Le début du procès de Ben Ali et son épouse a certainement suscité l'engouement populaire pour donner le ton à la magistrature d'entamer une longue phase interrogatoire en vue d'éclaircir l'opinion publique et mettre à nu la mauvaise gestion et l'abus de pouvoir de ceux qui avaient tenu les rênes du pays, en dépit de ce sentiment de frustration dissimulé par un peuple très patient. En vérité, le procès ne doit pas s'occuper uniquement des débordements commis par l'ancienne haute hiérarchie, il devrait, en outre, mettre les doigts d'inculpation sur les agissements d'autres personnes influentes et très proches du pouvoir déchu. Il n'est plus question, maintenant d'innocenter des gens qui sont intervenus dans tous les secteurs actifs du pays en favorisant les intérêts des uns au profit d'autres, lésés de leurs droits. En effet, la liste noire établie précédemment pourrait s'élargir encore par le travail de fournir de la Commission d'investigation, appelée de fouiller minutieusement les nombreux dossiers à sa charge. A mon avis, seule la neutralité des enquêteurs et leur honnêteté donneraient des chances réelles pour dévoiler toute la vérité aux citoyens qui ne pardonneraient plus de possibles bévues ou autres mascarades. Le rôle de la magistrature serait très déterminant pour la suite de la transition puisqu'elle aurait cette lourde responsabilité de défendre les intérêts de l'Etat pour instaurer l'égalité dans toute la société et la souveraineté de la loi. Ainsi, elle aurait contribué à fonder les premières assises d'une vraie démocratie à laquelle rêve chaque Tunisien libre et conscient. Ce procès dont l'importance historique serait une première dans les annales de la justice tunisienne permettrait, sans aucun doute, à nos magistrats, de jauger leurs aptitudes personnelles envers une certaine complexité de traiter le contenu et l'allure juridique de ces dossiers à travers lesquels pourraient émerger d'autres réalités affligeantes restées jusque-là dans l'anonymat. Dans ce contexte, la justice devrait entreprendre d'autres enquêtes susceptibles de s'intéresser sérieusement aux dépassements constatés dans les établissements à caractère public et privé pour d'éventuelles accusations de cas suspects et saisir cette opportunité qui servira, par la suite, à assainir la situation financière et sociale de ces organismes et prendre les décisions nécessaires en vue de réformes destinées à améliorer le rendement et la productivité, deux facteurs essentiels de la stabilité économique de notre pays. La démocratie ne veut pas dire seulement le fait de s'exprimer librement, mais elle est strictement liée à l'indépendance de la magistrature et sa transparence pour qu'elle se manifeste positivement à travers toutes les institutions et se répercute sur le comportement quotidien du citoyen. A partir de là, la Tunisie pourrait prétendre à une transition protégée par l'autorité d'une loi équitable qui n'exclurait personne. Aujourd'hui, il serait judicieux d'avouer que le chemin qui nous sépare de la démocratie reste parsemé d'embûches pour des raisons socioculturelles connues, mais on est convaincu que la Tunisie regorge de potentialités humaines et particulièrement de jeunes talents qui tenteront de persévérer et de patienter pour qu'on réussisse d'arriver aux élections de la Constituante avec les meilleures garanties possibles. Hichem Sattari