La transparence. On ne jure que par ce mot. Pas un programme de parti où il ne figure en bonne et due forme. Pas un discours où il ne trône dès le premier alinéa. Pas une initiative où il n'est mis en exergue comme pour conjurer une éventuelle irruption du démon du mensonge. Car c'est dans sa relation antithétique avec le mensonge que le mot de transparence se dresse en relief, rejoignant les concepts majeurs de liberté, de dignité et de justice. Quand le mensonge règne, le réel devient flou. Vague. Et quelquefois obscur et hermétique à l'entendement humain. «L'ombre et la proie se fondent en un éclair unique» comme le dit si bien le grand poète français René Char. Or, les 23 années passées sous le règne de Ben Ali dont une dizaine à l'ombre d'une camarilla à l'exceptionnelle capacité de nuisance, se sont écoulées sous le signe du mensonge. Un mensonge aux multiples facettes: le mensonge proprement dit, le mensonge par omission, le mensonge-tromperie, le mensonge de l'illusion et même le mensonge du rêve dont le dernier et le plus éclatant nous a été donné par le président déchu dans une de ses trois interventions télévisées avant son déboulonnement. Il avait, ce jour-là, affirmé que 300.000 postes d'emploi seront créés en 3 ans en vue de régler le problème du chômage et sortir les régions de leur splendide isolement. Or, ce chiffre assené avec un aplomb indécent (des citoyens mouraient à ce moment là sous les balles du despote) ne visait qu'à créer une illusion destinée à désamorcer la bombe dont on sentait déjà le souffle brûlant. Ben Ali et ses acolytes mentaient sur tout et rien. Les chiffres étaient manipulés, les statistiques falsifiées, les performances gonflées, les indices faussés. De sorte que, partout dans le monde, on croyait ferme au miracle alors que le pays sombrait dans un abîme sans fond. Et c'est sur cette toile de fond que le terme de transparence a émergé, à l'occasion de la révolution, brillant de toute sa lumière, dans le rang des préoccupations majeures de la société. C'est parce que la révolution chez les âmes probes devait, pour perdurer, être une coupure avec l'amère expérience suivie d'un rebondissement vers l'univers des vraies valeurs. Oui. Mais il y a problème. La transparence est la bienvenue. Mais comment vérifier qu'elle est bien appliquée? Par des équipes de contrôle. Mais qui prémunit ces équipes elles-mêmes contre les virus du mensonge? Un membre d'un parti nouvellement créé a recommandé de renforcer l'accès à l'information pour voir si cette dernière est conforme à la logique de la véracité. C'est dire que l'accès à l'information vraie constitue la clé de cette transparence ardemment souhaitée. Sans transparence, rien ne peut être solidement construit. Opacité et méfiance se déclinent ensemble.