La démission du Président Moubarak est venue répondre à une exigence du peuple égyptien qui a occupé, tout au long de dix sept jours, la Place «Tahrir» du Caire. Ces événements ne peuvent passer sans nous rappeler la trentaine de jours qui a précédé la chute de Ben Ali. Deux mouvements incontrôlés et inorganisés au départ. Alors que le premier, en Tunisie, a touché les villes et mis une forte pression sur le pouvoir, le second, en Egypte, a opté pour une occupation en bonne et due forme des places centrales du Caire, d'Alexandrie et d'autres villes. Dans les deux cas, la police s'est retirée. L'histoire nous expliquera le pourquoi de ce retrait condamnable. Un autre point commun à ces révoltes: les jeunes tunisiens et égyptiens ont fait face à une tentative contre-révolutionnaire qui a été beaucoup plus violente en Tunisie où elle perdure et où ses dégâts s'accumulent et aggravent une situation économico-sociale précaire.
Au plan médiatique, les Cairotes ont donné à leur jeunesse, particulièrement aux cybermilitants, la place voulue et le leadership mérité. Les médias égyptiens ont conjugué leurs efforts pour aborder les problèmes essentiels et orienter les débats vers les choix politiques, les libertés individuelles et la consolidation des structures de l'Etat de droit. Rarement, on a enregistré des débordements.
En Tunisie, la situation se présente tout autrement. On a totalement oublié les cybermilitants qui sont à l'origine de la fuite du dictateur tunisien. Il est indispensable de rappeler que bien que les ex-Présidents tunisien et égyptien soient tous deux de formation militaire, le premier a choisi de fuir son pays, alors que le second a agi autrement.
Les deux armées qui ont joué un rôle de premier ordre dans la chute de ces deux dictateurs en refusant de tirer sur leurs concitoyens, ont ainsi signé la fin de ces deux régimes. L'attitude adoptée par l'armée égyptienne à l'égard de Moubarak constitue un signe de respect pour le passé glorieux de cet aviateur lors de la guerre de 1973, et aussi pour l'attention dont il n'a cessé de lui accorder tout au long des trois décennies. Reconnaissante à son soutien, l'armée égyptienne a évité à Moubarak le déshonneur de fuir la Patrie. Peut être se serait-elle engagée à lui assurer une fin effroyable. Ben Ali, quant à lui, tout au long de ses 23 années de règne sans partage, a exécuté une stratégie qui marginalise l'armée et qui renforce les capacités humaines, techniques et matérielles d'une force de police présidentielle spéciale et pléthorique, indépendante des départements de l'Intérieur et de l'Armée. Cette police était conçue pour être dirigée par le couple présidentiel et Seriati, un officier supérieur qui a gagné ses galons dans la Cour de Carthage.
En Tunisie, les cybermilitants ont été débordés sur leur droite et sur leur gauche. Les exilés politiques sont rentrés dans le pays pour détourner, à leur profit, une légalité qui leur manque.
S'inspirant de l'expérience tunisienne, l'Egypte a évité les écueils, en décidant de remettre le pouvoir transitoire à l'armée qui bénéficie d'un crédit de respect et de sympathie appréciables. L'équipe proposée pour préparer l'après-révolte a décidé d'ouvrir ses bras aux représentants des cybermilitants, en tirant la leçon de l'expérience tunisienne et évitant de mettre en place une équipe qui pourrait subir le sort qui a été réservé aux divers responsables désignés par M. Ghannouchi. La prise en main du pouvoir par les militaires peut éviter à la révolte égyptienne un temps précieux, la priorité allant à l'ancrage de la sécurité qui est le pilier essentiel du développement. En Tunisie, malheureusement, le relâchement sécuritaire a gravement endommagé la vie économique. Ne devons-nous pas tirer la leçon de l'exemple égyptien? Il n'est pas jamais trop tard pour sauver le pays.