L'économie a-t-elle besoin d'un dialogue ? Un dialogue économique c'est pourquoi faire ? Peut-on parler d'économie, alors que nous sommes en divergences politiques ? Autant de questions, que je me suis posé depuis l'annonce du dialogue économique organisé par la présidence du gouvernement. Depuis des semaines, les partis politiques représentés à l'ANC, le quartet du dialogue national et l'administration tunisienne, se réunissent pendant des heures pour débattre des thèmes stratégiques pour le pays. Les premiérs prémices font état d'un échec foudroyant, et d'une possibilité de report du dialogue au-delà de la date fixée du 28 Mai, et peut être une annulation pure et simple. Les dessous d'un dialogue de sourds Le gouvernement Jomaa a été investi d'une mission bien précise, celle de la garantie de l'organisation des élections, gérer les affaires courantes jusqu'aux élections, revoir les nominations partisanes, et préparer un environnement favorable pour les élections. Cette mission bien précise dans la feuille de route, semble nécessiter plus qu'une simple gestion courante des affaires, pour aller jusqu'aux décisions stratégiques. Le gouvernement Jomaa, qui a découvert une situation catastrophique de l'économie du pays, s'est trouvé face à des choix douloureux et des enjeux multidimensionnels. Pour sortir le pays de la crise économique dans laquelle le pays s'est trouvé depuis 2011, le gouvernement Jomaa a besoin de penser sur le court et le moyen termes, et de prendre des décisions qui risquent de faire mal et ne pas plaire. Pour un gouvernement qui n'a pas d'ambitions électorales, il a la couverture nécessaire pour assumer ses choix. Mehdi Jomaa a été conseillé par un imminent homme politique, hors du gouvernement actuel, selon nos informations, d'organiser un dialogue économique à l'instar du dialogue politique porté par le quartet. Ce dialogue est considéré comme une couverture politique des décisions douloureuses qu'aura à prendre Jomaa lors du reste de son mandat. C'est aussi la recherche d'une légitimité contestée depuis le départ. Or ,depuis son lancement, le dialogue économique national ne soulève que polémique et mécontentement. Le premier à l'avoir fait, c'est l'UGTT qui ne participe pas ou sommairement dans les travaux des commissions, ne voyant pas un intérêt dans ce dialogue, vu qu'il a omis certains sujets importants tels que la réforme fiscale, Le front populaire qui, fidèle à ses habitudes, s'oppose aux décisions préétablies par l'administration, ainsi que l'hégémonie des cadres de l'administration dans les commissions. Il dénonce aussi une volonté de toucher le pouvoir d'achat des Tunisiens, et que c'est lui qui va payer les pots cassés. Certains membres du front populaire participant aux commissions sont même allés vers la divulgation des travaux des commissions, qui sont au stade des propositions et non des décisions finales. Le mardi dernier, le front populaire a décidé de quitter le dialogue national, et boycotter les travaux des commissions. Une décision déjà attendue par les observateurs. Certaines parties politiques trouvent dans ce dialogue une opportunité de chantage entre eux, avec des compromis et un jeu de « donnant-donnant ». D'autres voient que ce dialogue a été dicté par les partenaires de la Tunisie et des bailleurs de fonds, surtout suite aux différentes visites effectuées par Jomaa, pour la France, les Etats Unis et les pays du Golfe. Jomaa a eu certaines instructions qu'il veut mettre en œuvre pour garantir un soutien financier, et sauver son mandat. Face à cette situation, le dialogue semble entrer dans une impasse, et certains parlent de son report, et même de son annulation pure et parfaite.
L'économie a-t-elle besoin d'un dialogue ?
L'économie c'est avant tout de la science. En conditions normales, un dialogue économique serait utile pour dresser les stratégies et les grandes orientations économiques. Mais en période de crise, comme celle que nous vivons actuellement, le dialogue ne serait qu'une perte de temps et de forces. En effet, la situation économique du pays impose certainement des décisions rapides, efficaces et courageuses. Or ces décisions risquent de ne pas plaire à tout le monde. L'économie tunisienne a besoin de sacrifice, mais plusieurs ne sont pas prêts à le faire pour des raisons d'échéances électorales, et de poids dans l'échiquier politique. De sources bien informées au sein des débats dans les commissions du dialogue national, les scénarios proposés ainsi que les chiffres donnés et les programmes proposées découlent du programme présidentiel de Ben Ali, ainsi que les plans de développement. Ce sont les mêmes cadres de l'administration qui ont rédigé des notes, qui font aujourd'hui les propositions pour le dialogue. Il n'y a pas de nouvelles idées, ni de nouveaux projets, parce qu'on parle du même pays. C'est pour cette raison que certains voient dans ce dialogue un passage en force de l'administration et de ces cadres. Le gouvernement Jomaa, qui a eu le temps d'évaluer la situation économique du pays, décide aujourd'hui de passer à l'action, mais malheureusement avec timidité. Cette situation hypothèque la réussite de sa mission. Sur un autre volet, le dialogue économique, s'il aura lieu, débouchera certainement sur des stratégies et des plans d'actions. Est-ce que ce gouvernement aura le temps de les mettre en œuvre, sachant que les élections auront lieu probablement d'ici la fin de l'année ? Si le gouvernement Jomaa, parte du principe qu'il prépare le terrain pour le prochain gouvernement issu des élections, cet éventuel gouvernement acceptera t-il des plans préparés par les autres ? La Tunisie connait un précédent à ce niveau, avec le gouvernement Jebali, qui a mis de côté tous les projets et livres blancs préparés par les membres du gouvernement Caid Sebsi. Nous rappelons au gouvernement Jomaa, que l'économie tunisienne a besoin actuellement de décisions et de courage, plutôt que des paroles, qui ravivent la tension politique.