Le monde a fété samedi ,22 Mars dernier la journée internationale de l'eau . Président de la chambre syndicale des Auditeurs des Systèmes d'eau ; Mr Najeh Bouguerra vient de délivrer à notre journal cette étude pertinente qui traite de la question , combien épineuse de L'Eau. EN voilà le texte de cette réflexion scientifique. En Tunisie les ressources en eau sont limitées et inégalement réparties dans l'espace et dans le temps. Selon l'indicateur de Falkenmark (ressources en eau par habitant par an), les pays ayant une dotation inférieur à 1000 (m3/habitant/an), sont en situation de pauvreté en eau, ceux qui disposent de moins de 500 (m3/habitant/an), révélant une situation qualifiée de pénurie structurelle, parmi ces pays, dans le bassin méditerranéen, l'Algérie, Israël, Libye, Malte, Bande de Gaza et la Tunisie. Les ressources en eau en Tunisie ne sont que de 4865 Millions de m3/an, soit une dotation de 440 (m3/habitant/an). Pire encore, les tensions sur l'eau devraient s'aggraver avec la croissance démographique et les impacts étendues du changement climatique, la dotation en Tunisie sera uniquement de 360 (m3/habitant/an) d'ici 2030. L'eau d'irrigation représente 80% des ressources en eau soit 3892 Millions de m3/an, l'eau potable (consommée par les ménages) est de 14% soit 681 Millions de m3/an, alors que l'eau consommée par les secteurs hôtelier et industriel n'est que de 6%, l'équivalent de 292 Millions de m3/an. Partant du constat que la croissance de l'offre, qui a longtemps constitué la réponse traditionnelle à l'augmentation de la demande, avait atteint ses limites ( la Tunisie a mobilisé la quasi-totalité des ses ressources en eau), la gestion de la demande en eau, constitue la voie permettant les progrès les plus significatifs des politiques de l'eau. Bien que les vagues gisements d'économie d'eau résident au niveau du secteur agricole qui consomme 80% de nos ressources en eau avec une efficience ne dépassant pas 55% sur les réseaux de transport et de distribution de l'eau d'irrigation, la gestion de la demande en eau potable est nettement en avance. Le vrai problème de l'eau est sa disponibilité locale pour l'agriculture, là où augmente la population, dans des zones en déficit hydrique. C'est un conflit permanent entre production agricole et préservation d'écosystèmes naturels et zones humides. L'eau d'irrigation, condition fondamentale de la sécurité alimentaire, devra être l'objet de toutes les attentions. Consciente de la rareté des ressources en eau en Tunisie, la SONEDE a instauré un programme d'économie d'eau potable ambitieux en 2002, axé sur : La formation des auditeurs des systèmes internes d'eau Diagnostics périodiques des systèmes d'eau chez les gros consommateurs. Sensibilisation des usagers à l'importance d'installation des équipements hydro-économe et la réduction du gaspillage d'eau. Amélioration du rendement hydraulique des réseaux d'adduction et de distribution d'eau potable par le comptage et les compagnes de recherche des fuites. Dans l'espace de 10 ans, 500 diagnostics des réseaux de distribution d'eau chez les gros consommateurs ont été effectué, sur l'ensemble de 8000 diagnostics initialement fixé comme objectif. Plusieurs sessions de sensibilisation à l'importance de la rationalisation de la consommation d'eau et à l'importance de l'entretien des équipements sanitaires ont été organisées. Une dizaine des séminaires d'information ont été organisés par la SONEDE pour accélérer le programme national d'économie d'eau. Ce pendant, la gestion de la demande en eau d'irrigation était axé sur la substitution de l'irrigation gravitaire à la parcelle par les méthodes d'irrigation « moderne » tels que l'irrigation localisée (Goutte à Goutte) et l'irrigation par aspersion. L'augmentation du tarif de l'eau d'irrigation était aussi considérée comme étant un outil de la gestion de la demande. En effet, l'augmentation totale des tarifs de l'eau d'irrigation a atteint 400% entre 1990 et 2003, ne laissant plus le choix aux agriculteurs, qu'aller adopter l'irrigation goutte à goutte malgré son coût fortement élevés et leur durée de vie assez courte. Les méthodes d'irrigation « modernes » telles que l'irrigation goutte à goutte et l'irrigation par aspersion sont potentiellement plus efficaces et plus efficients que l'irrigation par déversement, mais une bonne gestion est essentielle pour pouvoir exploiter ce potentiel. Une mauvaise gestion ne peut qu'aboutir à un arrosage inefficience et à un gaspillage de l'eau. Il convient donc avant tout de veiller à la bonne adaptation des équipements à chaque situation, et en particulier à la nature de sol, la qualité de l'eau et au type de culture ainsi qu'aux compétences des agriculteurs en matière de gestion. L'irrigation traditionnelle gravitaire n'est pas toujours synonyme de dégradation car 70% des surfaces agricoles aux états unies sont irrigués par déversement. D'autant plus l'augmentation de tarif de l'eau d'irrigation influe directement sur les marges des bénéfices des petites exploitations qui sont initialement étroites. Dépassant un certain seuil, le coût élevé de l'eau d'irrigation ne peut qu'augmenter les piquages illicites et diminuer le taux de recouvrement des redevances de l'eau. Ces deux outils, tarification de l'eau et méthodes d'irrigation, n'agit que sur l'efficience à la parcelle, mais n'ont aucune influence sur l'efficience des réseaux de transport et de distribution de l'eau d'irrigation. Ce dernier ne peut être amélioré que par le diagnostic périodique des périmètres irrigués, le renforcement du comptage sur les réseaux, le renforcement de l'entretien préventif, les compagnes de recherches des fuites, l'encadrement technique des groupes de développement agricole ...etc.... L'amélioration des compétences des agriculteurs et le renforcement de la vulgarisation permettront non seulement d'améliorer l'efficience de l'eau à la parcelle mais aussi la productivité et les marges de bénéfices. L'efficience de l'eau potable pourra être améliorée par l'installation d'équipements hydro-économes chez les ménages, le renforcement des diagnostics périodiques des systèmes d'eau chez les gros consommateurs et l'intensification des compagnes de recherches des fuites. Partant des hypothèses d'amélioration de l'efficience des réseaux de distribution d'eau dans le bassin méditerranéen, retenues dans le scénario du programme des nations unies pour l'environnement (Plan Bleu) adaptées au contexte Tunisien, les potentiels d'économie d'eau qui peuvent être atteindre sont respectivement : Pour l'eau d'irrigation : réduire la consommation de 20%, soit une économie de 973 Millions de m3/an, l'équivalent de 194 Millions de Dinars /an. Ces quantités d'eau qui peuvent être épargnées pourront irriguer 139000 hectares supplémentaires. D'autres bénéfices peuvent être engendrées, l'amélioration de marges de bénéfice à l'hectare, intensifier l'échange entre universitaires et agriculteurs, améliorer les compétences techniques des agriculteurs, création d'emploi pour des milliers des techniciens et ingénieurs. Pour l'eau potable : réduire la consommation d'eau de 10%, soit une économie de 97 Millions de m3/an, l'équivalent de 97 Millions de dinars/an. Ce potentiel d'économie d'eau peut satisfaire les besoins en eau d'une population de 1 800 000 habitants. L'eau économisée pourra être redistribuée et facturée, être alors source de revenus pour les gestionnaires. Si la demande pouvant être satisfaite, les volumes économisés restent dans le milieu naturel et peuvent être valorisés par d'autres usages à l'amont ou par les milieux aquatiques et les zones humides. Le potentiel de l'économie d'eau en Tunisie est une réalité qui peut être réalisée par une gestion participative et une interactivité de masse entre organismes, usagers, universitaires et secteurs privés.