L'éthique, le développement durable, la responsabilité sociale des entreprises sont autant de thèmes convenus du management contemporain, et les entreprises, petites ou grandes, en font toutes, peu ou prou, leur cheval de bataille. A une époque où le management est devenu le fait d'institutions aussi puissantes que bien des Etats, qui contribuent en outre à définir les conditions de vie ou de non-vie de l'avenir, il est tout « naturel » que les questions d'éthique, de développement durable et de responsabilité sociale se posent de manière particulièrement aiguë. Dans ce contexte, l'entrepreneuriat joue un rôle fondamental de contrepoint. Fait de personnes isolées ou regroupées d'abord en petit nombre, le phénomène « entrepreneuriat » représente une autre manière de faire du management, et de participer à l'économie contemporaine. L'entrepreneuriat est devenu lui aussi, dans une certaine mesure, à la mode. Il est de bon ton d'être un entrepreneur, cela témoigne du bon goût d'être au goût du jour et moderne, actif, dynamique. Le sens de l'initiative, du risque, l'élan rempli de projets, l'activité qui rassure, sont autant de qualités de l'entrepreneur actuel. Pour que l'entrepreneuriat ne devienne pas, comme d'autres thèmes du management, à la mode et galvaudé, il faut en identifier le sens, les limites et l'authenticité. Or ceci, de nos jours, est relativement aisé : l'entrepreneuriat symbolise de toute évidence le dynamisme moderne des « petits » en face de la puissance régnante des grandes entreprises - de ces entreprises dont les budgets sont souvent bien supérieurs à ceux de certains Etats. Ce qui est petit est beau, car ce qui est en émergence symbolise l'avenir. La beauté se conjugue au futur, et les entrepreneurs en représentent la réalité vive. Il faut voir de près les raisons pour lesquelles, dans l'entrepreneuriat, se cachent des vertus particulières, favorables à un avenir meilleur que celui qui serait exclusivement confié aux grandes entreprises, ou aux organisations déjà établies. Le bon sens demande d'abord de se souvenir. De se souvenir qu'avant d'être puissantes, les grandes organisations, qui occupent maintenant de manière dominante le terrain de l'économie mondiale, ont toutes d'une manière ou d'une autre commencé par être les projets de quelques-uns, inévitablement « entrepreneurs ». De ces entrepreneurs géniaux dont Schumpeter avait, en son temps, identifié la qualité spécifique, cette capacité sortie à l'époque d'on ne sait où d'anticiper l'utilisation par un marché encore inexistant de techniques ou d'inventions scientifiques nouvelles. De ces inventeurs qui, de leur temps, ont échoué, mais dont les idées sont venues à maturité après leur mort, parfois tragique, comme ce fut le cas de Diesel. Ou encore, de ces innovateurs géniaux qui ont su s'allier des nations entières avant de mettre au point leur intuition et de la vendre à des usagers gagnés d'avance, comme Edison. Avant que ne dominent les dominants contemporains, ces dominants ont essayé, ont échoué, se sont lancés, et ont parfois eu besoin de ce génie qu'est une longue patience pour que fleurisse la fertilité de leur découverte et de leur projet. A une époque où l'on n'a jamais autant parlé d'innovation, d'invention, de découvertes et d'avenir, l'on a rarement été aussi conditionné par le passé, dont l'expression contemporaine est la puissance des puissants advenus. Dans ce contexte, où la puissance des puissants est potentiellement péjorative non seulement pour l'avenir de l'économie, mais pour eux-mêmes s'ils ne parviennent pas à se remettre en question et à rester apprenants, l'entrepreneuriat, voire l'intrapreneuriat, joue le rôle salvateur d'un rafraîchissement, de la libération des espaces nécessaires à une respiration nouvelle de l'économie. Comme le monde entier rencontre par ailleurs actuellement des questions fondamentales concernant l'avenir alimentaire de l'humanité, l'exploitation de nouvelles sources d'énergie, la transformation de l'eau salée en eau douce, celle des eaux usées en eaux propres, etc., plus que jamais la capacité à interroger les modèles dominants considérés comme des données est indispensable à la santé de l'avenir. Et l'entrepreneuriat joue évidemment ici un rôle déterminant.