La plus tunisienne des italiennes Claudia Cardinale a tiré sa révérence    Pourquoi le Salon du Développement Durable (15-16 octobre) est l'événement à ne pas manquer à Tunis ?    Maghreb : la cybersécurité passe par la sensibilisation des employés    Sarra Zaafrani Zenzri: le projet de loi de finances reflète les valeurs de la Constitution et consacre le développement équitable    Claudia Cardinale, icône du cinéma européen, s'est éteinte à 87 ans    Ousmane Dembélé remporte le Ballon d'Or 2025 et rejoint Zidane, Platini et Benzema    Météo en Tunisie : orage et temps pluvieux ce soir et demain    Colère syndicale suite à l'agression d'un agent municipal en plein centre-ville    DONGFENG en Tunisie : NIMR, le concessionnaire officiel présente la gamme de véhicules à énergie nouvelle    La Tunisie appelle à un cessez-le-feu immédiat à Gaza    Diplômés au chômage longue durée: une proposition de loi qui fixe les conditions de leur intégration    BCT: Mise en circulation à compter du 23 septembre 2025 d'un nouveau billet de banque de cinquante dinars    500 jours : Mourad Zeghidi, symbole de l'injustice    Le grand moment Palestine aux Nations-Unies : Historique ! Et le plan Macron    Drogue et sécurité : Mbarka Brahmi accuse les autorités d'avant le 25-Juillet de compromission    Location longue durée : Hammamet arrive en tête, suivie de Nabeul centre et de Sousse    Tunisie : 4 tonnes de produits alimentaires dangereux retirées !    Israël accusé d'avoir attaqué la Tunisie : un aveu inédit de Tom Barrack    Classes surchargées, manque d'enseignants : l'avertissement de l'Association des parents d'élèves    Kasserine-intempéries : suspension des cours dans les établissements scolaires    Mondial Volley : Fin de Parcours pour la Tunisie !    Siliana-pluies torrentielles : la direction de l'Equipement mène une série d'interventions pour faire face aux inondations    Riadh Zghal: L'indice de développement régional et la persistance des inégalités    Tunisie IFC : Samir Abdelhafidh et David Tinel discutent du renforcement de la coopération économique    Bizerte : le premier pont du genre en Afrique sera achevé en 2027    Le joueur du PSG Ousmane Dembélé remporte le Ballon d'Or    Tunisie : vos démarches administratives bientôt 100% en ligne, fini les files d'attente !    Kaïs Saïed reçoit Brahim Bouderbala et Imed Derbali    Le message obscur de Kaïs Saïed    Avis aux Tunisiens : fortes pluies, orages et baisse des températures mardi !    Quasi-collision à Nice : que s'est-il réellement passé entre Nouvelair et EasyJet ?    Flottille Al Soumoud : le député Mohamed Ali témoigne depuis la Méditerranée    Le président Kaïs Saïed cible réseaux criminels et pratiques spéculatives    À Nice : un vol Nouvelair frôle un EasyJet, enquête ouverte et passagers sous le choc    Théâtre de l'Opéra de tunis: ce vendredi, hommage posthume à l'artiste Fadhel Jaziri    De la « fin de l'histoire » à la « fin de la mémoire»    Dr Mustapha Ben Jaafar - La reconnaissance de l'Etat de Palestine, étape décisive vers la paix au Moyen Orient    Séisme de magnitude 3,2 dans le gouvernorat de Gafsa    105 000 visas Schengen délivrés aux Tunisiens en 2024 avec un taux d'acceptation de 60 %    La JSK terrassée par l'ESZ : La défense, un point si faible    Ballon d'Or 2025 : à quelle heure et sur quelle chaîne voir la cérémonie    Clôture du festival du film de Bagdad: Le film tunisien « Soudan Ya Ghali » remporte le prix du meilleur documentaire    Saint-Tropez sourit à Moez Echargui : titre en poche pour le Tunisien    Incident sur le terrain : Gaith Elferni transporté à l'hôpital après un choc à la tête    Moez Echargui en finale du Challenger de Saint-Tropez    Sfax célèbre l'humour à l'hôtel ibis avec ibis Comedy Club    La Bibliothèque nationale de Tunisie accueille des fonds de personnalités Tunisiennes marquantes    Fadhel Jaziri: L'audace et la norme    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



La voix muette des martyrs
Commentaire - Entre la Commission d'enquête et la justice
Publié dans La Presse de Tunisie le 13 - 03 - 2011


Par Soufiane BEN FARHAT
"Rappelle, le rappel est bénéfique aux croyants", instruit le Saint Coran. Par moments, l'impératif du rappel est de mise.
Michel Foucault l'avait si bien souligné lors d'un colloque organisé par Amnesty International et Médecins du monde : "Nous ne sommes ici que des hommes privés qui n'ont d'autre titre à parler et à parler ensemble qu'une certaine difficulté commune à supporter ce qui se passe… Qui donc nous a commis ? Personne. Et c'est justement cela qui fera notre droit […] Parce qu'ils prétendent s'occuper du bonheur des sociétés, les gouvernements s'arrogent le droit de passer au compte du profit et des pertes le malheur des hommes que leurs décisions provoquent ou que leurs négligences permettent. C'est un devoir de cette citoyenneté internationale de toujours faire valoir aux yeux et aux oreilles des gouvernements des malheurs des hommes dont il n'est pas vrai qu'ils ne sont pas responsables. Le malheur des hommes ne doit jamais être un reste muet de la politique. Il fonde un droit absolu à se lever et à s'adresser à ceux qui détiennent le pouvoir".
Vendredi, des mères de martyrs éplorées ont entamé un sit-in à Thala. Les habitants de la ville se sont joints à eux. Ils déplorent des négligences qui font que le sang des leurs demeure toujours vivace. Fraîchement accablant. Avec tous les traumatismes, frustrations et ressentiments que cela suppose. La contagion de la mort touche aussi les vivants. A petites doses, à l'instar de tout cruel supplice. Les plaies sont toujours béantes. Incommensurablement brûlantes, du fait d'un sentiment diffus d'impuissance. Les rancœurs pérennes se nourrissent de l'humiliation persistante.
Etrange coïncidence ? Le même jour, M. Taoufik Bouderbela, président de la Commission nationale d'établissement des faits sur les dépassements et abus commis au cours des derniers événements, a tenu une conférence de presse. Il y a révélé que 741 dossiers ont déjà été déposés auprès de la Commission. Soit 98 dossiers de martyrs, 479 cas de blessés et 164 saccages de biens publics et privés.
Premier distinguo : il s'agit de dossiers instruits entre le 31 janvier et le 9 mars 2011, dans le Grand Tunis et quelques autres régions. Les membres de la Commission se rendraient, à partir de la semaine prochaine, dans les régions pour procéder à l'audition des familles, des proches des victimes et des témoins. Ainsi, selon M. Bouderbela, on escompte que d'ici un an, on atteindra 1.400 dossiers, dont 300 sont relatifs aux martyrs et 700 aux blessés.
Second distinguo : la commission ne remplacera point la justice, seule habilitée à condamner les suspects ou à les acquitter, selon Taoufik Bouderbela. Il précise bien que cette commission appuie le rôle de la justice sans pour autant en être le supplétif. Ce qui ne l'empêche pas de porter déjà un jugement de valeur‑: sur 98 dossiers relatifs aux martyrs, a-t-il expliqué, seuls 20 dossiers font état d'un acte criminel odieux. Pourtant, tous les crimes de meurtre ont fait l'objet d'une information judiciaire, la Commission se penchant sur ces cas "à titre complémentaire".
De deux choses l'une, ou la justice est saisie, investigue et tranche, ou la Commission enquête et juge. En plus de l'aberration de la "posture parajudiciaire" d'une Commission qui complète la justice sans la remplacer tout en se prononçant avant elle, le double emploi intrigue. Ajoutons-y le flou artistique gouvernemental et la boucle du cercle absurde est bouclée. En effet, on a proposé des sommes d'argent aux familles des martyrs. Pour nombre d'observateurs, c'est une certaine manière de dissuader ces familles de porter plainte en somme. D'ailleurs, dans leur écrasante majorité, lesdites familles ont refusé cet argent. "Nous ne vendrons jamais le sang de nos enfants", m'ont déclaré des mères en pleurs à Thala.
Avant-hier, un jeune homme m'a abordé à Tunis, en fin d'après-midi : "Monsieur Ben Farhat, je vous connais et je vous respecte, m'a-t-il dit. Je vais vous faire une confidence. Je fais tout mon possible pour me dissuader de me faire vengeance moi-même. Mon frère a été froidement abattu par un policier au cœur de Tunis, la scène a été filmée. L'assassin de mon frère est clairement identifiable. On a frappé à toutes les portes, en vain. Ma mère est désespérée. Notre vie, mon père, mes frères, mes sœurs et moi, n'a plus de goût. Je ne voudrais pas devenir assassin à mon tour. Toutes les fois que je vois une personne en uniforme, je change hâtivement de trottoir." Vérifiées, ses preuves semblent tangibles.
La vie est étrange. Foucault a raison : le malheur des hommes ne doit jamais être un reste muet de la politique. Il fonde un droit absolu à se lever et à s'adresser à ceux qui détiennent le pouvoir…La voix des martyrs ne doit guère demeurer muette.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.