· Selon les derniers chiffres publiés par l'INS, le PIB a régressé de 7,8% pendant le premier trimestre de 2011 en comparaison avec la même période de l'année précédente · Selon la FIPA, les investissements étrangers ont atteint au terme des quatre premiers mois 2011, 448,8 MDT contre 594 MDT durant la même période de 2010, soit une baisse de l'ordre de 24,5 % · M. Donald Kaberuka, président de la Banque Africaine de Développement qui disait récemment que "L'économie tunisienne reste forte en dépit des impacts de la révolution et de la crise en Libye”
Si le dossier politique de l'après-révolution semble reprendre un cours normal, les dossiers économiques sont encore en balbutiements. La vision de l'économie tunisienne est encore floue, et les perspectives ne sont pas bonnes. Depuis le 14 janvier, les principaux indicateurs sont au rouge. Tous les compartiments de l'économie sont touchés de plein fouet. 5 mois après la révolution, l'économie nationale ne donne pas de signes probants de reprise, malgré les promesses du G8 et la prévisibilité sur le processus de transition démocratique. La question qui se pose est de savoir si nous avons les atouts pour une possible reprise sur le court et moyen terme? Et quels préalables pour faciliter une relance de l'économie?
Des indicateurs au rouge L'économie tunisienne passe par une grande période de trouble. Tous les indicateurs ont viré au rouge. Depuis le mois de Janvier dernier, les principales agences de notation ont abaissé la note souveraine du pays, ce qui va se traduire par un coût supplémentaire en cas de crédits et une baisse de la confiance des investisseurs et bailleurs de fonds. Selon les derniers chiffres publiés par l'INS, le PIB a régressé de 7,8% pendant le premier trimestre de 2011 en comparaison avec la même période de l'année précédente. La régression est due à la baisse respective de la valeur ajoutée des secteurs des industries manufacturières (4,6%) et non manufacturières (8,6%). L'activité économique dans le secteur des services a baissé de 6,1% au cours du premier trimestre de l'année 2011 en comparaison avec la même période de l'année écoulée et ce. Les prévisions les plus optimistes tablent sur une croissance variant entre 0 et 1 au cours de cette année. Une situation presque inédite depuis des dizaines d'années. Le spectre de la récession plane sur notre économie. Le secteur touristique, qui contribue à plus de 7% au PIB et fait travailler 400 mille personnes directement vit une grave crise. La baisse enregistrée dans le secteur dépasse les 50%, et ce malgré les efforts déployés pour sauver la saison. Depuis le début de l'année les investisseurs étrangers arrivent au compte goûte, en plus de ceux qui sont déjà partis, et qui sont au nombre de 45. Selon la FIPA, les investissements étrangers ont atteint au terme des quatre premiers mois 2011, 448,8 MDT contre 594 MDT durant la même période de 2010, soit une baisse de l'ordre de 24,5 %. Ces investissements sont répartis à hauteur de 426,8 millions de dinars d'IDE et 21,6 millions de dinars en portefeuille contre respectivement 569,3 et 24,7 millions de dinars au cours des quatre premiers mois 2010. L'appareil productif n'a pas repris son rythme normal, et l'indice de la production industrielle accuse une baisse de -9.5%, avec une baisse de -10% dans l'énergie, -60% dans le secteur des mines et -7.6% dans les industries manufacturières. Dans son dernier bulletin, l'Observatoire de la conjoncture économique a relevé une baisse de l'indice du climat des affaires dans l'industrie. En effet, l'observatoire note que ledit indice a fortement dévissé au premier trimestre de l'année 2011 pour s'établir à 91 contre 113 au cours du dernier quart de l'année précédente et s'affiche ainsi largement au dessous de son niveau de moyen et long terme (100). La chute brutale du sentiment économique témoignée par les industriels tunisiens est le reflet des difficultés économiques que traverse l'économie nationale et des incertitudes qui pèsent sur la conjoncture locale dans les mois à venir. La détérioration de la confiance des chefs d'entreprises industrielles s'est manifestée dans presque toutes les branches d'activité, mais a été nettement plus prononcée dans les industries des matériaux de construction et les industries mécaniques et électriques. Plus grave encore, et selon les chiffres de la BCT, le niveau des avoirs en devises a continué à baisser, atteignant 10.332 MDT ou l'équivalent de 115 jours d'importation, le 20 mai courant, contre 13.003 MDT et 147 jours à la fin de 2010. C'est donc un tableau de bord plein de clignotants rouges qu'offre la Tunisie, ce qui laisse dire qu'une reprise rapide de l'économie n'est pas possible pour le moment. Mais l'espoir est permis car notre pays présente tout de même certains atouts importants. Nous ne sommes pas la Côte d'Ivoire, le Mozambique ou la Somalie.
Les atouts pour une éventuelle reprise Malgré tous ces éléments, l'économie tunisienne reste une économie solide qui a certainement des atouts qui vont permettre une reprise rapide. C'est même l'affirmation de M. Donald Kaberuka, président de la Banque Africaine de Développement qui disait récemment que "L'économie tunisienne reste forte en dépit des impacts de la révolution et de la crise en Libye”. Un témoignage important et qui donne confiance. Les atouts de la Tunisie sont donc plus qu'avérés: - La révolution: le capital sympathie: la révolution tunisienne a eu le mérite de propulser notre pays sur le devant de la scène. Tout le monde a salué le courage et la volonté du peuple tunisien. Depuis le 14 Janvier, la Tunisie a acquis un capital sympathie important de la part des instances et personnalités dans le monde, ce qui peut militer en faveur d'un soutien important pour surpasser cette phase critique. - La démocratie et l'amélioration du milieu des affaires: l'entrée de la Tunisie dans une nouvelle phase de transition démocratique, ainsi que l'ouverture de la scène politique, donnent des espoirs d'une démocratisation du pays. Cette démocratisation va débarrasser le milieu des affaires de la corruption, des passe-droits et des pots de vin. - Un cadre législatif incitatif et qui doit être amélioré: en comparaison avec d'autres pays, la Tunisie présente un cadre juridique incitatif très alléchant. Ce cadre doit être amélioré et aménagé selon les exigences de la phase post révolution. En effet, les incitations sous l'ancien régime, étaient orientées selon les personnes et non selon les priorités sectorielles. - Une main-d'œuvre qualifiée et instruite: le principal capital de la Tunisie reste toujours sa main-d'œuvre instruite et bien qualifiée. Sur les 700 mille chômeurs que compte le pays actuellement, 150 mille sont des diplômés du supérieur. 60 mille nouveaux diplômés demandeurs d'emplois viendront s'ajouter cette année. Cet atout est très important pour attirer les investisseurs étrangers. - Le soutien du G8: lors du récent sommet du G8 la Tunisie a bénéficié d'un soutien important de la part des membres du G8. La Tunisie avait demandé un soutien financier de 25 milliards de dollars sur 5 ans, et aura certainement quelque 20 milliards de dollars. Les détails de ce soutien seront affinés le 12 Juillet prochain lors d'un sommet des ministres des finances et des affaires étrangères des pays concernés. Ce soutien redonne confiance dans la stabilité du pays. - Une administration publique opérationnelle: l'un des principaux atouts de la Tunisie après la révolution est la stabilité de son administration publique. En effet, les fonctionnaires étaient fidèles au poste et ont assuré la continuité du service public, malgré les problèmes sécuritaires et sociaux. Un atout important qui confirme la nouvelle mentalité de l'indépendance de l'administration et de sa solidité.
Les préalables pour une reprise Pour assurer la reprise de l'économie nationale plusieurs préalables sont nécessaires. Premièrement, la sécurité: malgré la nette amélioration de l'environnement sécuritaire dans le pays, certains dérapages viennent parfois entacher ce retour au calme, tel que celui de Metlaoui. Certains villes sans jusqu'à nos jours sans poste de police ce qui est une menace importante pour la sécurité. Deuxièmement, l'arrêt des grèves et des sit-in: l'appel a été lancé récemment par le premier ministre pour un arrêt des grèves et des sit-in. Un appel, qui apparemment n'a pas trouvé d'écho, puisque nous assistons à la grève des douaniers, ainsi que la poursuite de la grève des agents de Tunisie Télécom. Une situation qui ne doit pas durer longtemps vu son impact économique négatif, et ce malgré notre respect total du droit à la grève. Troisièmement, la légalisation du pouvoir en place: l'actuel pouvoir en place, avec toutes ses structures, est consensuel puisqu'on n'a plus de constitution. Donc le pouvoir n'est pas légal ce qui réduit le champ de son intervention et de son pouvoir. Les prochaines élections de l'assemblée constituante le 23 Octobre prochain, mettront fin à ce vide. Plusieurs analystes affirment que la reprise de l'économie nationale est possible dans les prochains mois en se basant sur les atouts qu'on vient de citer. Le gouverneur de la banque centrale a annoncé de son côté qu'il existe de réels signes de reprise de l'activité économique. Espérons que ces déclarations ne soient pas des effets d'annonce, ou une simple consolation morale. La phase critique par laquelle passe la Tunisie impose de dire la réalité dans la figure.