M. Taoufik Bouderbela, président de la Commission nationale d'établissement des faits sur les dépassements et abus commis au cours des derniers événements, a révélé que le nombre des dossiers déposés auprès de la commission est de 741 dossiers, dont 98 (martyrs), 479 (blessés) et 164 relatifs au saccage des biens publics et privés. Lors d'une conférence de presse organisée, vendredi après-midi, à Tunis, en présence des membres de cette instance, M. Bouderbela a expliqué que l'ensemble des dossiers déposés auprès de la Commission durant la période s'étalant du 31 janvier au 9 mars 2011 couvrent, notamment, la région du Grand Tunis et quelques autres régions. Les membres de la Commission, a-t-il ajouté, se rendront, à partir de la semaine prochaine, dans les régions pour procéder à l'audition des familles, des proches des victimes et des témoins. M. Taoufik Bouderbela a poursuivi que d'ici un an, le nombre global des dossiers devra atteindre 1400 dossiers, dont 300 sont relatifs aux martyrs et 700 aux blessés. La commission qui œuvrera à définir l'identité des responsables des dépassements et des abus commis, a-t-il précisé, ne remplacera point la justice, seule habilitée à condamner les suspects ou à les acquitter, ajoutant que cette commission appuie le rôle de la justice sans pour autant être le supplétif et est en droit de convoquer tout responsable ou personne qu'elle estime nécessaire. Sur 98 dossiers relatifs aux martyrs, a-t-il expliqué, seuls 20 dossiers font état d'un acte criminel odieux, ajoutant que tous les crimes de meurtre ont fait l'objet d'une information judiciaire et que la commission se penchera sur ces cas à titre complémentaire. Par ailleurs, il a indiqué que les compétences de la commission ont été élargies pour englober les dossiers inhérents aux abus, compte tenu du lien étroit établi entre la question d'abus et le concept des droits de l'Homme. Et M. Bouderbela de préciser, «Notre travail ne consiste pas à mettre en œuvre une justice transitionnelle, au sens académique du terme, mais nous sommes en train de poser le premier jalon de ce concept. Après la fin de notre mission, la société civile doit prendre la relève, à travers la constitution d'une instance qui prendra la forme d'une commission “justice” ou “équité”, comme c'était le cas dans plusieurs autres pays». La commission, a-t-il encore ajouté, s'emploiera à suivre le contexte historique de la révolution et à archiver pour la mémoire nationale. En réponse à certaines voix qui prétendent que Ben Ali est bien celui qui a décidé la création de la commission, dans son discours du 13 janvier 2011, M. Taoufik Bouderbela a indiqué que ces voix ont oublié que c'est la société civile qui a appelé, dans une déclaration publiée le 10 janvier, à mettre sur pied une commission impartiale pour «sanctionner les responsables des tirs des coups de feu, en total respect des législations du pays et des conventions internationales ratifiées par la Tunisie». Au cours de cette rencontre, les membres de la commission ont évoqué une série de questions relatives à leur méthode de travail, précisant qu'en plus de la consultation judiciaire, la mission de la commission englobe les aspects psychologiques et sociaux, à travers l'audition des familles des victimes ou des blessés et leur orientation, parfois, aux associations compétentes pour recevoir des aides immédiates. Par ailleurs, ils ont fait observer que la majorité des familles des victimes sont parmi les personnes nécessiteuses, ou ceux ayant perdu leur unique soutien de famille ou source de revenu, appelant les autorités régionales et locales à mieux accueillir ces victimes et à leur prêter une écoute attentive. Ils ont indiqué que la commission a établi des listes de médecins, d'avocats, et de notaires volontaires pour offrir gratuitement leur assistance aux familles des victimes, ajoutant que la commission souhaite la bienvenue à quiconque désire lui apporter son aide.