L'allocution d'Adrianus Koetsenruijter, Chef de la Délégation de l'UE en Tunisie, prononcée ce matin au séminaire régional “Open Gov et accès à l'information”. Séminaire Régional “Gouvernement ouvert et accès à l'information” Hôtel Sheraton, Tunis, 28-29 Mars, 2012 Allocution d'Adrianus Koetsenruijter Chef de la Délégation de l'Union européenne en Tunisie
Je suis particulièrement honoré et heureux d'être présent parmi vous ce matin afin d'échanger quelques idées sur les thèmes que vous allez aborder lors de ce séminaire régional TAIEX sur l'accès à l'information et la promotion d'un gouvernement ouvert.
L'actualité et l'importance du sujet que vous allez traiter durant ces deux jours ne peuvent à mon sens être surestimées. Les événements qui ont transformés la région ces quinze derniers mois ont montré le désir profond des peuples des pays de cette région de vivre dans des sociétés plus transparentes. - Que ce soit au regard du droit de chacun à exprimer et à diffuser ses opinions, - qu'à celui de jouir d'un accès libre et non-biaisé à l'information concernant son environnement. Aussi, la « facebook revolution » a montré les possibilités formidables de mobilisation des énergies, de solidarité et de créativité offertes par un plus grand partage et une meilleure utilisation de l'information, sous toutes ses formes. [Illustrations en Tunisie : • organisation des caravanes de solidarité vers le Sud en faveur des réfugiés Libyens organisées sur facebook; • information / analyse / discussion des événements politiques de la transition en direct sur ce média; • formation de groupes comme OPEN Data/Gouv qui promeuvent l'accès à l'information et un gouvernement ouvert, aujourd'hui soutenu par un nombre significatif de députés de l'assemblée constituante, etc.]
La problématique de l'accès à l'information détenue par les autorités publiques occupe une place centrale dans ce contexte. D'abord parce que celles-ci continuent à être la principale source d'information sur les affaires publiques. Mais également au vu du lien étroit, maintes fois démontré, qui existe entre amélioration de l'accès à l'information administrative et renforcement de la légitimité de celle-ci.
C'est ainsi, qu'en plus d'être considéré dans de nombreux pays et dans l'UE comme un droit fondamental, l'accès à l'information est, de plus en plus souvent, également considéré comme un pilier essentiel de la vie démocratique.
Il figure à ce titre parmi les éléments sous-tendant le concept de « deep democracy » promû par l'UE dans son partenariat privilégié avec les pays de la région. [La communication fait reference à: "provide greater support to partners engaged in building deep democracy – the kind that lasts be-cause the right to vote is accompanied by rights to exercise free speech, form competing political parties, receive impartial justice from independent judges, security from accountable police and army forces, access to a competent and non-corrupt civil service — and other civil and human rights that many Europeans take for granted, such as the freedom of thought, conscience and religion;"] Les bénéfices liés à l'accès à l'information publique dépassent même le cadre des droits fondamentaux et de la vie démocratique. Des bénéfices concrets en termes économiques et de qualité de l'administration sont directement liés à un meilleur accès et une meilleure dissémination de l'information par la sphère publique.
Il est par exemple largement accepté qu'une campagne efficace de lutte contre la corruption doit s'accompagner d'une politique de transparence dans la conduite des affaires publiques et dont l'un des piliers devra nécessairement comprendre l'accès aux documents internes de l'administration. En termes de politique économique, là encore, des bénéfices concrets ont pu être déduits d'une meilleure communication et d'une plus grande transparence : - Une récente étude du FMI montre par exemple que les intérêts demandés par les investisseurs pour détenir la dette souveraine d'un pays sont fonction de la transparence budgétaire de celui-ci. - Il a aussi été montré que les niveaux d'investissement direct étranger sont directement influencés par la facilité d'accès à l'information des investisseurs.
De façon plus fondamentale, l'utilisation des informations générée par le service public est elle-même source de croissance économique à travers sa réutilisation dans la confection de nouveaux produits et services par les entreprises du secteur privé. On peut citer, à titre d'exemple, les informations géographiques, statistiques, météorologiques ou les données issues des projets de recherche financés par des fonds publics qui recèlent un potentiel considérable pour la création de nouveaux produits et services et la réalisation de gains d'efficacité dans les administrations. Une étude réalisée par la Commission européenne en 2011 estimait les gains liés à cette réutilisation de l'information générée par le service public à plus de 40 milliards d'euro par an pour l'UE. (Montant égal au PNB Tunisie)
Une directive de l'UE adoptée en 2011 vise à tirer un parti maximum de cette nouvelle source de croissance, notamment par l'adaptation d'un cadre juridique relatif à la réutilisation des données Nous avons donc été particulièrement encouragés d'observer les initiatives prises par plusieurs gouvernements de la région au cours des douze derniers mois pour traiter de cette problématique. Les décrets-lois adoptés par le gouvernement provisoire tunisien en juin dernier, ainsi que les autres initiatives prises par les gouvernements marocains et égyptiens [auxquelles ma collègue de la Banque mondiale faisait allusion il y a quelques minutes] montrent que les équipes en place ont bien pris la mesure des demandes de leurs citoyens dans ce domaine.
Dans le cas de la Tunisie, la promulgation des décrets-lois consacrant le droit à l'accès à l'information constitue un pas décisif vers la construction d'une administration plus transparente et plus ouverte sur les citoyens. Le passage du classement 142ème à la 92ème place de l'index de démocratie de l'Economist Intelligence Unit (EIU) témoigne par ailleurs de l'impact déjà visible de telles actions sur l'image projetée à l'extérieur par le pays. Et pourtant, l'expérience accumulée au cours des 30 dernières années dans de nombreux pays montre que le chemin à parcourir pour aboutir à un système garantissant effectivement, à tous les citoyens, une application intégrale du droit à l'accès à l'information est complexe et parfois long. La mise en oeuvre des législations favorisant l'accès à l'information ce heurte en effet au besoin de préserver les intérêts des institutions publiques et des personnes privées concernées (relatives par exemple à la confidentialité des relations internationales ou celles des individus). Elle pose également des ‘défis' significatifs en termes de mise en oeuvre qui requiert des efforts importants d'ajustement de la part des acteurs de l'administration. La diversité des expériences européennes est intéressante à cet égard. Entre la Suède, premier pays européen à adopter des dispositions sur l'accès aux documents officiels en 1766 et l'Allemagne en 2005, la plupart des pays européens ont adopté des législations équivalentes mais à des rythmes parfois contrastés en fonction, notamment, de leurs cultures administratives et politiques respectifs. Une des leçons qui peut être tirée de ces diverses expériences est qu'il vaudrait mieux s'appuyer sur les leçons tirées des expériences passées ailleurs, notamment au stade de la conceptualisation des outils législatifs et administratifs destinées à mettre les principes d'accès à l'information. Je suis donc particulièrement satisfait que le séminaire d'aujourd'hui contribue à la mise en oeuvre un tel processus d'échange d'expériences sur le sujet de la transparence des affaires publiques si important dans le contexte actuel de changement connait votre région.