La polémique autour du projet de Loi des finances 2017 (PLF) continue à faire rage à tous les niveaux, notamment chez l'Union générale tunisienne du travail (UGTT), l'Union tunisienne pour l'industrie, le commerce et l'artisanat (UTICA) et bien d'autres professions libérales, mais en l'absence totale, ou presque, des partis politiques signataires de l'Accord de Carthage. En effet, les observateurs relèvent, avec grand étonnement, l'absence de toute implication des formations politiques faisant partie du gouvernement d'union nationale dans le débat sur cette épineuse question. Pis encore, on n'a enregistré aucune réaction de la part des dirigeants des partis dans un sens comme dans l'autre quant au bras de fer engagé entre les syndicats et le gouvernement. Pourtant, la logique veut que ces partis se positionnent en faveur du gouvernement auquel ils ont accordé leur vote de confiance. Mais rien de cela n'a eu lieu dans le sens où le cabinet de Youssef Chahed s'est retrouvé en solitaire face aux feux de la rampe qui fusaient et fusent encore de toutes parts rejetant ledit projet de loi. A part le Front populaire qui a exprimé, dès le départ, son refus du projet déposé par le gouvernement à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), une réaction tardive a été enregistrée de la part de l'Union patriotique libre (UPL) et du Mouvement du projet de Tunisie, une réaction à placer dans le camp opposé à celui du gouvernement qu'ils soutiennent. Slim Riahi, président de l'UPL a été clair, franc et direct en affirmant que son parti ne votera pas l'adoption du projet de loi des finances lors de la plénière de l'ARP. « Tel qu'il est élaboré et présenté, nous ne voterons pas ce projet de loi », a-t-il martelé en substance lors de son passage, hier sur le plateau d'une radio de la place. Il reproche au gouvernement d'avoir préparé le projet de loi en catimini sans la moindre concertation avec les diverses parties concernées. « Le gouvernement est en train d'agir n'importe comment et risque d'échouer dans sa mission dont les objectifs ont été clairement définis dans l'Accord de Carthage », a-t-il relevé. D'ailleurs, il a rendu visite au secrétaire général de la Centrale syndicale pour faire le point avec lui sur ce projet de loi tout en l'assurant du soutien de son parti dans sa position de refus de la proposition gouvernementale. « Ce n'est pas aux travailleurs de supporter seuls le fardeau de la crise sociale et économique », a-t-il indiqué avant de mettre l'accent sur son refus de la clause portant sur la levée du secret bancaire. Un autre parti, celui de Machrou3 Tounès a fini, lui aussi, par s'impliquer en rendant visite à Houcine Abbassi pour un échange des points de vue quant à la faisabilité de ce fameux projet de loi de finances, sachant que Machrou3 Tounès laisse entendre le même refus dudit projet dans sa formule actuelle. D'autre part, on attend encore l'annonce des résultats de la réunion tenue par les représentants des partis dont des dirigeants font partie du gouvernement d'union nationale pour être fixés sur l'attitude adoptée face à la crise actuelle et sur leur position vis-à-vis du gouvernement. Une position définitive des uns et des autres est bonne à savoir surtout que le gouvernement se trouve, désormais, dans une situation trop délicate face aux menaces d'escalade annoncées ou voilées. Faut-il rappeler que tout en se disant disposée à poursuivre le dialogue pour parvenir à une solution négociée avec le gouvernement d'union nationale sur la question des majorations salariales, l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) a laissée entendre qu'elle était prête, également, à tous les scénarios les plus catastrophiques. Et c'est par le biais du secrétaire général adjoint et porte-parole de la centrale syndicale, Sami Tahri, que l'UGTT révèle avoir fait des propositions, mais que le gouvernement semble se trouver sous influence étrangère, à savoir le Fonds monétaire international (FMI) qui veut s'ingérer dans les décisions politiques nationales. Et d'ajouter que le report des majorations salariales conduirait à l'instabilité sociale et aboutirait à l'effet contraire à celui escompté, d'où la nécessité de trouver cet argent manquant ailleurs que chez les salariés. «Nous demeurons disposés à examiner d'autres propositions, mais nos bases sont mobilisées et elles seront prêtes à suivre les différentes formes d'actions à engager dont notamment la grève générale dans la Fonction publique, les marches dans les rues et les sit-in à l'intérieur ou autour du siège de l'ARP », a-t-il martelé en substance. Pour sa part et abondant dans le même sens, l'autre secrétaire général adjoint de l'UGTT, Belgacem Ayari, a indiqué au cours du week-end, dans des déclarations accordées à des radios de la place, que la centrale syndicale a refusé la proposition du gouvernement d'ajourner, non pas de deux ans comme il était prévu au départ, mais d'un an les majorations salariales au titre de l'année 2015. Il a précisé, à l'issue de la réunion qui s'est tenue au palais de la Kasbah entre les représentants de l'UGTT et le gouvernement, qu'aucun accord n'a pu être trouvé pour l'instant, soulignant que la centrale syndicale a demandé à disposer des données chiffrées sur le budget de l'Etat, en vue de poursuivre les négociations. Ainsi et dans l'état actuel des choses, c'est encore l'impasse qui prévaut laissant envisager, certes de prochaines éclaircies avec de probables accords voire des compromis pour sortir du blocage, mais surtout le pire au cas où l'intransigeance des diverses parties intervenantes reste de mise. En tout état de cause, et selon les analystes, le gouvernement de Youssef Chahed, qui aurait élaboré le projet de loi de finances sans consultations préalables, joue son avenir dans la mesure où si des modifications majeures sont apportées audit projet pour permettre son adoption, ce serait un aveu d'échec et, entraînerait, à plus ou moins longue échéance, la chute du gouvernement. Une hypothèse que le président de l'UPL n'a pas écartée. Et si le projet est maintenu dans sa forme initiale, il serait probablement rejeté par les députés à l'ARP, ce qui conduirait au même résultat en l'occurrence l'échec du cabinet d'union nationale avec toutes les conséquences désastreuses pour le devenir du pays. C'est dire que le jeune chef de gouvernement n'aurait jamais pensé à se retrouver dans une situation aussi délicate dans le sens où il est en train de jouer, à la fois, et son avenir et l'avenir de la Tunisie. Un dilemme que personne ne lui envie...