La triste Bataille de Bizerte, qui avait eu lieu du 19 au 22 juillet 1961, avait fortement influencé nos poètes, nos compositeurs et nos chanteurs qui s'y étaient réquisitionnés à l'époque et s'étaient « enfermés » dans les locaux de la radio nationale pour enregistrer, jour et nuit, des chansons patriotiques et des hymnes qui étaient écrits sur le vif à la gloire de la ville martyre et de la Tunisie. Le sang avait fortement coulé et l'on ne comptait plus les morts et les blessés. Une bataille décisive où l'armée, la Garde nationale et les Tunisiens, toutes couches sociales confondues, avaient répondu à l'appel de Bourguiba pour accomplir un devoir national, celui de préserver et de sauver la ville de Bizerte. Mais le Général De Gaulle avait ordonné de « frapper vite et fort. » Le bilan inimaginable était une défaite cuisante pour le bon peuple tunisien qui demeurait debout. A travers la chanson, le peuple tunisien essayait d'oublier, de chanter tout de même les larmes aux yeux pour vaincre? Mais pour oublier cet épisode sinistre de son histoire. Entre deux chansons, les reporters sur place retransmettaient tristement les détails de cette bataille. Les œuvres ne se comptaient plus, à l'image des martyrs tombés et des blessés. Les septuagénaires d'aujourd'hui, enfants à cette époque, s'en rappellent encore et parfaitement. Le célébrissime chant patriotique « Béni watani » (Enfants de ma patrie) écrit par Abdelmajid Ben Jeddou, composé par Chedly Anouar et chanté par Oulaya, devenait-il et en langage radiophonique l'« indicatif » de cette bataille ? Il est vrai qu'il demeure un chef-d'œuvre à ce jour. D'autres titres avaient émergé comme « Binzart rahi lina » (Bizerte est à nous), « Akamna lil hima haddan », chantées par la chorale de la radio. Et la liste est encore longue. Mais où sont passées toutes ces chansons aujourd'hui ? Pas à la radio! Seule « Béni watani » a été retenue dans ses versions radiophonique et télévisée. Le reste a-t-il été oublié ? Censuré ? Ou classé de basse facture ? Nos chers animateurs et autres programmateurs devraient oser ouvrir les archives de la phonothèque de la radio pour raconter aux nouvelles générations et à travers ce legs musical des détails de cette terrible « Guerre à Bizerte », comme le titrait le quotidien journal « La Presse. » Traces et mémoire L'ensemble des chansons composées durant la Bataille de Bizerte, ne pourraient-elles pas être défrichées et renaître ainsi de leurs cendres. Elles pourraient être présentées dans un spectacle spécial pour écouter l'histoire d'une guerre à travers la chanson. Cette chanson qui ne devrait point être occultée aujourd'hui après la Révolution. Et pour l'anecdote, la Télévision tunisienne n'a pas organisé un spectacle musical la veille de la fête de l'Evacuation de Bizerte comme elle le faisait depuis des décades.