L'EXPERT – Tout le monde parle de la corruption dans le secteur de la santé, mais personne n'a, jamais, osé mettre le doigt dans la plaie, tellement le mal est endémique et que beaucoup de lobbies se plaisent à profiter de la situation. Mais, le fléau s'est amplifié, au point qu'il a coûté des vies humaines. Il faut se rappeler, à ce propos, divers délits qui ont été « punis gentiment », avec des sanctions le moins qu'on puisse dire scandaleuses et, le moins qu'on puisse dire, honteuses, pour un pays qui n'a de principale richesse que son capital humain. L'affaire des stents périmés n'avait pas fait long feu. Celle des bébés de la Rabta avait été vite enterrée, grâce à une commission, le moins qu'on puisse dire, pressée de faire oublier les problèmes. Le secteur de la santé est malade de la corruption et les preuves ne manquent pas. Le mal a frappé du plus haut au plus bas de l'échelle, alors que, pourtant, des patients de pays frères et amis continuent à nous faire confiance, pour venir se soigner chez nous. Heureusement qu'il y a, quand même, des cadres médicaux et paramédicaux honnêtes et qui font honneur au pays. Mais, ce n'est pas le cas, surtout, dans certains établissements du secteur privé qui « se font de l'argent » adviendra que pourra, ainsi que des membres du secteur de la santé vulnérables qui tombent facilement sous le joug des corrompus, pour quelques dinars. Certains citoyens qui s'y connaissent dans le domaine font état du fait que certains employés de la santé dans le secteur public arrivent, même, à mettre hors service des appareils médicaux sophistiqués pour orienter des malades vers certains établissements privés, et cela sans tenir compte des moyens financiers et des risques que peuvent encourir les malades. En parallèle, l'Etat n'a rien fait pour « sauver » un tant soit peu le secteur, au vu des moyens dérisoires qui lui sont accordés, de l'état de délabrement de certains établissements publics de santé et, en particulier, l'absence du cadre médical dans de nombreuses spécialités qui, même s'il existe, ne dispose pas du minimum nécessaire pour soigner. En partenariat avec la Coopération Allemande au Développement (GIZ), la Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales de Tunis (FSJPT) et l'Instance Nationale de Lutte Contre la Corruption (INLUCC) ont organisé les 14 et 15 novembre le second colloque international intitulé : « Bonne Gouvernance et Lutte Contre la Corruption dans le secteur de la Santé. L'information, moyen de lutte contre la corruption ». Donnant suite au 1er colloque organisé il y a déjà deux ans, la rencontre qui a réuni pendant deux jours les professionnels de la santé, les universitaires, les décideurs politiques, les experts en lutte contre la corruption, a été l'occasion de mettre en place une nouvelle réflexion innovante en termes de bonne gouvernance dans le secteur de la santé. Il était également question de fructifier les échanges avec les expériences internationales pour y puiser les bonnes pratiques et s'en inspirer en vue de mieux gérer le secteur de la santé Le coup d'envoi a été donné par M. Wolfgang Wodarg, médecin et ancien membre du Bundestag (Parlement allemand), ancien porte-parole de la Commission d'enquête sur l'éthique et le droit en médecine moderne. Un secteur pourtant florissant dans le passé Le colloque est organisé dans le cadre du Master «Gouvernance et Lutte Contre la Corruption» par les soins de sa coordinatrice Mme Asma Ghachem dont les premiers concernés sont les étudiants inscrits dans ce Master et notamment toutes les parties prenantes dans le secteur de la santé. Durant ces deux jours, les participants, juristes, professionnels de la santé, représentants de la société civile, du ministère de la Santé et des Conseils de l'ordre ont débattu sur divers sujets tels que le Droit du patient en matière d'accès à l'information, les Confins de l'accès à l'information, le Rôle des institutions actrices et le rôle des institutions régulatrices du secteur de la santé. «La corruption dans le secteur de la santé est une thématique très critique et très importante». C'est en ces mots que la Cheffe du projet « Prévention et lutte contre la corruption » de la GIZ, Katharina Niederhut, en présentant ledit projet avant de rajouter « Je suis très impressionnée par l'expertise ». Après l'indépendance, outre l'enseignement, la santé était l'un des secteurs prioritaires sur lequel a misé le gouvernement de Feu Bourguiba. Au cœur des préoccupations politiques de l'Etat tunisien, la santé publique avait joui d'une attention particulière et d'un investissement de restructuration afin de doter la Tunisien d'un corps médical professionnel de très haut niveau, reconnu aujourd'hui à l'échelle mondiale. En effet, le gouvernement tunisien de l'époque avait pesé de tout son poids pour renforcer et élever le niveau des compétences en incitant à la recherche scientifique en médecine. Par ailleurs, le citoyen lambda était au centre de toutes les attentions. Comme l'éducation, la santé publique était surtout accessible à tous et De son côté, l'entreprenariat privé n'a pas négligé ce secteur non plus. Bien au contraire, la santé s'est très vite révélée attractive pour l'initiative privée. D'ailleurs, une réglementation propice à sa fleuraison a aussitôt été mise en place. Pourtant, au cours des dernières décennies, ce domaine intrinsèque à la vie humaine s'est détérioré au fil des années. La santé publique est devenue synonyme de mauvaise gestion et corruption. Les structures des établissements de santé sont désormais délabrés, ingérables, dépourvus du minimum syndical. Avec la crise économique, il est devenu l'antre de complots et des pots de vin. Un constat très alarmant qui incite tous les partenaires concernés de pousser la réflexion sur les moyens d'améliorer en urgence la bonne gouvernance du secteur de la santé. Le travail a déjà commencé depuis 2017 entre l'Instance Nationale de Lutte Contre La Corruption et la Coopération Allemande au Développement, la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) GmbH. A ce travail de réflexion, ils ont associé tous les professionnel du secteur pour viser le niveau académique, les enseignants et chercheurs du mastère de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption, dispensé à la Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales de Tunis. Trafic de dossiers médicaux Récemment, Raoudha Zarrouk, présidente de l'Association des malades du cancer de Tunisie (AMC) a lancé une bombe. Elle a déclaré qu'"Il existe un trafic des dossiers médicaux des patients atteints de cancer", a déclaré, ajoutant que "ce trafic constitue désormais une source de revenu pour certaines parties", au niveau des établissements sanitaires. Dans une déclaration en marge des travaux du douzième Forum annuel de l'AMC, sur le thème "Prise en charge du patient tunisien atteint de cancer", Zarrouk a indiqué que "les dossiers des patients cancéreux constituent désormais une source de revenu pour certains". Et d'ajouter: "Nous n'avons pas peur de dénoncer ces pratiques, dans le cas contraire, nous ne serons pas en mesure d'avancer". Elle a affirmé que la lutte contre le cancer en Tunisie demeure tributaire d'une bonne gouvernance au niveau du secteur de la santé, de l'existence d'un programme stratégique de lutte contre le cancer et du développement d'une base de données qui permet de dresser un état des lieux de cette maladie en Tunisie afin de l'endiguer. "Il n'existe pas de justice sociale dans le secteur de la santé", a estimé Zarrouk, prenant à témoin, "la souffrance subie par les patients appartenant à la catégorie sociale précaire pour décrocher un rendez-vous médical ou pour accéder à la médication", a-e-t-elle déploré. "Les patients cancéreux en Tunisie sont confrontés à une mort lente en raison des très longs délais d'attente pour les rendez-vous médicaux , le grand nombre des dossiers médicaux perdus et l'absence d'une véritable stratégie de lutte contre le cancer et des chiffres statistiques en la matière", a poursuivi la présidente de l'association. Elle a dans ce cadre souligné que l'association, fondée il y a 9 ans, reçoit en constance des plaintes faisant état de la longueur des délais d'obtention de rendez-vous de radiographie, "qui dure entre une année et une année et demi, outre la disparition de leurs dossiers médicaux". L'AMC a eu à traiter 3450 dossiers de patients cancéreux, 80% parmi eux sont des femmes atteintes du cancer du sein, 17% des hommes et 3% d'entre eux sont des enfants atteints de différents types du cancer. Pour sa part, Mohamed Hedi Oueslati, directeur général de la santé au ministère de la Santé, a souligné l'augmentation de l'incidence du cancer en Tunisie, soulignant que la prévalence de cette maladie en Tunisie "reste inférieure à la moyenne mondiale", a-t-il dit, sans avancer de chiffres sur ce plan. S'agissant de la "disparition des dossiers médicaux des malades du cancer", Oueslati a indiqué qu'"il se peut que cela existe en raison de l'encombrement, ajoutant que le cadre médical et paramédical ainsi que les pharmaciens font de leur mieux dans les limites des moyens disponibles "que nous travaillons d'ailleurs à développer", a-t-il indiqué.