Surréaliste, lunaire, ébouriffant, stupéfiant… Les mots manquent pour qualifier l'acte posé par la maire du VIIe arrondissement de Paris (maintenant elle veut toute la Mairie de la capitale), Rachida Dati. La flamboyante ancienne ministre de la Justice (de 2007 à 2009) n'est pas amie avec l'ancien président Nicolas Sarkozy pour rien, ils ont le même goût pour la castagne, la politique spectacle, les coups médiatiques. Dati en a signé un hier mardi 22 juillet sur LCI et celui-là restera dans les annales de la télévision. Même TF1, qui fait pourtant partie du même groupe, n'a pas pu faire l'économie d'une chronique dans sa matinale de ce mercredi. Dans la soirée d'hier LCI avait invité l'ancienne ministre, renvoyée un peu plus tôt dans la journée en procès avec Carlos Ghosn pour corruption dans le dossier Renault Nissan. Dati s'est défendue bec et ongles, une tribune haute en couleurs durant laquelle le journaliste a eu beaucoup de mal à contenir les assauts de la ministre de la Culture. Elle était censée partir après son entretien durant lequel elle a tiré copieusement sur les juges « inquisiteurs » (ce qu'une ancienne Garde des Sceaux ne devrait jamais faire)… Mais non, elle est restée sur les lieux, en embuscade, pour guetter ce que les chroniqueurs attitrés allaient dire par la suite sur elle et l'affaire Renault-Nissan. C'est Guillaume Roquette, directeur de la rédaction du Figaro, qui a trinqué. A peine il a achevé son intervention sur le dossier judiciaire Dati a fait irruption sur le plateau pour recadrer le journaliste, amicalement certes, mais de manière énergique. La ministre a repris sa tirade sur le bien fondé de ses récriminations, en se permettant de toucher de la main Roquette, et ce à plusieurs reprises. Après cette scène qui a figé le plateau la maire du VIIe arrondissement de Paris lance «je reste en régie». Autant dire qu'elle a mis un pistolet sur la tempe des chroniqueurs. Suffisant pour les lester quand on connait la réputation de cogneuse de la dame. Demandez à sa souffre-douleur, la maire de Paris, Anne Hidalgo, qui fait partie d'une longue liste de victimes de cette redoutable avocate. Après le numéro d'hier en direct les réactions du personnel politique, cinglantes. Le sénateur communiste Pierre Ouzoulias n'a pas hésité à l'affubler du sobriquet «Tony Montana», personnage mafieux phare de « Scarface » interprété avec brio par Al Pacino. Il a ajouté que Dati s'est comportée en cheffe de «l'ORTF». Le socialiste Pierre Jouvet n'a pas été plus tendre ce mercredi sur Sud Radio, elle parle d'une Donald Trump à la française : «Elle utilise des méthodes trumpistes. C'est une voyou ! J'assume mes mots». La ministre savait qu'il y aurait une bronca après son entrée par effraction mais pour elle ce qui importait c'était de brouiller la trajectoire du plateau télé, de marquer les esprits, de faire le buzz auprès du public et éventuellement terroriser les magistrats qui ont en charge son dossier. Dati a fait du Dati, comme d'habitude. D'ailleurs le présentateur de LCI, Thomas Misrachi, lui a lancé «c'est vous qui avez pris le contrôle de ce plateau»… Reste le calendrier judiciaire, avec sa cadence infernale. Il n'est pas du tout certain que le show d'hier, avec ses attaques frontales contre les juges, serve les intérêts de la ministre. Dans l'affaire Renault-Nissan elle est soupçonnée d'avoir touché indûment 900 000 euros entre 2010 et 2012 pour des prestations de conseil dont elle n'a pas apporté la preuve matérielle. A l'époque elle était avocate et députée européenne (au Parlement européen on parlait plus de ses tenues chic, de ses sacs hors de prix et de ses absences). Dati est également sous le coup d'une information judiciaire pour sa présumée implication dans l'incarcération au Qatar, en 2020, d'un lobbyiste franco-algérien. Par ailleurs le journal Libération l'accuse de ne pas avoir déclaré à la HATVP plus de 400 000 euros de bijoux. D'autres médias la soupçonnent d'avoir encaissé frauduleusement 299 000 euros de GDF Suez quand elle était eurodéputée, sans déclarer ce montant au Parlement européen… La ministre, aussi combative et habile soit-elle, aura beaucoup de mal à passer entre toutes ces gouttes. Sarkozy s'est joué de sa pléthore de casseroles judiciaires durant des années, il a fini par être rattrapé par ses dossiers et la condamnation infamante est tombée, une première dans l'histoire de la 5e République. Je ne dis pas que Dati aura le même sort que son ami, je dis juste que ça sent sérieusement le roussi.
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