Les négociations sociales entamées récemment pour les augmentations salariales dans le secteur privé ont pris l'allure d'une confrontation entre le patronat et la Centrale syndicale qui demeurent, chacun sur ses positions sans vouloir donner la moindre opportunité pour un consensus à même de nous éviter des sources de tension. Les négociations sociales ont commencé dans un climat de tension entre l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (UTICA) et l'Union générale tunisienne du travail, et chaque partie a affiché ses positions d'entrée. Bien que les négociations se déroulent après une accalmie sociale durant les quatre premières années post-révolution, le patronat explique qu'il ne peut pas consentir d'importantes augmentations salariales, malgré la désastreuse dégradation du pouvoir d'achat du citoyen et la hausse des prix et souligne qu'il ne peut pas aller plus loin que le taux d'inflation qui est, selon les chiffres officiels, d'environ 4,5 %. Pour sa part, la centrale syndicale souligne que la dégradation du pouvoir d'achat est beaucoup plus importante et demande l'alignement sur les augmentations du secteur public, une question qui est, catégoriquement, rejetée par leur vis-à-vis. Inconscience et manque de responsabilité Depuis, la situation fait du surplace avec un entêtement de part et d'autre, les premiers menaçant de la fermeture des entreprises et les seconds en programmant des grèves dans toutes les régions du pays. Pour des personnes clairvoyantes de la situation actuelle dans le pays, ces comportements sont, le moins qu'on puisse dire, inconscients et loin d'être responsables, surtout que, selon les déclarations tonitruantes, on veut donner une meilleure image du pays pour attirer les investissements et les capitaux étrangers. Tout d'abord, les négociateurs doivent se mettre en tête que les négociations doivent aboutir, parce que le pays a autant besoin de ses hommes d'affaires, de ses entreprises qu'il a financé et de ses travailleurs pour le bien-être auquel il œuvre. Ensuite, il faut comprendre que pour les entreprises des travailleurs convaincus, motivés et assez à l'aise sont beaucoup plus productifs que des travailleurs lésés et qui sentent qu'ils sont injustement pénalisés, surtout avec leur pouvoir d'achat qui se dégrade au fil des jours. Alors qu'en l'absence des entreprises, les travailleurs sont condamnés au chômage et à la perte de leurs postes d'emploi et de leurs sources de revenus. Enfin et dans tous les cas, ces négociations sont inéluctablement condamnées à s'achever dans les meilleurs délais avec des résultats probants pour les deux parties, tout en tenant compte des secteurs qui ont le plus souffert de la crise économique dans le pays. Comme un match de football Ainsi, il est clair que ces tours de tables entre le patronat et le syndicat doivent avoir l'allure de négociations, comme leur dénomination l'indique et non une confrontation qui ne peut aboutir qu'à davantage de tensions sociales, ce dont la Tunisie n'a pas besoin, actuellement, au vu de ce qui se passe au sein du parti politique dominant, de la menace terroriste qui s'amplifie, des problèmes du chômage, de la hausse des prix, du commerce parallèle, et j'en passe... Tout le monde aurait espéré voir ces négociations sociales aboutir, sans frictions ni tensions. Mais, hélas, tout ne se déroule pas de la meilleure façon possible souhaitée et les partenaires sociaux les avaient déjà entamées, avec une levée de boucliers sans précédent. On aurait souhaité que les négociations sociales se déroulent avec des arguments valables des deux parties, comme lors du déroulement d'un match de football où chaque équipe doit défendre ses couleurs de la meilleure manière, mais où les antagonistes se donnent la main et se font des accolades, dès que la partie est finie. Menaces et contre-menaces Loin de là, dès le démarrage, les négociations ont commencé avec la menace des patrons de fermer leurs usines et leurs entreprises et celle des syndicats de programmer des grèves, sur tout le territoire de la République. Pourtant, cela aurait pu être autrement si le gouvernement Essid avait pris ses responsabilités et fixé, de prime abord, un seuil minimum pour la hausse des salaires et un autre maximum prenant en compte la conjoncture économique et l'état des lieux dans tous les secteurs d'activité. Face à ce flou, les choses n'ont fait qu'empirer, avec le patronat qui avait boycotté les réunions à maintes reprises et les grèves entamées dans la région de Sfax avec, aussi, la participation du secteur public. Cette grève a été l'occasion d'une démonstration de force de l'UGTT, avec un rassemblement imposant devant le siège de l'Union régionale du travail de Sfax, en présence des secrétaires généraux adjoints de la Centrale syndicale, Belgacem Ayari, Samir Cheffi, Abdelkrim Jrad et Anouar Ben Kadour, notamment. Un message clair a été envoyé au patronat pour dire que les augmentations salariales ne sont pas un don, mais un droit pour les travailleurs qui ont attendu quatre ans, en raison de la situation économique dans le pays et les problèmes rencontrés par les entreprises. Tout le monde avait cru que la situation allait se décanter et que, pour éviter le pire, l'UTICA allait porter davantage d'attention aux négociations, mais cela n'a été que partie remise, pour ouvrir la voie à une autre grève dans la région de Tunis, le 25 novembre 2015. Eviter d'ajouter de l'huile sur le feu Dans cette mêlée aux aboutissements encore inconnus, le gouvernement y met du sien et ajoute de l'huile sur le feu en reconnaissant, en ce moment mal choisi, le pluralisme syndical et le droit des autres syndicats aux prélèvements des cotisations sur les salaires de travailleurs. Tout le monde s'interroge, actuellement, si ces agissements sont fortuits, mais l'UGTT a une autre explication et ses dirigeants ont crié haut et fort que cette décision est une manière détournée pour affaiblir la centrale syndicale. D'ailleurs, Belgacem Ayari n'a pas mâché ses mots pour accuser le gouvernement de comploter contre l'UGTT. En cette période où les Tunisiens n'ont pas manqué d'occasions pour exprimer leur solidarité face aux dangers intérieurs et extérieurs qui guettent la Tunisie, l'espoir est que toutes les parties font la part des choses entre leurs devoirs de patriotes et leur égoïsme et leurs intérêts personnels, pour mener les négociations à bon port et éviter au pays d'autres malheurs.