Un mois après s'être installé à Wall Street, le mouvement de protestation s'étend aujourd'hui à l'échelle de la planète. Plusieurs villes canadiennes, dont... Occupy Wall Street fait des petits. Un mois après s'être installé au coeur du centre financier américain, le mouvement de protestation s'étend aujourd'hui à l'échelle de la planète. Plusieurs villes canadiennes, dont Toronto et Montréal, n'échappent pas à la vague. À Montréal, les «indignés» ont installé leurs pénates au Square Victoria, une place située entre la Tour de la Bourse et le Centre de commerce mondial qui a été rebaptisée «Place du peuple» lors d'une première assemblée générale un peu chaotique où le téléphone arabe a fait office de moyen de communication. Munis de tentes, de sacs de couchage, de vêtements chauds et de victuailles, les manifestants ont investi les lieux tôt samedi matin. En quelques heures, un véritable campement d'une vingtaine de tentes y a été érigé. De quelques dizaines en matinée, ils sont passés à plusieurs centaines en après-midi. Des jeunes surtout, francophones et anglophones, mais aussi des familles, des travailleurs, des retraités, quelques syndicalistes et une poignée de politiciens.
Vers 17h, plusieurs manifestants se sont lancés à l'assaut des rues du centre-ville, au grand dam des policiers qui ne connaissaient par leur itinéraire. Ils ont marché pendant près d'une heure avant de regagner le Square Victoria. Aucun incident n'a été signalé.
Brandissant des pancartes décriant les inégalités sociales, les manifestants ont adopté le slogan «We are the 99%» qui a été popularisé par leurs homologues de Wall Street. Et à l'image du mouvement new-yorkais, Occupons Montréal n'a ni dirigeants, ni revendications claires. Les revendications de chacun sont diverses, mais tous se rejoignent dans la dénonciation des excès du capitalisme et de l'inégalité entre les classes sociales. «Il faut que tout le monde ait les mêmes conditions de vie, qu'il n'y ait pas autant de luxe et que tout le monde puisse combler ses besoins», a réclamé Marta Menes, une «indignée».
Hier, le premier ministre Stephen Harper a fait valoir que la situation économique canadienne est différente de celle des Etats-Unis. Il a déclaré que le Canada s'est bien tiré d'affaire lors de la crise économique mondiale. «Le Canada est une société moins inégale que les Etats-Unis, mais on est en train de les rattraper», a répliqué le député néo-démocrate de Rosemont-La-Petite-Patrie, Alexandre Boulerice, venu appuyer les «indignés».
«Quand les Américains sont malades, nous aussi on tousse. On vit dans un pays qui s'appelle Améro avec les Américains et les Mexicains», a remarqué Marc Laramée, un jeune homme qui n'en est pas à sa première manifestation puisqu'il faisait partie des Québécois arrêtés lors du sommet du G20.
Les révélations du rapport Duchesneau sur la collusion et la corruption dans l'industrie de la construction ont aussi trouvé écho chez les «indignés» montréalais. «Au Québec, avec la corruption au niveau des villes, de la province, du pays, il y a beaucoup de choses à remanier dans notre propre cour», a souligné Eric Bouthillier.
Déterminés à y rester
Alors que certains manifestants ont signalé n'être présents que pour la journée, plusieurs autres semblaient déterminer à occuper la place pendant plusieurs jours. «J'ai pris une semaine de vacances, donc si tout va bien, je serai ici jusqu'en fin de semaine prochaine, a assuré Frédéric Carmel, un homme de 25 ans qui travaille en administration. Je pourrais même rester encore plus longtemps.»
En fin d'après-midi samedi, Arthur Collin finissait d'installer sa tente sur la place. Il comptait peut-être y passer la nuit en compagnie de sa conjointe et de ses deux enfants, âgés d'un an et de quatre ans. «Pourquoi sommes-nous ici?», demande-t-il à son fils. «Pour faire la révolution», répond celui-ci.
Le règlement municipal qui interdit de se trouver dans un parc la nuit ne s'applique pas au Square Victoria, considéré comme une place publique. Les manifestants ne peuvent toutefois pas y piquer leur tente sans permis. «Pour l'instant, il n'est pas question d'intervenir à cause des tentes», a indiqué le porte-parole du Service de police de la Ville de Montréal, Olivier Lapointe. La manifestation, qui se déroule sous l'oeil attentif des policiers, a été annoncée comme un événement apolitique et pacifique, ce sur quoi ont insisté plusieurs indignés.
Dans le reste du pays
À Toronto, des manifestants se sont également rassemblés dans le district financier, le long de Bay Street, près des sièges sociaux de plusieurs banques importantes du pays et de la Bourse de Toronto. Les protestataires envisageaient ensuite de marcher vers le parc St. James situé à proximité, qui comporte des jardins en bordure de la cathédrale du même nom.
Les gens rassemblés à Toronto sont des étudiants, des femmes au foyer, des représentants syndicaux et des personnes âgées, chantant tous «Nous sommes les 99%».
La variété des pancartes portées par la foule démontre la multitude de demandes mises de l'avant sous le couvert de la manifestation.
Certaines réclament une meilleure protection de l'environnement, d'autres demandent aux Etats de faire passer leurs citoyens en premier, et d'autres encore exigent une plus grande facilité de déplacement pour les personnes à mobilité réduite. Tous expriment leur dégoût de ce qu'ils qualifient de rapacité du plus riche pourcentage de la population.
«Je suis ici pour plus de justice dans un système qui ne fonctionne pas en ce moment», a déclaré Simon Marcroft, un monteur vidéo âgé de 40 ans qui s'est rendu à Toronto en partant de la ville proche de Mississauga pour participer au mouvement.
«Je suis partisan du capitalisme, mais c'en est à un point où ce capitalisme est devenu abusif», estime pour sa part le travailleur en centre d'appels Chris Currie, âgé de 25 ans, qui manifestait à Halifax. «Les gens doivent se rappeler que nous devons avoir un peu plus d'altruisme dans notre société, à l'inverse de beaucoup d'égoïsme.»
Tandis que certains participants aux manifestations avaient couvert leurs visages avec des masques, la majorité des protestataires étaient souriants alors qu'ils chantaient des refrains comme «Nous sommes les 99 pour cent». La police était sur place à toutes les manifestations, mais les mouvements sont demeurés pacifiques, samedi.
Au départ, cette mobilisation a été lancée dans les réseaux sociaux. Les motivations des participants varient légèrement de l'un à l'autre, mais comme à New York et ailleurs aux Etats-Unis, ils se disent généralement victimes d'une injustice sociale perpétuée par la classe financière.
Sans tête dirigeante pour donner une direction précise au mouvement, les participants semblent s'entendre pour déplorer l'augmentation de l'écart entre les pauvres et les riches. Selon eux, il faut agir maintenant pour éviter que le fossé ne s'élargisse encore.
Le premier ministre Stephen Harper, lors d'un passage, samedi, dans la ville britanno-colombienne de Dawson Creek, a réitéré que la situation au Canada était «très différente» de celle aux Etats-Unis, soulignant qu'aucune banque n'avait dû être renflouée, geste qui a mis tant d'Américains en colère.
Lors du même événement, il a tenté de représenter son gouvernement comme possédant le même état d'esprit que les Canadiens.
«Les Canadiens ont à coeur les mêmes priorités que leur gouvernement, et il s'agit du fait de savoir que nous vivons dans une économie mondiale, dont la reprise est très fragile», a déclaré M. Harper.
«Nous savons que nos actions sont relativement efficaces puisque nous nous concentrons sur l'emploi, la croissance et les besoins des familles canadiennes au travail», a-t-il ajouté.
Des appels à la protestation ont été lancés dans 951 villes de 82 pays, a recensé le réseau 15october.net.