicomanies, vendredi 24 juin, à Dar Lasram, dans la vielle ville de Tunis, a permis de montrer que le nombre des toxicomanes qui font usage des drogues injectables et se piquent en Tunisie est grand et crée un véritable problème de santé publique. D'après le directeur de l'Association tunisienne de lutte contre les maladies sexuellement transmissibles et le SIDA, quelque 22 mille sujets parmi la population des toxicomanes en Tunisie, sont des consommateurs de drogues injectables et se shootent en Tunisie, comme on dit dans le jargon de ce milieu. Il a signalé que 15 mille de ces usagers des drogues injectables vivent dans la région du Grand Tunis, tandis que la drogue qu'ils s'injectent est essentiellement le subutex, un substitut médical de l'héroïne. Les quelques 7 mille autres consommateurs des drogues injectables se rencontrent dans les autres régions du pays et font usage notamment de l'héroïne, spécialement dans le Sud. Outre le danger indéniable des drogues et des stupéfiants pour la santé individuelle et publique, la manière de les consommer en s'injectant comporte des risques supplémentaires pour le sujet et son environnement. En effet, ce genre d'utilisation favorise la transmission de diverses maladies comme les hépatites virales A, B et C, le SIDA, et autres pathologies, en raison du partage des seringues et des aiguilles le plus souvent souillées, sans parler du fait que le sujet est constamment guetté par des accidents mortels à cause des overdoses. D'après les chiffres de l'ONU, environ 16 millions de personnes s'injectent régulièrement des drogues dans le monde, tandis que des programmes onusiens ont été initiés pour atténuer les effets négatifs du phénomène. Dans ce cadre et avec le soutien de ces programmes onusiens et autres, l'Association tunisienne de lutte contre les maladies sexuellement transmissibles et le SIDA a procédé à l'ouverture de 7 centres d'accompagnement des toxicomanes faisant usage des drogues injectables, dans certains gouvernorats du pays, parmi lesquels 2 centres à Tunis dont l'un ouvert récemment est consacré aux femmes. Le psychologue du centre de Tunis, Ramzi Latifi, a indiqué que l'action de ces établissements d'accompagnement vise à réduire les risques auxquels font face les toxicomanes ciblés, en les accueillant dans ces centres, toute la journée de 9 heures du matin à 17 heures. Ils leur offrent un paquet de services dont la nourriture, outre des activités de loisirs et de sensibilisation, et des seringues individuelles stérilisées, afin de les tenir éloignés de leur contexte initial et les encourager à arrêter de se droguer, sans pourtant les contraindre à le faire. Le but principal est d'amener le drogué à se convaincre de la nécessité de changer de comportent et à arrêter volontairement de se droguer. Pour l'ONU, ces interventions constituent une application pratique des droits de l'Homme. Les centres de l'ALT contre les MST et le SIDA accompagnent quelque 1000 toxicomanes usant de drogues injectables, mais jusqu'à présent, le nombre de ceux ayant arrêté est faible, ne dépassant pas 16 dont certains ont, de cela, près de deux ans et n'ont pas récidivé. A cet égard, Ramzi Latifi a indiqué que son association n'utilise pas les substances alternatives et les substituts aux drogues pour aider les toxicomanes à arrêter, car avec cette méthode, le retour est très fréquent comme le montre le cas des centres d'autres associations qui y ont recours, notamment à Sfax, où le taux de retour atteint 100%. Aussi, la secrétaire générale de l'Association tunisienne d'addictologie (médecine des addictions), Dr Haïfa Zalila a mis l'accent sur la nécessité d'unifier les méthodes et les protocoles de traitement et d'accompagnement des toxicomanes, en Tunisie, au niveau tant des hôpitaux publics que des centres d'accompagnement relevant des ONG, en prévision de l'adoption de la nouvelle loi relative aux stupéfiants soumise à l'Assemblée des représentants du peuple et axée sur une approche plus souple de la toxicomanie, par rapport à la loi en vigueur axée sur la répression et à la punition quasi systématiques. Elle a noté que la nouvelle loi donne, sous certaines conditions, aux drogués l'occasion de se faire soigner sans être poursuivis en justice, lorsqu'ils sollicitent un traitement de leur propre gré.