Engagée sous l'ancien régime pour soi disant améliorer les conditions de baignade dans les plages publiques au profit de la grande masse des estivants, l'expérience des « plages aménagées » s'est poursuivie, après la révolution, et pris des proportions alarmantes, en se transformant en une braderie générale des plages publiques en faveur de certains prestataires de services sans foi ni loi. De la plage de la Goulette dans la banlieue nord de Tunis, à celles de Bizerte au nord du pays, et de Hammamet, dans la région du Cap Bon, en passant par les plages de Borj Cedria et de Soliman, un peu au sud de la capitale, et plusieurs autres, encore, ces prestataires de services se sont érigés en véritables occupants des plages publiques où ils sont autorisés à opérer, s'y comportant comme si ces plages étaient leurs propriétés privées et y imposant, sans vergogne, leur volonté aux estivants et baigneurs. Ils les obligent pratiquement à louer auprès d'eux des tables, des chaises et des parasols pour pouvoir s'installer sur la plage et se baigner, moyennant un prix fort qui varie entre 10 dinars et 40 dinars, la table et ses accessoires, selon la plage. Comment feraient, dans de telles conditions, des estivants de milieux modestes, comme ceux qui fréquentent la plage de la Goulette, par exemple ? Lorsqu'on leur fait la remarque, les municipalités concernées dont ces prestataires de services ne sont que des sous traitants, se contentent de crier aux abus et aux dépassements des contrats de « fermage » conclus avec lesdits prestataires de services et vous avouent, ouvertement, qu'il y a des dépassements qu'elles essaient de combattre, en vain. Il s'agit, en effet, de contrats de fermage consistant à autoriser ces prestataires à exploiter les plages publiques concernées, moyennant une redevance, en s'engageant à les aménager, c'est-à-dire en les dotant des équipements propres à améliorer les conditions de baignade au profit des estivants, comme l'installation de parasols, de douches, de toilettes, la fourniture de boissons, de sandwiches, mais à des prix étudiés et modérés. L'intention est, peut être, bonne, cependant, le résultat a été totalement le contraire de ce qu'on projetait. Au début de l'expérience et parallèlement à des opérations menées par des privés, certaines municipalités ont pris en charge l'aménagement des plages situées dans leur périmètre communal, sans demander de contrepartie aux estivants et baigneurs, ce qui constitue la meilleure formule qu'on aurait dû renforcer, puis les choses ont évolué vers cette braderie générale des plages publiques à laquelle nous assistons actuellement. Le pire est qu' outre les plages publiques, cette braderie a touché les trottoirs qui, dans beaucoup de municipalités, sont cédés par des contrats de fermage similaires, aux restaurants et cafés riverains, au détriment des piétons et des passants qui ne savent plus comment circuler et se déplacer, à leur aise.